MY HERO ACADEMIA — Je ne suis pas un héros, faut pas croire ce que disent les journaux…

» Critique de l'anime My Hero Academia (TV) par Deluxe Fan le
20 Décembre 2025
My Hero Academia (TV) - Screenshot #1

Après 170 épisodes et dix ans de diffusion, l’adaptation animée de My Hero Academia trouve sa conclusion en ce mois de décembre 2025. L’occasion de revenir sur cette série qui aura accompagné les amateurs de shônen cette dernière décennie.

Comme toujours, un peu de contexte ne fait pas de mal. MHA est au départ un manga de Kôhei Horikoshi, publié dans le Weekly Shônen Jump entre 2014 et 2024 et compilé en pas moins de 42 volumes. Il ne s’agissait pas du premier manga publié par l’auteur dans le prestigieux magazine mais son précédent titre, Barrage, s’est fait annuler au bout de deux tomes et l’a laissé déprimé et démotivé. Horikoshi est néanmoins revenu et a profité des circonstances: MHA a commencé sa publication dans le Jump en juillet 2014, soit quelques mois avant la fin de Naruto en novembre 2014. Le magazine avait besoin de titres neufs pour prendre la relève et MHA est parvenu plus que tout autre manga de son époque à occuper la place.

Concernant l’adaptation anime, elle eu l’avantage d’être produite par le studio Bones; le même studio qui a pratiquement inventé l’anime de shônen moderne avec Fullmetal Alchemist (2003). Et avec MHA le studio Bones a encore réinventé le genre puisqu’ils ont introduit l’idée d’adapter un manga en cours en de multiples saisons plutôt qu’en une seule série. En effet, la norme dans le genre était jusque récemment de produire des animes feuilletons qui continuent jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien à adapter; c’était le cas de FMA à l’époque qui a forcé Bones et le scénariste Shô Aikawa à diverger du manga pour écrire leur propre version de la suite. My Hero Academia est le premier shônen d’envergure à avoir été ainsi adapté en plusieurs petites saisons (huit au total) pour assurer la fidélité au manga mais aussi et surtout la qualité de la production, sur laquelle on reviendra plus loin. Ce modèle de saisons successives s’est révélé très adéquat et a été repris par toutes les adaptations de shônen du Jump et d’ailleurs (Demon Slayer, Jujutsu Kaisen, Dandadan...) au point que même le vénérable One Piece, dernier bastion de l’ancien régime du shônen, a fini par s’y ranger.

My Hero Academia (TV) - Screenshot #2Le récit se déroule dans un monde bouleversé par l’apparition des Quirks, des super-pouvoirs qui apparaissent spontanément chez les humains selon un facteur génétique. Certains Quirks sont plus puissants et d’autres plus dangereux; la société s’est donc orientée vers un système où l’ordre est garanti par les Héros, qui utilisent leur Quirks pour le bien commun, et qui se bat contre les Villains qui utilisent leur pouvoir pour le mal.

Au Japon, le Héros le plus fort et admiré de tous est All Might, dont la seule existence est un symbole de paix. Parmi ses admirateurs se trouve Izuku «Deku» Midoriya, un gamin qui rêve d’être un héros mais qui a la malchance d’être né sans Quirk, ce qui arrive à environ 20% de la population. Toutefois, Izuku va un jour découvrir une terrible vérité; All Might est malade et va bientôt devoir tirer sa révérence. Décidé à trouver un successeur, il transmet à Deku son Quirk, «One for All» qui lui confère une force extraordinaire. Doué de ce nouveau pouvoir, Deku intègre l’école UA, afin de devenir le plus grand des Héros…

Y compris au niveau de ses inspirations, MHA a profité d’une ambiance favorable. Le manga débute en 2014, soit deux ans après la sortie du premier film Avengers de Marvel, qui propulse l’hégémonie des super-héros américains au cinéma et dans le monde du divertissement en général. Il serait néanmoins réducteur de dire que Horikoshi se serait contenté de reprendre la tendance du moment; certes MHA transpose la figure du super-héros dans un cadre scolaire bien connu des fans de manga et y incorpore tous les clichés possibles (le tournoi, l’entraînement…) mais si on élève un peu le niveau de lecture on peut voir une vraie réappropriation du sujet.

My Hero Academia (TV) - Screenshot #3La première et la plus importante inspiration de MHA est la franchise X-Men, crée par Stan Lee et Jack Kirby dans les années 60. On y raconte comment certaines individus «mutants» développent des pouvoirs et se retrouvent discriminés par la société. Cette série de comics est connue pour son propos hautement politique, avec un parallèle évident entre la lutte des mutants et le combat pour les droits civiques aux États-Unis. MHA reprend cette idée à la base – les humains évoluent spontanément et obtiennent des pouvoirs – mais l’emmène dans une direction complètement différente puisque dans MHA les super-humains ne sont pas minoritaires mais majoritaires. Contrairement à la plupart des œuvres où les héros sont des exceptions, des élites au-dessus du monde ordinaire, dans MHA n’importe qui peut devenir un héros puisque tout le monde ou presque a un super-pouvoir. En partant de cette idée, MHA raconte non par l’histoire d’un héros mais l’histoire d’une société des héros. Comment s’organise une société où le moindre individu peut devenir une arme de destruction massive? Si chacun a son propre super-pouvoir, qui décide de celui qui a le droit de l’utiliser et de celui qui doit le réprimer?

