Profitant de mes vacances sans réelle connexion internet (du 54 mbits/s, le début de la gloire), je trouve finalement le temps de rédiger une petite critique sur ce jeu dont je ne décroche plus depuis près d’un mois. Arrivé à la deuxième région (la Nouvelle-Angleterre, puis l’Egypte), je pense pouvoir donner un aperçu assez objectif de ce qui fait l’intérêt de ce jeu.
Attention, gros pavé...
Commençons par rappeler que TSW est un MMORPG se déroulant dans le monde contemporain, dans lequel plusieurs sociétés secrètes se livrent une guerre impitoyable pour le contrôle de celui-ci, ainsi que d’autres univers parallèles et surnaturels peuplés de créatures pas forcément amicales. Vous vous réveillez un beau jour et découvrez avec stupeur (et une certaine inquiétude il est vrai) que vous avez acquis des pouvoirs paranormaux et la capacité de voir des choses qu’un être humain normalement constitué ne pourrait même pas imaginer. Très vite, vous êtes approché par un recruteur d’une des trois factions principales (Templiers en Europe, Illuminatis en Amérique et Dragons en Asie) et recruté par celle-ci. Dès ce premier contact, on se rend compte que l’ambiance générale aura un rôle clé dans le jeu, car chaque faction aura sa propre manière de prendre contact avec vous puis d’éveiller totalement vos pouvoirs latents. Puis vient le choix de votre première arme et la rencontre avec vos supérieurs hiérarchiques, ceux qui vous enverront en mission à travers le monde (et au-delà) et à qui vous ferez vos rapports au fil de votre progression. Ayant choisi les Illuminatis, ma « boss » étaient une jeune femme relativement speedée, un peu froide, qui aurait pu être une excellente femme d’affaire dans une autre vie. Sans être désagréable, elle ne cherchera pas votre sympathie et s’attachera surtout à votre efficacité sur le terrain, avant même votre survie et votre santé. Bref, une vraie manager, impitoyable mais réglo.
C’est peut-être là l’une des excellentes idées du jeu : alors que dans la plupart des MMO, on incarne un véritable héros qui ira sauver le monde et se couvrira de gloire, ici tout est fait pour nous faire comprendre que l’on n’est qu’un petit rouage (ou un grain de sable) dans une machine complexe, un simple pion envoyé sur le terrain, aisément sacrifiable et remplaçable, soumis à l’autorité de ses nouveaux maîtres. Est-ce que ce nouveau statut nous plait, faut voir. Est-ce qu’on a notre mot à dire ou un avis à formuler, assurément pas. En fait, sans l’aide et la protection d’une de ces factions, on se transformerait en proie facile et, en moins d’une semaine, on disparaitrait de la surface du globe (et la mort n’est qu’une des multiples options de ce qui nous attendrait alors).
Bref, qu’on le veuille ou non, notre vie ne nous appartient plus totalement et l’on se retrouve bien malgré nous embrigadé dans une organisation qui oscille entre une maffia internationale, une secte religieuse ou un puissant groupe politico-financier, voire plus étrange encore.
Il est d’ailleurs dommage que l’on ressente si peu l’influence des trois factions une fois lâchés (véritablement) en pleine nature, hormis les mails de nos supérieurs (très réussis) une fois notre devoir accompli. Bien sûr on monte peu à peu dans la hiérarchie, mais hormis de nouveaux costumes et quelques bonus, on reste quand même un trouffion qui fait ce qu’on lui dit de faire et ce sans aucune forme de sécurité sociale ni même un simple code du travail. Bref, c’est un point qui devra sûrement être amélioré à un moment ou un autre.
