Bon, finalement, la tentation du troll était trop forte, je me décide enfin à poster sur ce topic. J'ai des milliers de critiques et d'articles en retard, sans parler de mon boulot hors-AK, et du fait que je sois un peu comme tout le monde en relatif état de choc à cause des récents événements au Japon, mais malgré tout, curieusement, je trouve le temps de poster ici.
L'organisation de mon temps est vraiment mystérieuse, je ne ne le vous fait pas dire.
Je partagerai donc le point de vue d'un hikikomori sur la question. En fait, pas vraiment sur la question, parce que comme je l'ai sans doute précisé dans la première phrase, ma compétence dans le domaine des relations humaines, left alone des relations impliquant une certaine proximité, est à peu près aussi nul que le score de nature chasse pèche et tradition au derniers -et tant débattus- sondages d'intention de votes.
J'avais en fait dans l'esprit de troller (un autre mot pour rebondir) sur quelques points qu'il m'avait semblé entrevoir dans la discussion, mais qui n'ont pas forcément grand chose à voir avec le sujet principal (duquel je me retire pour des raisons évidentes).
J'ai vu que les bouquins de développement personnels étaient pas mal trollés. Entendons nous bien, c'est atrocement mal écrit (même les meilleurs), et ce qui est d'autant plus terrible aux yeux d'un "littérateur" comme moi, naïf à l'extrême, et pratiquement complétement inutile. Mais reconnaissons une chose à ces ouvrages, ils nous disent ce qu'on veut entendre. Dans la plupart des situations, nous apprécions toujours, face à l'adversité, qu'autrui nous tienne des propos rassurants, même s'ils sont totalement irrationnels, tels que (sur le concept) tout va bien se passer, ça va aller, you can do it, etc... . Or, si ce genre d'interaction est généralement rattachée à la sphère sociale, il arrive que nous ne soyons pas en position de jouir de ce point de vue (si par exemple, nous n'avons pas de relations sociales, comme dans mon cas et dans celui de plein de gens).
Or, on ne peut pas non plus directement se tenir un discours rassurant à soi même, parce que l'impératif de lucidité nous l'interdit. Par le truchement d'un ouvrage, cette nécessité d'être rassuré se pare en revanche des atours de l'objectivité, exactement avec la même force que quand elle est assurée par une relation amicale, et l'illusion bénéfique n'en acquiert que plus de force. Même si, a posteriori, quand on prend un peu de recul après avoir lu ledit ouvrage, on réalise avec une clarté éblouissante que l'on a fait que lire un ramassis de mièvrerie sucrée et dégoulinant. Mais, de la même manière que, je le suppose, nous nous apercevrions avec le recul qu'un ami qui nous rassurerait plus ou moins implicitement sur un choix que nous faisons, est tout sauf de bonne foi.
J'ai beaucoup lu d'ouvrages de développement personnel à une époque, et je crois que même en ce temps-là je n'ai jamais cru dans l'effet d'efficacité et de véracité des thèses énoncées, mais que je me contentais d'éprouver la dimension thérapeutique du phénomène. Encore maintenant, même si je sais pertinemment que cela ne m'avance absolument à rien, j'aime ouvrir de temps à autre un ouvrage à succès de ce genre.
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Passons maintenant au second point, des soirées étudiantes. Je n'ai pas grand chose à dire, à part le fait que je n'en ai jamais vu la couleur. J'ai passé toutes mes études en ne voyant jamais de près ou de loin le phénomène. Ca ne veut pas dire, bien sûr, qu'il n'existe pas, parce que évidemment mon point de vue est biaisé du fait de mon social withdrawal , mais que malgré tout, il n'est pas si incontournable que ça. Si je ne sors usuellement pas de chez moi et que je n'échange pas, je vais néanmoins en cours, et là, naturellement, je suis forcément exposé (même si je n'y participe pas) à une certaine vision de la réalité sociale de mon environnement. Et il ne me semble pas, entre conversation entendues malgré moi ou lues sur internet, que cela occupe un aspect absolument pivot.
La preuve, j'ai pu y échapper de façon absolument totale sans faire le moindre effort dans cette direction (simplement en ne faisant aucun mouvement dans cette direction): s'il s'agissait d'un pilier structurel d'une vie relationnelle étudiante, j'aurais du me claquemurer chez moi et bloquer la porte avec ma commode pour ne pas y être confronté au lieu de me contenter de rester passif.
Après, bien sûr, ces éléments doivent être reconsidérés à travers un certain nombre de prismes correcteurs, notamment le fait que, outre mon état personnel, j'ai fait une prépa puis une grande école, et que cet environnement n'est pas forcément représentatif.
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Enfin, de manière plus générale, j'aurais aimé évoquer très brièvement (parce que je doute qu'il soit fondamentalement pertinent ou intéressant) ma vision générale sur le sujet des relations sociales (partant, de la vie amoureuse, incluse dans cet ensemble).
