Detroit est sans doute le plus abouti des jeux de
Quantic Dream mais c'est aussi un jeu inégal avec de très bonnes séquences (toutes celles qui concernent Connor et Hank, en gros) et d'autres bien plus médiocres (toutes celles qui concernent Kara et Markus, en gros). Ce que j'ai plus aimé dans le jeu c'est la direction artistique futuriste mais pas trop, et le système d'arborescence qui te montre en direct ce que tu as manqué. Une élégante manière de te pousser à refaire les séquences pour voir les divers embranchements.
Certes au niveau thématique le jeu ne tient pas vraiment la route, et l'idée de raconter la révolte des androïdes en convoquant l'imagerie de la lutte pour les droits civiques des afro-américains voire, plus tard dans le jeu, de la persécution des juifs durant la guerre (!!!) donnent l'impression d'un récit plus intéressé par les symboles que par la cohérence de son univers.
Concernant l'origine de la déviance ce n'est jamais totalement expliqué mais si je me souviens bien de l'idée générale,
Le créateur des androïdes (je ne me souviens plus son nom) a laissé exprès une faille dans le système pour que les robots deviennent autonomes au bout d'un moment, afin que la guerre soit inévitable.
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Puisque l'on parle de jeux narratifs, j'ai tenté
Disco Elysium dans sa version
Final Cut qui vient de sortir. Faut comprendre que le CRPG et les jeux de rôle papier avec des lancers de dés ce n'est pas du tout ma culture, moi qui ai été élevé aux mangasseries et autres dessins animés asiatiques. Heureusement,
Disco Elysium se rapproche finalement plus du point-and-click voire du visual novel, qui sont plus proches de ma zone de confort.
On incarne donc un détective chargé de résoudre un meurtre au sein d'une ville industrielle en proie à de violentes tensions sociales. Dépravé, alcoolique, camé, le personnage que l'on incarne est une sorte de déchet humain capable de tous les excès et il revient au joueur de le remettre dans le droit chemin ou au contraire de le pousser encore un peu plus loin dans l'autodestruction.
Le jeu débute par une fiche de personnage dans laquelle on peut lui attribuer des points dans des caractéristiques bien connues telles que l'intelligence, la rhétorique, l'endurance, le sang-froid etc. La grande particularité du jeu est que ces caractéristiques n'ont pas simplement un rôle passif (déterminer ce que vous pouvez faire ou ne pas faire dans le jeu) mais elles interviennent au cours des dialogues pour vous orienter vers telle ou telle possibilité. En même temps que vous dialoguez avec votre interlocuteur, vous avez toutes vos caractéristiques personnelles qui se joignent à la conversation pour autant de voix qui se chevauchent dans votre tête et peuvent faire partir chaque discussion en délire complet.
L'intrigue en elle-même est rondement menée avec un savant mélange de polar, de politique et d'introspection. L'histoire se déroule dans un monde fictif, mais qui partage avec le nôtre certains clivages idéologiques autour du marxisme (appelé dans le jeu "mazovisme"), du mondialisme (appelé dans le jeu "moralisme"), etc. Mais c'est surtout l'histoire d'une ville à la dérive, abandonnée de tous et pourtant tiraillée entre des forces qui la dépassent, où le tragique ordinaire côtoie l'absurde et le fantasmagorique. L'excès de texte peut devenir lourd lorsque le jeu s'embarque dans cinq minutes d'explication sur les tenants et les aboutissants de la République Imaginaire de Machin, mais globalement c'est un des jeux les mieux écrits que j'ai rencontrés récemment. Attention néanmoins, ça parle de drogue, de sexe et de racisme, on est pas dans le tout public ici.
La traduction française est excellente et les doublages anglophones sont à l'avenant ; les auteurs du jeu, de nationalité estonienne il me semble, doivent probablement être francophiles puisque beaucoup de personnages s'expriment avec un accent franchouillard à couper au couteau. En revanche, et c'est assez dommage, la version du jeu à laquelle j'ai joué est percluse de bugs et de glitches en tous genres dont certains qui bloquent des scripts et empêchent des quêtes de se résoudre. Je suis parvenu à terminer le jeu (trente heures environ pour tout voir) mais cela aurait pu se passer encore mieux.