Puisque l’on parle évolution, abordons celle de notre personnage. Si en début de partie, on nous laisse choisir une (voire deux) armes principales, la liberté dans nos choix futurs est totale. On dispose d’un peu moins de 600 pouvoirs (actifs et passifs) que l’on peut intégralement débloquer si la fantaisie nous prend. Ceux-ci sont répartis en 9 grands domaines : lames, marteaux et pugilat pour le contact, pistolets, fusils à pompe et fusils d’assaut pour les armes à feu, et bien entendu la magie avec l’élémentalisme, le chaos ou la magie du sang. Ajoutez dans le lot une trentaine de pouvoirs plus génériques et classiques, n’appartenant à aucune des familles citées plus haut. Une fois votre bibliothèque bien remplie, il ne vous reste plus qu’à sélectionner 7 pouvoirs actifs et 7 pouvoirs passifs avant de partir au casse-pipe. Techniquement, toutes les combinaisons sont possibles, mais cela ne veut pas dire pour autant que l’on puisse faire n’importe quoi. En effet, il conviendra d’étudier soigneusement les effets de chaque pouvoir pour trouver ceux qui se marient bien ensembles et déclenchent des combos dévastateurs : les synergies entre catégories d’armes sont réellement primordiales. Bien sûr, le nouveau venu se sentira forcément perdu au milieu de cette multitude de choix, c’est pourquoi Funcom propose plusieurs archétypes spécifiques à chacune des factions présentes. Ce ne sont peut-être pas les sets de pouvoirs les plus dévastateurs ni les plus originaux, mais ils sont parfaitement viables, efficaces et utilisables à tous les niveaux de difficultés. Compléter un archétype donne de plus accès un nouveau costume. Aux joueurs de choisir par la suite s’ils souhaitent les respecter jusqu’au bout, les modifier selon certaines préférences ou créer leur propre formule totalement inédite. Il est par ailleurs possible de changer de pouvoir à tout instant (sauf pendant un combat bien entendu). Notamment en donjon, un joueur peut ainsi changer en quelques clics de rôle et d’équipement au sein du groupe (pratique quand le médic’ se déconnecte sans prévenir) en chargeant un modèle qu’il a préalablement enregistré dans son écran de personnage. Après, on retrouve les classiques du genre : le tank protège le groupe et attire les ennemis, les dps tapent fort et le heal soigne tout ce petit monde sans oublier les habituels sorts de buff/debuff. Il n’empêche que là encore chacun peut y aller de la manière qu’il préfère. Prenons l’exemple concret du soigneur du groupe : on peut naturellement choisir l’archétype moine des Templiers qui soigne et protège directement avec ses sorts de soins, mais on peut aussi choisir d’être moins gentil avec le nécromancien Illuminati qui blesse ses adversaires et transforme une partie des dégâts infligés en soins pour ses camarades (ou uniquement pour lui).
Bref vous l’aurez compris, ici pas de niveaux pour les personnages : l’expérience ne sert qu’à gagner des points de pouvoirs et points de compétences pour améliorer son avatar. Dans la théorie, ça veut dire qu’un nouveau venu pourrait accéder s’il le souhaitait aux zones les plus dangereuses du jeu dès les premières heures de jeu. Dans la pratique, il y a quand même quelques conditions à remplir au niveau du scénario, et même s’il se faisait rusher pour en débloquer l’accès, un joueur fraîchement débarqué à Kingsmouth (Nouvelle Angleterre) n’aurait aucune chance de survivre en Egypte (la deuxième région) sans un bon équipement et un set déjà bien fourni en compétences.
Si ce système à l’avantage de pouvoir changer de « classe » à tout moment selon les envies du joueur, il présente également un gros défaut, à savoir la gestion du reroll. En effet, à partir du moment où l’on peut toucher à toutes les compétences en quelques secondes, on se demande bien quel pourrait être l’intérêt de recommencer un nouveau personnage. Après tout, le déroulement de l’histoire change peu quelle que soit la faction choisie, et l’on n’a pas forcément envie de refaire toutes les quêtes pour retrouver un niveau viable.
L’équipement se range classiquement sur une échelle de 1 à 10 (y’a aussi le zéro, mais c’est vraiment pour les newbies) et selon des critères de qualité (normal, inhabituel, rare, légendaire), les équipements les plus puissants étant disponibles dans les donjons ou avec les récompenses acquises en PVP (nous y reviendrons plus tard). Le système de craft est relativement simple à comprendre, mais plutôt original et contribue énormément à l’ambiance du jeu. Ainsi, à partir de matières premières, on peut créer un nouvel équipement en disposant celles-ci sur une grille selon un schéma particulier.
Ces matières se récupèrent en droppant des objets sur les monstres abattus. On peut à tout moment recycler ce dont on n’a pas l’utilité en matériaux de bases, que l’on réutilisera par la suite pour de nouvelles constructions. En combinant plusieurs matériaux ensembles, on obtient également un matériau de qualité supérieur, de la même manière que l’on combinait les gemmes et joyaux entre eux dans le cube Horadrim de Diablo II. Après quelques heures de jeux, on dispose normalement d’une gamme assez étendue de matières premières et de gemmes, qu’il ne reste plus qu’à assembler en achetant les plans correspondants. Talismans de protections, armes, glyphes d’amélioration et même les potions (soins, bonus d’attaque et de défense) le joueur peut (et doit) composer lui-même l’intégralité de son équipement selon ses préférence. On notera d’ailleurs que les quelques PNJs chargés de la vente ne fournissent finalement que très peu d’armes et équipements clé en main (juste les plus puissantes, mais elles nécessitent pas mal de farming sur le terrain pour pouvoir se les acheter), et presque exclusivement que des plans de fabrication.
