Pour résumer brièvement les choses, et rendre ce qui suit compréhensible, la dernière partie de Kokoro est la confession d’un vieil homme (« sensei ») qui vient de se suicider à son jeune disciple. Il y dévoile que la raison de son acte est la culpabilité qui l’accable depuis le jour où il a demandé en mariage la jeune femme dont « K », son ami, lui avait pourtant avoué être amoureux.
Que l'auteur n'adapte que la toute fin de Kokoro, passe encore: il est vrai qu'au Japon, elle est considérée comme un segment à part du roman et est parfois étudiée individuellement.
En revanche, si l'idée d'un rashomon (une même histoire racontée de deux points de vues différents, ici, celui de sensei et de K, ce dernier étant un ajout du réalisateur) pouvaient sembler un moyen original de rendre compte de l'incommunicabilité propre à l'oeuvre de l'écrivain, cela finit ici par former bien vite un salmigondis proprement incompréhensible.
Pour l'avoir lu plusieurs fois, complétée par de nombreuses analyses critiques, je connais kokoro en particulier, et le corpus Sôsekien en général, plus ou moins par cœur... Et pourtant, malgré tout, j'ai été totalement incapable de comprendre la logique de l'auteur derrière les divergences entre les deux versions. Pourquoi certains événements sont-ils racontés de manière totalement différente ? Le point de vue de « K », qui n’existe donc pas dans Kokoro, exprime-t-il la culpabilité du narrateur, à la manière d’une sorte de représentation inconsciente ? Seule explication plus ou moins logique à laquelle j’ai fini par parvenir.
En revanche, les incohérences purement formelles –comment se fait-il donc que, dans la partie traitée du point de vue de sensei, l’on assiste à des scènes dont sensei ne *pouvait pas* être témoin ? –elle, sont bien plus facilement explicable par la pure incompétence de la réalisation.
On sera également gratifiés d'une intrigue secondaire totalement gratuite, et absente de l’œuvre, concernant le désir d'émancipation d'Ojo-san (le sujet de désir de sensei et de K). Ce qui, du coup, ferait presque penser à une autre œuvre de Sôseki, le Voyageur, mais rajoute un degré de complexité inutile.
Quant à l’escamotage du suicide de Sensei, qui donne tout son sens au roman –en ce qu’il rétablit la « justice » sociale, le narrateur expiant la trahison de son ami plusieurs années plus tard –on s’interroge encore sur sa justification. Une faille dans l’espace temps apparait comme l’explication les plus probables, à moins que ce passage n’ait été victime du micro-onde de Steins ;Gate (ceux qui l’ont vu saisiront la référence).
Et je passe sur les innombrables autres trahisons, qui paraitraient presque mineures au regard de ce qui précède, mais témoignent tout de même de l’ignorance crasse, ou du vandalisme pervers (m’aurait-on menti, s’agirait-il en fait d’un hentai déguisé ?), du staff. Comme notamment, que K et Ojosan aient une relation charnelle, alors que cela aurait été strictement impensable d’un point de vue de social à l’époque, qu’Ojosan séduise K, alors que rien ne laisse penser une chose pareille dans l’œuvre originale, que K apparaisse mû par un sentiment de possession – « Ojosan est mienne ! » -, ce qui fait très parrain de la mafia, mais pas du tout Sôsekien etc.