C’est là qu’intervient le conflit qui va structurer une bonne partie de la série: l’opposition entre l’école des héros et la Ligue des Villains, qui feront office de méchants de l’histoire. Dans les comics les villains sont souvent aussi charismatiques que les héros au point de parfois devenir les protagonistes de leur propre séries (Venom, Deadpool…). Dans MHA les villains représentent justement la face sombre de cette société des héros qui ne tient que par le contrôle ; le contrôle de soi mais aussi le contrôle collectif. Les individus doués de Quirk ne peuvent vivre ensemble que parce qu’ils se contrôlent et n’utilisent pas leur pouvoirs, et délèguent la tâche d’assurer la sécurité à des héros qui eux ont le droit d’utiliser leur Quirk à plein potentiel. Ceux qui ne veulent pas, ou ne peuvent pas contrôler leur Quirk sont relégués aux marges de cette société. Ainsi les villains sont ici les marginaux, les rebuts, les exclus, et cela les rend forcément intéressants car ils sont la force révolutionnaire, contrairement à Deku et ses amis qui, in fine, sont là pour protéger le status quo. On apprendra ensuite que derrière la Ligue des Villains se trouve le véritable antagoniste, All for One, qui est l’ennemi mortel d’All Might et de Deku et qui pour le coup est plus proche de Voldemort que de Magneto, dans le sens où il est purement maléfique et n’a pas vraiment d’épaisseur politique ou historique.

My Hero Academia (TV) - Screenshot #4L’autre inspiration de MHA est Superman, le célèbre personnage de DC Comics, qui lui aussi est souvent abordé de manière politique (par exemple le récent film de James Gunn, où Superman empêche un état colonial de génocider un peuple opprimé, ce qui évoque une certaine actualité…). Dans MHA l’équivalent de Superman est All Might, le plus puissant héros du Japon dont la seule existence assure ordre et stabilité dans le pays. Là encore, MHA retourne les codes puisque le scénario ne traite pas de la présence d’All Might mais de son départ. Dès le début on comprend qu’All Might se dirige vers la sortie et il transmet son pouvoir à Deku pour qu’il prenne sa succession, et sans trop spoiler All Might finit par effectivement sortir de scène ce qui bouleverse l’équilibre de cette société des héros. A ce moment MHA aborde un thème qui pour le coup est récurrent dans le shônen, celui de la transmission et de l’héritage. L’idée du pouvoir du One For All est que des générations de héros successifs se transmettent le pouvoir et qu’il devient de plus en plus fort; on peut y voir ici une allégorie du mangaka lui-même, qui fort de toutes ses inspirations venues de Stan Lee jusqu’à Harry Potter en passant par Naruto, aboutit à créer son propre univers.

Toutes ces considérations thématiques ne doivent pas faire oublier que MHA raconte une histoire, et comme souvent avec ce genre de shônen hebdomadaire, on retrouve une alternance de moments de fulgurance dramatique, de segments de pur ennui et d’autre qui semblent relever de l’improvisation. Horikoshi a assuré ses arrières en adoptant des structures très éprouvées avec des arcs de tournois, d’entraînement et autres emprunts plus ou moins subtils (l’arc avec Overhaul est une sorte d’erzatz de l’attaque du château de Hunter x Hunter, par exemple). En vérité, ce n’est pas là que se trouve l’intérêt du scénario, il faut descendre encore un cran et venir à l’écriture proprement dite. En effet, un des point les les plus intéressant de MHA et qui le place à part de la plupart des shônens de son époque est la manière avec lequel il écrit ses personnages, d’une manière très humaine et sincère. Pour écrire des personnages qui paraissent humains, il faut leur donner des défauts humains et une personnalité crédible. Il ne faut pas avoir des personnages trop détachés (World Trigger), trop parfaits (Demon Slayer) ou trop stéréotypés (Black Clover). MHA touche juste avec ses personnages qui combattent dans ce monde de héros vacillant et contre leurs propres faiblesses.

My Hero Academia (TV) - Screenshot #5Parmi ces personnages les plus intéressants de la série sont sans aucun doute ceux de la famille Todoroki. Au début Shôto apparaît complexé par la supériorité et la popularité de son père, Endeavor, qui est un des héros les plus forts du pays. Plus le récit avance, plus on creuse dans des secrets de famille de plus en plus glauques jusqu’à un final bouleversant. Ce qui rend l’histoire des Todoroki passionnante c’est que cela aborde des sujets très concrets (violences intra-familiales, santé mentale) mais avec en toile de fond cette fameuse société des héros qui créé un nouveau cadre dans les relations sociales. Comme les Quirks se transmettent par hérédité, ceux avec les «meilleurs» pouvoirs se reproduisent entre eux pour avoir des enfants dotés de pouvoirs encore plus puissants. Mais contrairement au capital, le Quirk n’est pas liquide ou fongible; si le gamin ne sait pas utiliser son pouvoir, ses gènes ne servent à rien. Que faire d’un enfant qui a été conçu pour recevoir un pouvoir et qui se révèle incapable de l’utiliser? La société des héros autorise-t-elle d’avoir une identité au-delà de son Quirk?

