JIGOKURAKU — Shônen Die Twice

» Critique de l'anime Hell's Paradise par Deluxe Fan le
06 Juillet 2023
Hell's Paradise - Screenshot #1

Jigokuraku (Hell’s Paradise) est un manga en treize volumes de Yûji Kaku, dont l’adaptation animée a été produite par le studio Mappa et diffusé en 2023. Il faut admettre qu’à l’heure actuelle n’importe quel gribouillage avec marqué « shônen » dessus se fait adapter en anime, que ce soit par Mappa ou par d’autres, ce qui nous oblige nous autres commentateurs à séparer le bon grain de l’ivraie.

Avant de parler du contenu, il faut remarquer que ce manga ne vient pas de nulle part. Yuji Kaku, aujourd’hui âgé de 38 ans, n’a pas été mangaka toute sa vie. Avant d’être auteur et illustrateur, il travaillait dans le milieu en tant qu’éditeur. Pour ceux qui connaissent pas, dans le monde du manga l’éditeur c’est pas juste celui qui va imprimer les tomes et les envoyer à la FNAC. En particulier dans le milieu des mangas publiés hebdomadairement ou mensuellement, avec une cadence de production extrême, l’éditeur est là pour accompagner le mangaka qui souvent est trop absorbé par le travail pour réellement prendre du recul sur son œuvre. L’éditeur fait le lien entre l’auteur et le magazine, le public, les éventuelles adaptations/produits dérivés… Il est présent dès la phase de conception du manga et durant toute la publication, son influence sur les séries est réelle et souvent sous-estimée. Mais bon normalement ce n’est pas à moi de vous expliquer tout ça, c’est pas censé être moi le spécialiste manga ici.

Hell's Paradise - Screenshot #2Yuji Kaku décide donc vers la fin des années 2000 de devenir lui-même mangaka et publie des one-shots qui le font remarquer chez Shueisha, l’éditeur du Jump. Pendant une dizaine d’années il publie divers travaux et travaille quelques temps comme assistant de Tatsuki Fujimoto sur son manga Fire Punch. En 2018 il obtient de publier une nouvelle série, Jigokuraku, dans le magazine en ligne Jump+ qui à l’époque recherchait des mangas de baston pour attirer le grand public. Le manga sera un gros succès sur la plateforme et la consécration pour Yuji Kaku, au point d’obtenir carrément une adaptation anime dont on va discuter ici.

Gabimaru est un shinobi, un assassin employé par divers groupes pour accomplir des missions se terminant en général dans le sang. Elevé dans un village de ninjas, il a été entraîné dès le plus jeune âge pour accomplir son devoir à n’importe quel prix. Un jour, il épouse la fille du chef du village, qui cherche un héritier. Gaby découvre alors que la vie ne se résume pas qu’au meurtre et au combat, et qu’une autre voie est possible. Il décide alors de quitter le village, ce qui déclenche la colère du chef qui le fait capturer. Gaby est condamné à mort, mais son entraînement l’a rendu tellement fort qu’il est impossible à tuer par des moyens conventionnels.

Hell's Paradise - Screenshot #3C’est alors qu’apparaît Sagiri Asaemon, une exécutrice envoyée par le Shogunat pour trancher la tête des criminels les plus récalcitrants. Constatant la puissance de Gaby, elle lui propose un marché ; se rendre sur l’île de Shinsenkyô et récupérer l’élixir de vie éternelle que convoite le shogun. En échange, Gaby sera amnistié et retrouvera son épouse. N’ayant plus rien à perdre, Gaby embarque vers l’île mystérieuse avec d’autre renégats comme lui. Ce qu’ils vont y trouver va complètement dépasser tout ce qu’ils auraient pu imaginer…

