PERSONA 5 THE ANIMATION — Let's Not Do That Today

» Critique de l'anime Persona 5 The Animation par Deluxe Fan le
19 Novembre 2018
Persona 5 The Animation - Screenshot #1

Du jeu vidéo à l’animation japonaise, il n’y a qu’un pas que les producteurs n’hésitent plus à franchir. Après tout il s’agit du même public, pourquoi ne pas tenter de leur refourguer plusieurs fois la même histoire ? Et puis ce n’est pas comme si les studios d’animation servaient à autre chose qu’à faire la pub de nos produits, je veux dire, depuis quand les fans d’animes auraient-ils la moindre exigence ?

Cette philosophie consumériste, le studio Atlus en fait un usage libéral depuis longtemps assumé. Persona 3 a eu droit à une adaptation en quatre films, Persona 4 a eu deux séries télé, et même Persona 5 a eu son OAV publicitaire quelques semaines avant la sortie du jeu. D’ailleurs, le jeu lui-même comporte aux alentours d’une heure de cinématiques en animation de qualité OAV, produites par le studio Production IG, dont un opening réalisé par Sayo Yamamoto. Quitte à draguer le public de l’animation, autant le faire avec goût.

Pour ce qui est de la série télé ici commentée, il y a eu une assez nette descente en gamme. Ce n’est pas IG aux commandes mais A-1 Pictures, autrement dit le supermarché discount de l’industrie. Le réalisateur choisi est Masashi Ishihama, connu notamment pour avoir réalisé Shin Sekai Yori en 2012. Lors d’une conférence que le staff de la série a donnée à l’Anime Expo de Los Angeles en juillet dernier, un fan a demandé au réalisateur comment il était arrivé à ce poste. M. Ishihama a répondu, je cite : "Je n’avais pas de boulot et je m’emmerdais tellement que le studio m’a dit de le faire" (source). On sent tout de suite la passion du bonhomme pour son travail.

Persona 5 The Animation - Screenshot #2Comme vous l’aurez compris je m’apprête à massacrer cet anime, mais je ne vais pas le faire par haine, je vais le faire par amour. En effet, je suis un énorme fan des jeux Atlus en général et de P5 en particulier, dont je connais le script presque par cœur maintenant. C’est pour cela que je ne peux pas supporter de voir cette œuvre ainsi bâtardisée, ridiculisée par cet anime médiocre et alimentaire.

Pour débuter, sachez tout de suite que les 26 épisodes de l’anime ne couvrent que 75% du scénario, et se terminent sur un cliffhanger (la scène dans la salle d’interrogatoire, pour ceux qui connaissent). Évidemment un OAV est déjà prévu pour couvrir la fin de l’histoire, mais il est toujours bon de rappeler à ceux qui voudraient s’y lancer dès maintenant qu’avec cette série seule vous n’aurez qu’une version tronquée du récit. Mais de toute façon, si je fais mon job correctement vous n’irez pas voir cet anime.

P5 raconte l’histoire de Ren Amamiya, un lycéen qui s’est retrouvé accusé d’un délit qu’il n’a pas commis. En voulant s’interposer entre une femme et son agresseur, il a été attrapé par la police et lui-même été reconnu coupable d’agression. Mineur, il est placé en probation et forcé de suivre sa scolarité dans un lycée de Tokyo.

Persona 5 The Animation - Screenshot #3C’est là que les choses vont devenir un peu plus paranormales, puisque Ren acquiert un pouvoir qui lui permet de manipuler l’esprit de certaines personnes et de leur faire notamment avouer leurs crimes. Avec d’autres camarades possédant le même pouvoir, Ren monte un groupe clandestin appelé les « Phantom Thieves » dont l’objectif est de faire expier leurs méfaits à ceux qui profitent de leur position, et tenter de révolutionner la cité tokyoïte pour éviter que d'autres personnes ne soient ainsi abusées comme lui. Les Phantom Thieves gagnent rapidement en notoriété, et se retrouvent confrontés à des forces qui les dépassent et qui sont à la racine du mal de la société moderne.

