NIKUKO-SAN — Cendrillon, pour ses trente ans, est la plus triste des mamans…

» Critique de l'anime La chance sourit à Madame Nikuko par Deluxe Fan le
10 Août 2022
La chance sourit à Madame Nikuko - Screenshot #1

Gyôko no Nikuko-san (La Chance sourit à Madame Nikuko) est un long-métrage sorti au Japon en 2021 et qui a eu les honneurs d’une sortie en salles en France cette année, dans une indifférence totale du public comme des distributeurs. Ce qui peut surprendre étant donné que le film, réalisé par Ayumu Watanabe et produit par le Studio 4°C, vient de la même équipe qui avait sorti Les Enfants de la Mer il y a trois ans, lequel avait eu droit à un minimum de promotion – au moins, le minimum auquel peuvent avoir droit ce genre de productions confidentielles.

Les comparaisons vont s’arrêter là cependant. Les Enfants de la Mer, adapté d’un manga, était un film porté sur la recherche stylistique et l’expérimentation visuelle et sonore, tandis que Nikuko-san, adapté d’un roman, est bien plus intéressé par l’aspect narratif. On y raconte la vie de Kikuko « Nikuko » Misuji et sa fille, Kikuko « Kikurin » Misuji, dans une petite ville portuaire du Japon où elles ont élu domicile après une existence de galère à travers le pays. Habitant dans un bateau, avec peu de moyens mais beaucoup d’enthousiasme, les deux filles s’intègrent dans la communauté locale et apprennent à construire leur famille.

La chance sourit à Madame Nikuko - Screenshot #2Ce genre de film vaguement social, où l’on nous raconte les déboires d’une famille monoparentale tout en mettant à l’image de superbes paysages de campagne japonaise pour promouvoir les vraies valeurs du terroir et de la ruralité, n’est pas nouveau en japanime. On peut citer Les Enfants Loups de Mamoru Hosoda, ou encore Mon Voisin Totoro de Hayao Miyazaki - auquel il est fait fait explicitement référence. Ce film se situe dans cette mouvance, mais apporte sa propre tonalité.

Cette tonalité c’est celle d’un film qui se veut intimiste ; on cherche à être au plus près de ces personnages, à les suivre dans les moindres détails, jusque dans les chiottes. Le film est raconté du point de vue de Kikurin, la jeune fille, qui décrit son univers avec force détails et de nombreux monologues ; l’aspect littéraire du roman original transpire abondamment de ce côté-là. Cela pourrait être vite agaçant dans un film d’animation mais ici ça passe car le contenu est de haute qualité. Il n’y a pas de réelle intrigue, c’est surtout une étude de personnages, mais le point fort du film c’est qu’ils sont tous intéressants à suivre. Kikurin tout d’abord est nettement plus mature et intelligente que son âge, probablement trop d’ailleurs, la gamine de onze ans qui lit Salinger après l’école on y croit moyen, mais pourquoi pas. Nikuko, la mère, est au contraire immature voire un peu conne mais sa sincérité dans sa volonté d’élever son enfant du mieux qu’elle peut crève l’écran. Il y a aussi le personnage de Ninomiya, qui est moins présent mais que j’ai trouvé être le meilleur personnage du film ; son histoire, abordée avec humour et subtilité, raconte quelque chose que l’on ne voit jamais dans l’animation japonaise.

La chance sourit à Madame Nikuko - Screenshot #3Esthétiquement c’est une réussite, le chara-design n’hésite pas à mélanger les styles avec Nikuko et son design cartoonesque tandis que sa fille Kikurin sort tout droit d’un shôjo manga – une différence d’apparence qui aura son importance dans le récit. L’animation dirigée par Kenishi Konichi est précise et détaillée, avec des images de synthèse quasi absentes ce qui est toujours un plus. Le seul point contentieux c’est le choix du réalisateur d’entourer l’image avec un effet bokeh constant, qui rend les bords flous durant tout le film. Les raisons de ce choix artistique sont évidentes (renforcer l’aspect intimiste qui le point principal du film) mais j’ai trouvé que ça rendait pas si bien que ça.

Nikuko-san est un film d’animation très sympathique, et contrairement à ce que peut faire croire le titre de cette critique, ce n’est pas un film tire-larmes qui va prendre le spectateur en otage pour le faire pleurer. C’est drôle et incisif, assez malin, adapté à un public familial même si beaucoup de gags reposent sur des jeux mots en kanji incompréhensibles. Alors certes ce n’est pas le genre de film que tu vas aller voir avec les potes du tiéquar pour foutre le bordel dans le cinéma façon One Piece Red mais c’est quand même un bon moment. Ce qui importe le plus avec un anime, ou n’importe quelle œuvre d’ailleurs, ce n’est pas que ce soit forcément bien fait ou bien produit, c’est qu’on puisse y voir la sincérité des intentions de l’artiste.

Verdict :7/10
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A propos de l'auteur

Deluxe Fan, inscrit depuis le 20/08/2010.
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