Shirobako - Vis ma Vie

» Critique de l'anime Shirobako par Deluxe Fan le
14 Avril 2015
Shirobako - Screenshot #1

Je ne connais pas un seul fan d’anime, ou de manga, ou de quelque autre média culturel que ce soit qui n’ait un jour imaginé de passer de l’autre côté et de bosser à la création de sa propre œuvre. Mais il y a un monde entre rêver d’être le prochain Leiji Matsumoto et accomplir quelque chose de concret. Heureusement pour tous les déçus (ou les lucides), il nous reste encore la fiction pour imaginer ce que pourrait donner un rêve qui se transforme en réalité.

Shirobako raconte l’histoire d’une groupe de cinq jeunes filles qui, lorsqu’elles étudiaient au lycée, s’étaient fait la promesse de travailler un jour ensemble à la création d’un dessin animé. Quelques années plus tard, certaines d’entre elles sont effectivement parvenues à entrer dans l’industrie de l’animation ; c’est notamment le cas de Aoi Miyamori, qui occupe le poste d’assistante de production au sein du studio fictif Musashino Productions. Son rôle consiste à faire le lien entre les différents pôles de la création d’un anime (storyboard, animation, édition, post-production, prise de son, mixage, etc.) pour s’assurer que chacun avance selon le planning établi et permettre une livraison à la date prévue. Un boulot pas nécessairement passionnant mais qui permet de visiter chaque métier ayant une part dans la création d’une série.

Shirobako - Screenshot #2Car c’est bien là l’ambition de Shirobako : montrer l’envers du décor du petit monde des séries animées japonaises, décortiquer chaque élément constituant une série pour dévoiler la part d’ombre qui entoure cette industrie qui en fait rêver certains. Car si l’animation c’est beaucoup de bonheur, c’est au moins autant d’emmerdements.

Une série animée entre en production près d’un an avant sa première diffusion à la télévision, mais le nombre de gens et de métiers impliqués dans le processus est si élevé que l’on n’échappe pas à des dysfonctionnements qui peuvent prendre diverses formes : retards de la part de tel ou tel poste, désaccords créatifs, panne de matériel ou indisponibilité de personnel, tant d’obstacles qui s’accumulent et transforment chaque anime ou presque en parcours du combattant. Shirobako ne fait l’impasse sur aucune de ces épreuves, avec une précision qui dénote une évidente part de vécu de la part du staff de PA Works et du réalisateur vétéran Tsutomu Mizushima.

PA Works dont la plupart des travaux sont qualifiés de « tranche-de-vie », un genre qui n’en est pas vraiment un et c’est pour ça que je préfère parler de Shirobako comme une comédie professionnelle sur l’industrie de l’animation japonaise. La série n’a pas vraiment d’ambition sociologique, les personnages ne vivent que pour et par leur métier dans l’animation et pratiquement rien ne nous est raconté sur leur vie familiale ou sentimentale. Cela rend les personnages assez unidimensionnels (euphémisme pour ne pas employer le terme éliminatoire d’ennuyeux) mais permet à la série de se concentrer sur son sujet sans s’éparpiller. Pour autant, le fait d’avoir uniquement des personnages adultes et dans la vie active est indéniablement un plus ; si les animes en milieu lycéen ont tendance à tourner à vide, ceux avec des personnages ayant des responsabilités et devant bosser pour bouffer le soir sont plus rares et souvent plus intéressants à suivre pour un public qui s’y identifiera mieux.

Shirobako - Screenshot #3Le nombre de personnages est d’ailleurs très élevé, la série s’obligeant durant les premiers épisodes à signaler à chaque apparition le nom et le poste de chaque intervenant. Certains de ces personnages disparaîtront d’ailleurs de la série, ou se feront de plus en plus rares, ce qui rend bien l’ambiance de cette industrie précaire où personne n’est inamovible et où le turn-over est permanent. L’autre qualité de Shirobako réside dans l’écriture de ses dialogues et de ses situations, qui là encore sentent le vécu. Contrairement à l’habitude des animes japonais à raconter des histoires sur des sujets qu’ils ne maitrisent pas, Shirobako s’inscrit dans une thématique bien particulière et multiplie les références à divers organismes, studios, personnalités ou œuvres de la japanimation. De quoi ravir les spécialistes qui trouveront là un terrain de jeu à la mesure de leurs connaissances.

Pour le reste, la série ne sera pas nécessairement très instructive pour ceux qui auraient déjà étudié la question, mais elle leur permettra de mettre leur données en pratique dans une série qui n’élude aucune question difficile, que ce soit le débat 2D vs. 3D ou l’influence des comités de production sur des points de détails aussi cruciaux que le choix des doubleuses. On peut regretter que l’anime ne porte aucune réelle opinion sur chacun de ces sujets, se contentant de montrer avec un soupçon de dérision les absurdités de ce système – mais venant d’un Japon aussi peu enclin à l’autocritique, ce n’est pas étonnant. Ce sera donc au spectateur de se faire son avis, et à ce titre j’ai été frappé par le fait que malgré tous les efforts fournis par les personnages, toutes les combats qu’ils ont menés et toutes les difficultés qu’ils ont traversés, je ne suis pas arrivé à trouver le moindre intérêt pour les animes qu’ils produisaient – contrairement à un Bakuman où les mangas écrits par les personnages avaient souvent l’air très séduisants.

Malgré son propos tiède et son traitement superficiel, Shirobako reste une bonne série. Plutôt drôle, bienveillante sans être trop bien-pensante, l’anime ne souffre que de son esthétique banale à souhait avec notamment des héroïnes un peu trop moe pour être crédibles. A part ça, je ne vois pas de raison de ne pas recommander le visionnage de Shirobako pour tous les amateurs de japanime, qui ainsi se rendront enfin compte que les animes ne se jugent pas in abstracto, mais en bien en fonction des hommes et femmes qui les produisent.

Verdict :7/10
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A propos de l'auteur

Deluxe Fan, inscrit depuis le 20/08/2010.
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