Le synopsis que je viens de vous faire a été écrit par quelqu’un qui connaît parfaitement le matériel d’origine, en a digéré les thèmes et les détails et en a livré une présentation concise. C’est cela le travail d’adaptation ; trouver les points les plus importants, ignorer les détails propres au média jeu vidéo et livrer un anime qui respecte l’œuvre originale tout en étant de qualité par lui-même. Ce travail d’adaptation n’a absolument pas été fait dans le cas de P5A. L’anime n’est, pour l’essentiel, qu’un résumé du scénario du jeu sans aucune prise de distance ni réinterprétation du matériel, ce qui donne une série simplement insupportable à regarder.

Persona 5 The Animation - Screenshot #4Juste un exemple pour illustrer cette forfaiture ; dans l’histoire il y a un personnage appelé Tae Takemi, qui est un docteur dont le rôle est de vendre des objets de soin au joueur. L’idée est que le joueur doit d’abord lui faire croire qu’il recherche des stimulants pour améliorer ses performances scolaires, puis la convaincre de devenir un cobaye pour des expériences pharmaceutiques. C’est un long processus qui permet d’enrober de narration un truc aussi simple que "tel PNJ vend des objets de soin".

Sauf que l’anime n’en a rien à foutre de tout ça. Dans l’épisode 4 de l’anime le héros croise Takemi par hasard, celle-ci lui donne alors gratuitement un sachet de médocs en lui disant de les prendre et de lui rapporter les effets par la suite (!!!). La séquence dure à peine trente secondes. Non seulement c’est une trahison totale du personnage mais c’est le genre de facilités et de raccourcis dont la série est remplie et qui affadit le propos.

Globalement les personnages, les évènements, les thèmes sont réduits à leur plus simple expression car la série n’a pas le temps de traiter de son sujet avec la profondeur nécessaire pour le rendre un minimum intéressant. Les quelques ajouts apportés par l’anime relèvent du détail et visent surtout à corriger certaines des fautes du jeu en donnant par exemple plus d’importance à certains personnages ou en les introduisant plus tôt dans le récit, mais cela ne fait finalement que rendre l’ensemble encore un peu plus brouillon lorsque chaque épisode montre quinze persos différents quand bien même seuls trois ou quatre ont une réelle importance dans le récit.

La mise en scène proprement dite n’est pas bien meilleure, et la qualité médiocre de l’animation est seul point qui permet à la série de se démarquer clairement. Qu’est-ce qu’on adore les figurants en 3D qui passent devant la caméra pour être sûr de ne pas les louper, vraiment, on en est friands. Ah et les protagonistes qui n’ont plus de visage dès qu’ils sont un peu en arrière-plan, mmmm, c’est si bon. Les combats et les scènes d’action en général sont nullissimes, c’est à peine s’il manque les jauges de vie au-dessus de la tête des protagonistes. La série Pokémon de 1995 parvenait à retravailler des combats au tour-par-tour de manière plus intéressante que cet anime de 2018. Le seul élément vraiment réussi c’est la musique, normal, elle est repompée directement du jeu. Les quelques pistes originales composées par Shoji Meguro, notamment le premier ending, sont également excellentes.

Persona 5 the Animation est une adaptation ratée qui n’apporte rien à ceux qui ont déjà fait le jeu, et n’apportera rien à ceux qui ne l’ont pas encore fait – si ce n’est vous spoiler le récit. Les logiques de jeu vidéo qui permettent au jeu de tenir debout et de rendre son histoire passionnante (les limites de temps, la progression des Confidants etc.) ne sont pas adaptables et il ne reste que le scénario tout nu, vidé de sa substance dramatique, esthétique et thématique. Face à un anime aussi inutile, mieux vaut suivre les conseils de Morgana et aller se coucher tôt, car dans la vie réelle on ne peut pas recharger sa sauvegarde pour récupérer le temps perdu.

Verdict :5/10
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A propos de l'auteur

Deluxe Fan, inscrit depuis le 20/08/2010.
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