Critique de l'anime Patema et le Monde Inversé

Yoshiura Yasuhiro est un réalisateur s'étant fait connaître du grand public en 2006 pour son OAV, Pale Cocoon, puis plus largement en 2009 pour sa série d'ONA (plus tard rassemblées en film) Eve no Jikan. Un parcours qui n'est pas sans rappeler celui de nouveaux réalisateurs d'animation comme Makoto Shinkai.
On retrouve souvent chez lui des thématiques très SF - ce qui a probablement contribué à son succès relatif en occident, plus important qu'au Japon -, et ce deuxième long-métrage, Sakasama no Patema, ne fait pas exception.

La SF s'y retrouve cependant un peu plus en arrière-plan, puisqu'au centre du film, on retrouve surtout une histoire classique d'aventure et de romance, et la relation entre nos deux protagonistes. Recette classique mais ayant fait ses preuves, et dont on accepte de bon coeur le déroulement prévisible et les dialogues s'écrivant tout seuls, tout simplement parce qu'elle est bien exécutée et implique deux personnages finissant par être attachants. Difficile pour moi de ne pas penser à Eureka Seven, et c'est un peu le même genre d'alchimie qui s'opère ici.

Je serais en revanche moins enclin à pardonner sur un autre élément constituant du film: la ville totalitaire façon dystopie d'Aïga. On retrouve une fois de plus les passages incontournables qui fonctionnent toujours, mais le tout est trop abrupt, assez naïf, et sans réelles idées à apporter. Alors que le mêler au concept central du film aurait pu démultiplier sa richesse thématique. Un poil plus de subtilité sur ce point aurait été de bon goût.

On en vient donc enfin à ce concept central, celui du monde inversé. Ce concept est très bien exploité ici, et donne lieu à la plupart des scènes les plus magnifiques du film - dont certaines ont d'ailleurs du être un petit casse-tête à animer… Il aurait certes probablement pu être exploité plus encore, mais dans l'état, c'est déjà en soi suffisamment génial pour faire fonctionner notre imagination à plein régime et partager l'émerveillement des personnages.
Les explications fournies sont mises en scène de façon intéressante, avec ces espèces d'images d'archive qui rappellent Pale Cocoon, qui lui-même empruntait déjà à des oeuvres antérieures de japanimation. Elles ne sont cependant pas très nombreuses et relativement attendues, ce qui rejoint le constat précédent que la priorité est donné à l'aventure humaine et à l'émerveillement plus qu'à la SF pure et dure.

Le film est aussi très beau. Le budget un peu serré se fait parfois sentir, mais cela reste une réussite - et pourtant de prime abord tout ça n'a pas l'air si beau.
On avait déjà l'eau à la bouche devant les décors des souterrains révélés dans les trailers, et c'est effectivement magnifique (la scène d'ouverture me rappelle assez celle de Nausicaa). Malheureusement le temps que l'on y passe est assez réduit.
Le contraste entre souterrains et surface est par contre saisissant. Celle-ci m'est d'abord apparu comme assez banale, seulement égayée par les magnifiques scènes de vol. Pourtant, au final je trouve son ambiance réussie. D'une façon que j'aurais du mal à expliquer, la surface - qui me rappelle un peu l'ambiance de Sky Crawlers - parvient à la fois à paraître morne, pas très engageante, carrée, d'une façon qui sied au régime oppressant en place, et pourtant à être très belle lors des scènes qui cherchent à impressionner.
La même chose pourrait être dite du chara-design, de prime abord banal puis dont on se prend graduellement d'affection. Une direction artistique donc finalement très réussie.

J'ai eu du mal à rentrer dedans, le film possède ses imperfections et aurait pu être plus riche qu'il ne l'est, mais je ressors avec une impression globale très positive et une certaine affection pour ce long-métrage. J'espère donc que Yoshiura continuera dans sa lancée et fera parti de la nouvelle vague des réalisateurs de films d'animation, partageant avec nous sa passion de la science-fiction.