Bref si vous voulez un équipement digne de ce nom, il faudra le dropper ou le fabriquer vous-même. Vos enfoirés de supérieurs, comme à leur habitude, ne vous donneront rien sans que vous l’ayez pleinement mérité.
Alors maintenant vous allez me dire, c’est bien beau toutes ces histoires de compétences et d’équipements, mais concrètement, comment on les récupère ? Classiquement, je répondrai la castagne, le massacre sauvage de monstres face auxquels vous n’aurez que peu de doute quant à l’issue d’une quelconque tentative de négociation ou de prise de contact. Taper, encore et toujours, sur les zombies / wendigos / spectres / revenants / momies / Cthulhu (?!? bon, un cousin éloigné, et c’est un boss) reste à ce jour la méthode la plus primaire et jouissive connue pour faire progresser la petite barre bleue située au bas de l’écran de jeu, surtout quand on n’affronte pas un, mais toute une fratrie de ces êtres peu sympathiques…
Un peu plus de subtilité ? Il y a toujours la possibilité d’accomplir des missions pour nos supérieurs ou de rendre services aux survivants croisés au détour d’un chemin (bah oui, c’est plutôt « Apocalypse here and now » quand on débarque dans une nouvelle zone, à croire qu’on attire les ennuis). Souvent, ceux-ci sont encore en vie (et indiqués sur la carte) et l’acceptation de la mission déclenche une petite cinématique de dialogue durant laquelle on ne peut qu’apprécier le travail de la mise en scène et la personnalité parfois dérangée de notre interlocuteur.
Mais une grande majorité de missions se découvriront au détour d’un chemin, dans des conditions nettement moins agréables : une disquette à côté d’un cadavre, un téléphone portable égaré ou un bras ensanglanté pendant sur un grillage et tenant encore un vieux journal déchiré… Les idées ne manquent pas, et tout est fait pour vous mettre mal à l’aise, à aucun moment vous ne vous sentirez totalement en sécurité.
Ça ne vous suffit toujours pas ? Bon, et si je vous proposais de poser (pas trop loin quand même) vos armes et de faire travailler vos méninges ? J’en vois déjà qui regardent vers la sortie là… Eh oui, si le jeu propose son lot de quêtes d’extermination et de récolte (mais toujours avec un cheminement et une mise en scène réussis), bon nombre d’objectifs se révèlent plus spécifiques.
Il y a tout d’abord les missions dites « d’infiltration » pour lesquelles la discrétion sera de mise. Il faudra généralement pénétrer dans une zone particulière de la carte en évitant les patrouilles de gardes, les caméras et autres pièges, pour enfin saboter les infrastructures présentes ou récupérer des informations sans laisser de traces. Bien sûr l’infiltration reste basique et on est très loin d’un Splinter Cell, Metal Gear ou Assassin’s Creed. Malgré tout, ces phases ont le mérite de renouveler le gameplay et de pousser le joueur à davantage de pondération et de réflexion dans ces actes.
Puis viennent les missions « d’enquête », véritable spécificité du jeu et une première dans un MMO, puisque les méninges des joueurs seront mises à l’épreuve. Là, on vous donnera un objectif, une poignée d’indices et à vous de faire le reste pour trouver où aller. Wikipédia sera une source importante d’aide et de réponses, mais face à certains codes, il faudra parfois aller nettement plus loin pour trouver la clé de l’énigme. Vous passerez quelques heures pour trouver le sens caché derrière les mots (ou les chiffres), mais une fois la mission achevée, la satisfaction sera au rendez-vous. Malheureusement, ces missions véritablement géniales entrainent plusieurs effets indésirables sur le chat principal du jeu. Au milieu d’une majorité discrète et agréable, on trouve plusieurs joueurs qui floodent à mort pour demander la solution dès que survient la moindre difficulté, et il arrive que certains inconscients donnent la réponse directement au vu et au su de tous, brisant par la même occasion tous les efforts de ceux qui venaient de passer un certain temps sur l’énigme et n’étaient plus qu’à un cheveu de résoudre la quête.