Ces questions se posent aussi voire surtout s’agissant des antagonistes, la ligue des Villains qui comme expliqué plus haut est composée de ceux qui ne veulent pas ou ne peuvent pas contrôler leur pouvoir. A partir de là, vous changez le mot «pouvoir» par «pulsion» ou «addiction» et vous avez un parallèle évident avec la question de la santé mentale et des troubles psy IRL. Les personnages comme Shigaraki ou Himiko Tôga sont dotés de Quirks qui, s’ils ne sont pas bien contrôlés, peuvent causer des catastrophes. Et si au lieu de les aider, la société les rejette, ils finissent dans la violence et le ressentiment. En cela, ce n’est pas le Quirk qui définit la personne, mais la manière avec laquelle la société va s’en accommoder. On ne naît pas héros ou villain, on le devient.

My Hero Academia (TV) - Screenshot #6Avant de conclure, un petit mot sur l’aspect technique. Comme expliqué plus haut MHA a bénéficié de conditions de production relativement favorable avec un studio Bones rompu à l’exercice et l’ambition de produire un anime de shônen qui romprait avec le format feuilletonnant à bas prix qui faisait la norme dans le genre. L’anime a également bénéficié de grands noms de l’industrie à commencer par le chara-designer Yoshihiko Umakoshi, un vétéran de l’industrie principalement connu pour son travail de chara-designer et directeur de l’animation sur des séries telles que Casshern Sins (2008), Heartcatch Precure (2010) et Saint Seiya Omega (2012). Il était également directeur de l’animation sur les adaptations de Mushishi, pour les connaisseurs. Sa seule présence au staff place MHA dans le haut du panier de la production shônen, et c’est sans compter sur les animateurs de Bones qui nous gâtés de séquences sakuga réjouissantes au fil des années. Cela dit, pour être honnête, c’est surtout vrai pour les premières saisons; par la suite le niveau de production s’affaisse quelque peu sans doute en raison d’une redirection des ressources du studio vers d’autres projets tels que les trois saisons de Mob Psycho 100 (2016-2022) qui ont bénéficié d’un investissement technique extraordinaire aux dépens de MHA.

Cet affaissement du niveau de production reflète une descente en gamme narrative à partir des deux-tiers de la série, lorsque le récit commence à se concentrer sur le parcours de Midoriya et les secrets du Quirk qu’il a hérité. Midoriya est assez clairement le personnage le moins intéressant de l’anime et plus on avance dans la série plus l’auteur est obligé de le rendre de plus en plus OP pour matcher la montée en puissance de ses adversaires, au point d’eclipser la plupart des personnages secondaires qui ne peuvent même pas être qualifiés de faire-valoir tellement ils sont hors-sujet. Au début de la série Deku subissait de graves contrecoups lorsqu’il utilisait ses pouvoirs, en plus de devoir cacher sa puissance pour éviter d’attirer l’attention de ses ennemis; ce qui l’obligeait soit à trouver des combines soit à prendre des risques, et ça rendait les combats plutôt sympas. A partir d’un moment ces limitations disparaissent et ça devient un succédané de Naruto ou Black Clover où le héros surpuissant résout tout les problèmes tout seul devant les autres personnages qui regardent le train passer. On pourrait aussi retrouver à redire sur le dernier arc de la série mais honnêtement par rapport à d’autres shônens de ce style, MHA réussit relativement bien son atterrissage avec un dernier combat aussi interminable que bien animé et un récit qui se conclut sans trop renier les acquis des 169 épisodes précédents.

Que faudra-t-il retenir de My Hero Academia? L’univers du shônen avance sans cesse et rares sont les titres qui parviennent à demeurer dans la conscience collective au-delà de leur conclusion. A l’heure où l’on écrit ces lignes, le Shônen Jump a déjà trouvé ses nouvelles têtes de gondoles (Ichi the Witch, Kagurabachi…) et il appartient désormais aux fans et aux commentateurs de décider si MHA a fait sa place parmi les licences majeures du genre où s’il finira comme une sympathique anecdote au milieu de du reste. Pour ma part je retiendrai un anime qui reprend avec intelligence l’univers des super-héros pour y apporter une vraie plus-value thématique, un récit de shônen classique mais bien exécuté et quelques capsules d’action marquantes. Quand on aime le genre comme moi, on en demande pas plus… ultra.

Verdict :8/10
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A propos de l'auteur

Deluxe Fan, inscrit depuis le 20/08/2010.
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