Je rebondis là-dessus : l'indécision est surtout le signe d'une réflexion, le désintéressement et la non information ayant plutôt tendance, je le crains, à nourrir l'abstention.
Plus encore, je pense que l'indécision est un engrenage primordial de la démocratie, sans lequel un débat républicain ne saurait exister : si tous les électeurs étaient décidés, chacun avancerait dans son couloir avec ses troupes, et nous pourrions pratiquement nous passer de campagne.
Sans aller vers l'éclectisme, l'indécision donne donc, à mon sens, tout l'intérêt à ce qui se joue en ce moment, puisqu'il faut convaincre pour les candidats, et non pas se reposer sur ses lauriers en aller dîner au restaurant (bien entendu, je ne vise personne). D'ailleurs, dans mon entourage, les indécis sont loin d'être les moins politisés, et je suis moi-même très attentif. Je dirai même que les personnes que je connais et qui s'y intéressent le plus sont les premiers à être indécis, ce qui semble par ailleurs paradoxal.
Bien, finalement, j'ai du mal à la fermer.
Je ne suis pas en désaccord avec toi. C'est un point qui m'avait échappé bien que je pouvais m'en douter vu que j'y étais confronté, et le serait ultérieurement. L'indécision peut effectivement résulter de la confrontation de diverses opinions, dès lors qu'elles sont conscieusement étudiées. Tu me fais rappeler une phrase d'Aristote que j'ai du lire en terminale (en même temps, seule année où j'ai fait de la philo) : "L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit". Bien que j'ai une interprétation un peu différente de la sienne, je ne pense pas être à côté de la plaque.
La plupart d'entre nous passe son temps à douter, renvoyant sans cesse les inconvénients aux avantages donnés par l'autre partie. Faire une synthèse permet justement d'aller au-delà des opinions présentées, y compris de la sienne, afin de la faire évoluer, et ainsi forger peu à peu ses convictions. Elles résultent par contre d'une évolution constante. Faire campagne est donc important pour permettre cette évolution mais par là constater avec effroi notre incompétence à décider, alors qu'ironiquement l'idée que je me fais d'une campagne est justement de nous en tirer. Avancer dans le couloir avec ses troupes signifie se figer à un moment dans sa réflexion en la tenant pour acquise et, à partir de là, ce n'est que mettre en doute les opinions contraires en affirmant les siennes. Les savants sont souvent des ignorants qui s'ignorent. Mais la première qualité que l'on peut se reconnaître, c'est justement admettre que l'on ne sait rien, et c'est pourquoi on cherche à évoluer. L'indécision peut se transformer en luxe, voir en arme, si on sait voir le verre à moitié plein.
Toutefois, jamais un individu ne peut se laisser convaincre rapidement. Il ne doit pas se transformer en opportuniste car ce ne serait que défendre des intérêts propres. D'autre part, s'il a appris à se cultiver (car cela s'apprend), il ne sera pas aussi facilement influencé et mettra du temps à changer ses positions. L'opinion évolue lentement, jamais trop vite, ce qui ne montre pas un esprit borné mais en fait un esprit critique qui met en balance les éléments donnés. Ce n'est pas en 2 semaines que l'opinion va changer substantiellement, certains points je suis d'accord, mais nous avons tous un frein intérieur. Une campagne s'organise en amont au cours de plusieurs mois, pas quelques semaines avant. C'est pourquoi j'ai bien du mal à voir comment quelqu'un qui était sûr de son choix lors du premier tour est indécis au second. C'est qu'il n'a pas vu tous les candidats, s'est arrêté sur l'un d'eux en misant tout dessus, et constate alors déçu au second tour qu'il faut choisir une autre option qu'il avait évité. Cette option n'est pas nécessairement un vote pour l'un ou l'autre, mais aussi le vote blanc ou l'abstention car il a été réfléchi, ce n'est pas de l'indécision. La frustration du résultat conduit aussi à ne pas vouloir replonger dans la réflexion et amène alors à cette indécision : que faire au second tour?
Au final, ce que nous demande l'élection est d'adhérer peu ou prou à des idées librement choisies par ceux qui se présentent sans que l'on puisse y apporter notre grain de sel et c'est là le germe de l'indécision, celle de constater qu'un candidat nous corresponde pour certaines idées tandis que d'autres nous déplaisent. Derrière cela, une vision différente lie tous ces choix et c'est cette cohérence des idées qui échappe aux électeurs ne s'attardant que sur la surface et les explications que veulent bien nous donner les candidats qui les défendent. Et c'est là, quand bien même des idées nous plaisent, leur articulation peut ne pas nous convenir car elle ne correspond aucunement à notre vision. Je ne crois pas que c'est vraiment une indécision auxquelles sont confronté tes proches, c'est plutôt une absence de représentation des opinions. C'est pour ça qu'ils n'arrivent pas à se décider pour qui voter car ils partent déjà sur la contrainte. Il y a une légère nuance, si fine que l'on prend de l'indécision pour ce qu'elle n'est pas. Ou peut être ais-je mal défini l'indécision alors, et il y aurait donc pour moi une bonne et une mauvaise indécision.
Puis parlant débat, y assister, ou y prendre part, ne fais pas évoluer sur l'instant mais seulement donne des éléments pour cogiter ensuite et c'est en fouillant et approfondissant que cela vient. Organiser le grand débat de la présidentielle entre les 2 finalistes à 4 jours du vote décisif, c'est prendre les électeurs pour des girouettes facilement influençables qui changent d'avis à chaque réplique du candidat A ou B. Ce n'est pas de la démocratie, car celle-ci donne de la valeur à chaque citoyen, c'est de l'élevage politique qu'ils pratiquent. Pourquoi s'emmerderaient-ils sinon à donner toutes ces images et à choisir si sciemment leurs mots en si peu de temps si ce n'est pour rallier le troupeau de leur côté? Ils parlent de stratégies de campagne ce qui est révélateur de l'idée qu'en faisant bien leur boulot, ils obtiennent de nous ce qu'ils veulent et à la juste mesure, mettant de côté le triomphe de leurs seules idées. Seule la politisation progressive des gens rend quant à elle justement leur marge d'erreur de plus en plus grande, je l'espère bien. Y avait qu'à voir Le Pen hier, le post de Shizao sur son programme était mille fois plus instructif qu'assister à cette diarrhé verbale. Si Le Pen ne l'a pas fait, c'est pour miser sur la mécontentement et la polémique et ne pas dévoiler les mesures dont elle a conscience qu'elles dissuadront un bon nombre non informé. À l'inverse, Macron a choisi d'être plus coopératif en jouant le jeu du débat, en déclarant sournoisement que ça l'arrangeait que Le Pen déballe ses accusations.
Dans tout ça, moi même je sais que je ne suis pas un exemple. Le mot de la fin pour moi est celui-ci, empreint d'un certain mystère : Lutter contre sa propre nature, n'est-ce pas justement la nature de l'Homme?