En réponse on trouve naturellement, mais de manière tout aussi désagréable, une catégorie d’élitistes qui n’hésitent pas à insulter les autres joueurs dès qu’ils ont le malheur de demander ne serait-ce qu’un simple conseil pour progresser ou souhaitent savoir si une mission est buggée.
Car malheureusement, plusieurs personnes se retrouvent effectivement bloquées non en raison de leur manque de réflexion, mais bien parce qu’un bug empêche le déroulement correcte de l’aventure. Même si les patchs réguliers tendent à faire disparaitre ces problèmes, il devient parfois très dur de savoir d’où vient la difficulté.
Bon, on a vu l’essentiel du jeu et de son gameplay, parlons un peu de la personnalisation du personnage. Comme on ne porte ni armure ni robe de mage, juste des talismans et anneaux discrets n’apparaissant pas sur l’avatar, on dispose d’une liberté assez importante pour ce qui est de sa tenue vestimentaire. En début de partie on fait un choix rapide pour celle-ci, mais dès qu’on a accès à la ville de Londres (la ville de départ des Templiers) on trouve une boutique où renouveler sa garde-robe selon le style qui convient le mieux à son gout (plus quelques éléments bonus lorsqu’on remplit certains objectifs en cours de jeu).
Pour ce qui est de l’apparence physique, le résultat est moins convaincant et il arrive de temps à autre que l’on croise quelques clones. Un prochain patch prévu en août devrait voir l’ouverture dans les villes principales de boutiques permettant de faire un peu de chirurgie esthétique et de coiffure pour revoir l’apparence de son avatar.
The Secret World est un jeu passionnant à l’ambiance prenante (très largement inspirée de l’œuvre de H.P. Lovecraft, avec de nombreux clins d’œil), mais on se demande si l’étiquette MMO lui sied correctement. Hormis les donjons, la plupart des quêtes (notamment les enquêtes et l’infiltration) peuvent et doivent se résoudre en solitaire pour en conserver tout le plaisir, mais une fois celles-ci achevées, le potentiel de rejouabilité est plutôt bas. Le système de partage des quêtes, loin d’être intuitif, impose presque que les joueurs soient au même point d’une mission pour pouvoir avancer ensembles. Enfin (mais c’est peut-être personnel), le système de PvP n’est pas des plus convaincant selon moi, se limitant pour l’instant à 3 champs de bataille (dont un permanent) pas forcément passionnants. Néanmoins, ils ont l’avantage de permettre de progresser aussi bien qu’en PvE et comme les items sont communs aux deux formats de jeu, chacun peut faire ce qu’il préfère. Ainsi, plusieurs joueurs ne touchent presque pas au PvE et écument les arènes en évoluant sans problème.
Bref, certains n’hésitent pas à dire que Funcom aurait dû sortir TSW sous forme d’un RPG solo où il aurait pu connaitre un succès peut-être plus important et assuré.
Personnellement, après un mois de jeu, même si le multijoueur est loin d’être au centre du gameplay, je pense qu’il m’aurait quand même manqué : au détour d’une route, aider un joueur sur un combat difficile puis grouper pour lui filer un coup de main reste toujours une expérience intéressante. Et croiser régulièrement des joueurs sur la carte rend le monde moins « figé ».
Il reste un dernier problème, à savoir l’évolution du jeu pour l’avenir : j’en suis à la deuxième région sur les 3 disponibles (après l’Egypte, bienvenue en Transylvanie), mais après je ne sais pas ce qui est prévu. Je pourrai bien évidemment refaire les donjons en mode élite et cauchemar pour de nouveaux défis, récupérer du nouveau matériel extrêmement rare et puissant, mais il est difficile de dire si cela m’occupera longtemps. On ne sait pas trop à quel rythme de nouvelles zones (ou quêtes sur les régions déjà existantes) sortiront, ni de quelle manière elles sortiront, s’il faudra racheter de nouveaux chapitres comme pour Guild Wars ou si ces chapitres seront disponibles gratuitement (sachant que l’abonnement est de 15 euros par mois, ce qui est déjà beaucoup). On ne sait pas non plus s’il est prévu à un moment ou autre qu’il passe en free-to-play.
Pour conclure en l’état, TSW est un excellent jeu, malgré quelques problèmes de finition. Il propose une alternative passionnante aux univers habituels d’heroïc-fantasy, mais son avenir reste encore incertain sur la durée. Impossible de dire si les développeurs sauront proposer du contenu à un rythme suffisant pour conserver une communauté active et de quelle manière ils le feront.