Je pense que la vie nous soumet sans cesse à de très nombreuses contraintes. On a beau tenter de s'y soustraire au maximum, il n'en reste pas moins que les circonstances extérieures imposent une pression intense et tristement inévitable. Il y a l'impératif de performance, décliné sous ses différentes formes, des études au travail. Auquel vient s'ajouter les innombrables problèmes "administratifs" (déclarations d'impôt, acte d'achat ou de vente, abonnement à divers réseaux de communication, achat de mobilier, de matériel informatique etc...). Et enfin, se tisse tout autour de nous un réseau de frustration et de déception alimenté par les événements hostiles et imprévus qui surviennent. Quoique l'on puisse faire, on fini par réaliser que c'est toujours le "worst case scenario" que l'on doit affronter. Que notre collègue fainéant et incompétent obtient une promotion plus vite que nous grâce à ses relations personnelles avec notre n+1, que l'on se tue à la tâche en faisant des études très difficile pour trouver péniblement un emploi dans un marché structurellement difficile à pénétrer, que l'on réussisse un concours réputé très élitiste pour être traité par l'école qui nous a sélectionné comme un moins que rien (expérience personnelle qui m'a définitivement convaincu de l'idée que même si les circonstances peuvent un court instant paraître favorable, seul le pire en jaillira, toujours), que la maladie et le handicap nous frappent (même en pleine jeunesse) etc... Il n'y a pas lieu de s'en plaindre outre mesure, mais il n'y a pas grand chose d'autre à faire que de se résigner stoïquement.
Dire que le canevas du monde est tissé de tensions et de frustration est une évidence difficilement contestable. A titre personnel, j'arrive péniblement à supporter l'ensemble de cette pression strictement nécessaire. Je pense qu'être un hikikomori complet est se retirer définitivement du monde est un acte irréalisable, dans mon cas, car, après tout, nous devons bien prouver notre valeur économique à la société, sinon, comment tout simplement survivre ? Mais c'est un effort qui est à l'extrême limite de mes forces en tant qu'individu, et je ne prétends pas parler au nom des autres, mais je suppose que tout le monde doit plus ou moins ressentir cette écrasante pression de l'extériorité.
Mais, face à la tensions des circonstances, il y a ce qui dépend de nous et ce qui nous échappe totalement. Les relations sociales font partie de la première catégorie. On peut vivre parfaitement sans cultiver de réseau relationnel -peut-être un peu moins bien à compétences égales qu'un autre qui les aurait développé, puisque la sociabilité est toujours (curieusement) appréciée des employeurs (même pour des postes où elle n'a rien à voir) -mais vivre toute de même de façon tout à fait honorable. En revanche, je n'ose à peine imaginer le degré de complexité auquel doit se situer la gestion d'une dynamique d'ordre sociale qui se surimposerait à toutes les autres obligations. Si soutenir l'expérience du monde s'avère déjà une épreuve difficile, y ajouter un niveau de complexité supplémentaire me semble personnellement effrayant.
Naturellement, je conçois que certaines personnes soient dotées de meilleures capacité de résister à la pression que d'autres, et que ces personnes puissent gérer avec une plus grande aisance l'ensemble des aspects que j'ai abordé. En définitive, parce qu'il est également mû par la conviction d'être profondément lié à mon individualité, pense que cet avis n'a pas d'autre intérêt en dehors des bornes de celle-ci.
Mais je pense qu'à une échelle plus globale on peut également en tirer ceci: il semble évident que les individus naissent et acquièrent des capacité sociales, ou plutôt des degré de résistance, plus ou moins étendus et distincts. Et il semble également trivial qu'il faille savoir, pour exister dans le monde, identifier ses points forts et ses points faibles. Par exemple, il ne me viendrait jamais à l'esprit de tenter une carrière de marathonien alors que je suis asthmatique. De même, il me paraît plus ou moins étrange que quelqu'un qui ne soit pas doté des capacité nécessaires se décide à s'intégrer dans le monde social (et dans le cas du topic à avoir une vie sentimentale notamment). Certes, il nous ne paraît pas absurde de supposer qu'il soit possible d'acquérir dans une certaine fourchette déterminée par notre naissance et notre histoire, à force d'effort et d'entrainement un plus haut degré de maitrise d'un autre domaine. Mais l'ampleur de l'investissement causera inévitablement une perte de performance dans d'autres secteurs. Et comment peut-on se relâcher une seule seconde face à l'impératif de performance de l'existence, si l'on veut survivre ? Il semble que, tout bien considéré, les complications ainsi engendrées dépasseront largement les gains éventuels d'une telle démarche (je ne parle pas ici en mon nom, car je n'ai jamais eu un tel désir si inapproprié avec ce qui constitue mon moi , mais dans une perspective étendue).
En cela, il semble naturel, et sain, que certaines personnes s'éloignent voire se retirent du monde des relations humaines et sentimentales.
Edit: Je constate que ma conception de la brièveté sur ce dernier point a été manifestement altérée. Je m'en excuse en même temps que je constate la chose avec un certain amusement.