L’année avait commencé à une vitesse folle. Yuasa. Netflix. Devilman Crybaby fut une claque : sa monstruosité, sa virtuosité, sa conclusion. Une claque comme on n’en prend pas tous les ans. Avec du sang, des tripes et de la philosophie. Sperme et religion. Le genre d’électrochoc que le format télévisé ne semblait plus capable de cracher depuis au moins dix ans. Je ne me remets toujours pas de cette fin, de la puissance évocatrice, de la force incroyable de la série. On avait bien poursuivi l’année avec une résurrection honnête d’Ashita no Joe ; moins de hargne certes, mais des personnages qui mordent la vie à pleines dents et qui arrachent leur ascension sociale à un monde ultralibéral et capitaliste dans lequel la technologie est autant un moyen de parvenir qu’un instrument de contrôle. Un genre de cyberpunk sale que l’on croyait impossible de notre temps. Lupin lui-même a cédé cette année à l’urgence technologique. Le vieux voleur, parce qu’il commence à dater un peu tout de même, a profité d’une véritable cure de jouvence, moyennant plongée dans les réseaux sociaux et la face sombre du web, pour donner un nouvel élan bienvenu à ses aventures facétieuses.
On aurait pu continuer sur une belle lancée ; l’annonce de l’adaptation du manga Banana Fish de Yoshida Akimi m’avait fait rêver. Aux mains de MAPPA qui plus est ! comment une telle collaboration a-t-elle pu à ce point échouer ? Le résultat est toujours supérieur à l’immense majorité de la production, mais le rendu est tellement lisse, fade, sans saveur ; la réalisation sans classe et la mise en scène apathique ; les personnages caricaturaux et les rebondissements sans surprise ; je n’ai pas de mots pour dire une telle déception. Il en va de même pour RErideD : on attendait la série depuis longtemps, mais elle n’en finit plus de se perdre dans son scénario à peine intéressant. Et c’est sans compter la platitude des personnages. Le seul espoir désormais repose en la suite spirituelle à Lain, promise depuis quasiment une décennie, Despera, tandis qu’ABe et Konaka se chagrinaient un peu plus tôt cette année de la disparition des circuits alternatifs aux comités de production.
C’est donc auprès de projets plus modestes que j’ai dû trouver de quoi me nourrir. Après la pluie avait, sans prétention, réussit à me raconter une belle histoire d’amour ; juste ce dont j’avais besoin durant les longs mois d’hiver. Ce genre de séries qu’on regarde un chat et un feu ronronnant, sous un vieux plaid décrépi, une tasse de thé aux épices à la main. De même Nomura Kazuya, après avoir montré combien il pouvait maîtriser le thriller historique il y a deux ans, a eu le bon goût avec Run with the Wind de remplacer KyoAni, décidément pas bon à grand-chose en ce moment, dans la veine beaux garçons sportifs, touche pathétique comprise avec supplément passé compliqué. On terminait l’année avec Bloom Into You, une romance comme on voudrait en voir plus souvent : celles qui savent raconter les papillons dans le ventre, le surgissement des sentiments, le rougissement dans l’aurore féconde ; ces sentiments que chaque fois l’on croit échappés pour toujours et qui surprennent à revenir sans cesse à la charge.
Mais il reste la bizarrerie ; et vous savez comme j’aime la bizarrerie. J’aimerais mettre en lumière Agû, une série largement ignorée, et pour cause : son budget d’animation est presque inexistant, sa réalisation et son character design plus que déstabilisants. Mais je voulais souligner, outre l’absence désolante de moyens, l’intérêt que j’ai pu porter à cette série qui malgré ses innombrables faiblesses, a su mettre en scène une histoire intelligemment avec une ambiance extrêmement intéressante. Je ne pouvais pas non plus ne pas mentionner Revue Starlight, série signée probablement par le plus grand fanboy, si l’on m’exclut évidemment, de dieu Kunihiko Ikuhara. Plus qu’un ersatz, c’était une véritable surprise. Si le réalisateur ne réinvente pas le style Ikuhara, il le complète d’une manière qui lui est propre ; les trois derniers épisodes sont d’anthologie. De quoi bien préparer à l’année 2019, qui outre les retours respectifs de Watanabe et — surtout — de dieu Kunihiko Ikuhara, semble autrement plus prometteuse.