En ce moment la grande mode dans le shônen c’est de produire des saisons de douze épisodes où il se passe que dalle et d’en sortir régulièrement pour rallonger la sauce et raquer autant de pognon que possible. Jigokuraku choisit une orientation différente ; c’est un shônen où il se passe des trucs, ce qui est assez incroyable à notre époque. Beaucoup de personnages, beaucoup de péripéties, beaucoup de combats, c’est un des animes les plus généreux qu’on ait pu voir ces derniers temps dans le genre. Si on y regarde bien, cette série contient tellement d’idées et de concepts qu’on pourrait facilement en tirer deux ou trois séries indépendantes. D’un côté on suit le voyage de Gaby et Sagiri qui se découvrent eux-mêmes au cours de leur aventure morbide, de l’autre on a l’aspect battle royale avec les criminels et leurs gardiens qui s’affrontent jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’un, et cela sans même aborder tout l’aspect mystique avec l’île de Shinsenkyô et ses secrets. L’anime alterne entre ces différents cheminements, ce qui rend un résultat un peu indiscipliné et foutraque jusqu’à ce que l’intrigue se recentre sur une direction en particulier, comme si l’auteur avait finalement trouvé ce qu’il voulait raconter après tout un tas d’expérimentations.

Hell's Paradise - Screenshot #4L’écriture porte aussi également cette caractéristique des mangas hebdomadaires qui se cherchent leur style en même temps qu’ils sont publiés. Le début de l’anime est plutôt terre-à-terre avec des séquences très violentes qui rappelleraient des séries comme Mugen no Junin. Plus la série avance plus on se dirige vers la fantasy, et à la fin de la saison ça devient littéralement Naruto avec les personnages qui utilisent des techniques ninjas et s’envoient des boules d’énergie. C’est peut-être là où la série fait preuve d’une certaine facilité, au bout d’un moment les personnages sont tellement mis en difficulté que l’auteur n’a pas d’autre choix que de sortir le Manuel du Petit Shônen Illustré et de nous ramener à des clichés connus du genre et pas forcément exécutés de la manière la plus adroite (« Oui en fait moi aussi j’avais le pouvoir du chakra depuis le début mais j’ai rien dit parce que voilà »).

Là où Jigokuraku tire son épingle du jeu c’est le style et la direction artistique. Je parle bien de style et pas de technique. Entre la baffe Chainsaw Man, la deuxième saison de Jujutsu Kaisen, les multiples "dernières saisons" de Shingeki no Kyojin et sans parler de Vinland Saga 2 et de leurs quatre-vingt-quinze autres projets, le studio Mappa tire sur une corde toujours plus proche de se craquer et Jigokuraku a manifestement été mis de côté dans le partage des ressources. L’animation est plutôt compétente et l’opening en particulier est excellent, mais il ne faut pas chercher ici le niveau de mise en scène atteint par d’autres séries du studio et encore moins par l’étalon du genre qu’est Kimetsu no Yaiba. Néanmoins, ce que Jigokuraku manque en termes de budget il le compense avec des idées. Les décors, notamment sur l’île, sont assez recherchés et rendent très bien le surréalisme mystique dans lequel baigne la série. Les designs sont également de haut niveau, que ce soient les personnages ou surtout les monstres grotesques tout droit sortis d’un jeu vidéo de chez From Software. Quand tu as les adversaires qui se transforment pour devenir ces espèces de créatures bigarrées il ne manque que la musique de boss derrière ; d’ailleurs au passage l’OST de la série est plutôt sympa, ce qui est rarissime dans la japanime moderne.

Ce n’est pas étonnant qu’une série telle que Jigokuraku plaise autant à un certain public dont je fais partie ; c’est un shônen conçu par un daron pour des darons, c’est fait pour les gens qui n’ont pas de temps à perdre avec les gamineries. Chaque épisode apporte quelque chose, il y a des morts violentes et des gonzesses pas très habillées, on est à un niveau légèrement au-dessus de la moyenne du shônen commercial habituel. On attend de voir si Mappa et le Jump trouveront l’opportunité de produire une suite au milieu de leurs dizaines d’adaptations en cours, sachant que le manga est terminé depuis un moment ; il est même tellement terminé que l’auteur Yuji Kaku a eu le temps de lancer un autre manga, Ayashimon, qui s’est fait dégager du Jump au bout de quelques mois. Telle est la dure loi du shônen, roi un jour, clochard le lendemain.

Verdict :7/10
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A propos de l'auteur

Deluxe Fan, inscrit depuis le 20/08/2010.
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