Étant donné que je consomme très peu de japanimation en ce moment, je me suis tourné vers un de mes souvenirs d'enfance, Chris Colorado.
Cette série d'animation française était diffusée au début du siècle sur France 3. A l'époque j'étais tout gamin et la série m'avait laissé une forte impression à cause de son ton largement plus sombre et adulte que la moyenne de ce qui passait à l'époque. Cependant la série n'a jamais connu aucune popularité et bien vite elle sombra dans l'oubli, tandis que je m'étais déjà spécialisé dans les japoniaiseries.
Aujourd’hui je revois donc la série avec un œil bien plus attentif et exigeant. Et je dois admettre que même à l'époque, j'avais déjà bon goût.
Un astéroïde a frappé la Terre et a bouleversé l'ordre mondial. L’Humanité, qui avait atteint une énorme avance technologique, fut contrainte de revenir plusieurs siècles en arrière. Le Crash a notamment fait perdre toutes ses propriétés à l'uranium, privant ainsi l'Homme de l'énergie atomique, et le forçant à rechercher d'autres sources d'énergie. Le point d'impact du Crash se trouve en plein milieu de ce qui fut jadis la plus grande ville du monde, et qui est désormais un champ de ruines appelée la Zone Interdite. Les nations survivantes se sont alliées pour former la Fédération Terrienne, un organisme militaire chargé de protéger ce qui reste de démocratie dans ce monde.
Car la menace est grande. Dans la Zone Interdite sévit une secte étrange, le Groupe 666, qui voue un culte à la météorite qu'ils nomment "Shéol". Cette organisation est menée par un gourou despote doué de pouvoirs psychiques, Thanatos, dont le but est de détruire la Fédération et de contrôler le monde.
L'actuel Commandeur de la Fédération, Richard Julian, effectuait un voyage diplomatique lorsque son avion est victime d'un attentat et est forcé d’atterrir dans la Zone Interdite. Rapidement attaqué par les sbires de Thanatos, il doit son salut à un mystérieux pilote, Chris Colorado. Celui-ci s'enfuit après la bataille mais le Commandeur le fait rechercher. Il souhaite en effet utiliser les évidentes compétences de Chris pour lui confier des missions ultra-secrètes. Chris, qui ne porte pas spécialement l'armée en son cœur, accepte pour une seule raison : il veut découvrir la vérité sur ses parents, William et Lauren Krantz, d'anciens hauts gradés de la Fédération décédés après avoir été accusés de trahison au profit de Thanatos...
Voilà un synopsis bien fourni, mais qui ne mène en réalité pas bien loin. Je ne couvre là que le strict minimum de l'histoire.
Car la principale qualité de Chris Colorado, c'est la densité de son intrigue. Honnêtement, j'ai vu peu de séries d'animation raconter autant de choses en si peu de temps. L'histoire s'envole très vite, le nombre de personnages augmente rapidement, et tous les éléments s'imbriquent progressivement pour former une gigantesque fresque où se mêlent complots, trahisons, secrets, le tout sur fond de tragédie familiale, de guerre et de politique. Aucun épisode n'est inutile, il n'y aucun remplissage et tout est à sa place. C'est sans doute cela qui faisait que la série ne trouvait pas son public à l'époque : outre le contenu pas spécialement joyeux en soi (monde post-apocalyptique, manipulations, mensonges, folie), l'intrigue est si fournie qu'elle réclame une attention particulière du spectateur pour bien comprendre les relations entre les personnages qui évoluent sans cesse. Une attention pas toujours au rendez-vous chez un public de gosses.
Il faut aussi remarquer que les personnages sont tous des adultes avec un fort background, c'était pas l'idéal pour s'identifier. Le protagoniste, Chris Colorado, est l'archétype du héros inébranlable et incorruptible, malgré la noirceur des secrets qu'il va dévoiler. Les dialogues et le doublage sont d'ailleurs plutôt convaincants, avec pas mal de voix connues au casting.
La narration n'est par contre pas à la hauteur, avec quelques plotholes et notamment des transitions assez étranges entre les épisodes (un perso fait une révélation importante en guise de cliffhanger, et dans l’épisode suivant débute comme si de rien n'était). C'est assez vrai sur la fin, qui bien que répondant à la quasi totalité des problématiques soulevées dans la série, laisse un sentiment d'inachevé - comme s'ils voulaient faire une fin ouverte sans trop y parvenir.
Techniquement, faut pas aller chercher bien loin. Le chara-design est très américanisé, l'animation est faiblarde et la plupart des scènes d'action (notamment les joutes aériennes, assez nombreuses) sont réalisées en 3D préhistorique. La bande-son est plus sympa, mais pas assez variée.
J'ai passé un agréable moment avec cette série ressortie des cartons de mes souvenirs, et qui malheureusement est destinée à y rester vu l’absence totale d'engouement qu'elle suscita malgré des critiques dithyrambiques qui la qualifiaient de meilleur dessin animé français de sa génération. Même la possibilité d'une sortie en DVD fut abandonnée ; reste les rediffusions régulières sur les chaînes thématiques dont l'existence se résume justement à tourner en boucle les vieilles gloires. Un fin bien triste pour une production qui était simplement trop en avance sur son temps. 7,5/10