[SPECIALE HALLOWEEN] HIKARU GA SHINDA NATSU – Boy’s Lovecraft

» Critique de l'anime The Summer Hikaru Died par Deluxe Fan le
19 Octobre 2025
The Summer Hikaru Died - Screenshot #1

Bienvenue dans le Manoir Deluxe, un lieu où se chevauchent réalité et fiction… On raconte qu’il y a bien longtemps, cet endroit était habité par un individu passionné d’animation japonaise, à laquelle il avait consacré toute son existence. Mais au moment de sa mort, il n’avait pas fini de regarder ses dessins animés favoris ; son esprit continua donc d’errer en ce monde, sa soif d’anime ne pouvant être étanchée. Et il paraît que le soir d’Halloween, ceux qui se rendent dans son Manoir peuvent entendre la voix de cet esprit leur parler d’animes horrifiques.

Hikaru ga Shinda Natsu (L’été où Hikaru est mort) est un manga de l’auteur Mokumokuren, qui a commencé à poster ses dessins sur Twitter à la sortie du lycée avant de se faire repérer par l’éditeur Kadokawa; de sorte que le manga en est actuellement à sept volumes au Japon. Il y a connu un grand succès, le premier volume ayant été réimprimé six fois dans les trois mois de sa sortie, la série au global atteignant aujourd’hui plus de 4 millions de volumes en circulation. Un tel succès n’a pas échappé aux producteurs et la série a eu droit à une adaptation anime, et c’est de cela dont on va parler.

The Summer Hikaru Died - Screenshot #2L’histoire se déroule dans un village rural du Japon où vit Yoshiki, un adolescent sans histoires. Un jour, son meilleur ami, Hikaru, disparaît dans les montagnes et ne réapparait que plusieurs jours plus tard. Toutefois, lorsqu’il revient, Yoshiki s’aperçoit que quelque chose a changé chez le garçon qu’il a toujours connu; ce n’est pas Hikaru qui est revenu de la montagne, mais «autre chose».

Cet «autre chose» qui a remplacé Hikaru est une entité surnaturelle qui a pris l’apparence et les souvenirs du jeune homme, de sorte qu’il est impossible de distinguer le vrai Hikaru et le remplaçant. Sauf pour Yoshiki qui a passé toute sa vie avec Hikaru, ou pour ceux qui ont une sensibilité particulière avec le monde invisible. Tout l’enjeu va alors être de savoir si «Hikaru» pourra s’intégrer au monde des vivants, s’il doit au contraire retourner de là où il vient, et surtout, si ceux qui pensent pouvoir vivre à ses côtés ne vont pas eux-mêmes perdre leur humanité...

The Summer Hikaru Died - Screenshot #3Ce qui est le plus intéressant avec cette série qui la place au-dessus de la mêlée, c’est son sens de l’ambiguïté. Les séries grand public ont souvent tendance à proposer des histoires assez évidentes où les gentils et les méchants sont clairement identifiés, ce qui n’est pas un défaut en soi mais ne rend pas forcément compte de la complexité de l’esprit humain, pétri de contradictions. Dans Hikaru ga Shinda Natsu, les choses sont bien plus difficiles à cerner et c’est ce qui rend la série passionnante. Quand Hikaru apparaît, on pourrait croire qu’il est apte à se fondre parmi les humains mais plus la série avance plus on se rend compte qu’il n’appartient pas à ce monde. Yoshiki est le personnage le plus ambigu, et l’anime insiste sur le fait qu’il est perdu entre sa rationalité et ses désirs égoïstes. Au bout d’un moment le récit commence à prendre la forme d’une sorte de chasse épisodique aux fantômes, mais à ma grande surprise le scénario avance vite avec des twists et des révélations régulières qui baladent complètement le spectateur.

L’écriture des personnages et des dialogues est un des autres points qui permettent à la série de se démarquer. Chaque personnage répond à un stéréotype bien identifié, mais dans le même temps les dialogues sont écrits de sorte à leur donner un air de vraisemblance indispensable pour s’immerger dans cette ambiance de Japon rural et populaire. On a parlé plus haut des deux personnages principaux, mais on peut aussi discuter des personnages secondaires tels que Kurebayashi, la mère de famille qui a elle aussi un rapport ambigu avec le monde surnaturel, ou encore Tanaka l’exorciste qui semble débarquer d’un autre anime tant sa caractérisation n’a rien à voir avec l’ambiance de la série, mais dont chaque apparition est marquante précisément parce qu’il dénote avec le reste. Difficile également de louper la question de la sexualité, l’auteur Mokomokuren ayant lui-même affirmé que son manga portait un sujet queer, que l’anime n’élude pas et qui donne de nouvelles clés de lecture (toute l’histoire peut être comprise comme une métaphore de la difficulté de sortir du placard dans un contexte d'adolescence dans un milieu traditionnel).

The Summer Hikaru Died - Screenshot #4L’adaptation anime est produite par Cygames Pictures, ce qui est intéressant en soi. Pour rappel Cygames est un éditeur de jeux vidéo qui a créé son propre studio d’animation pour adapter ses licences, notamment Granble Fantasy ou Uma Musume. Depuis peu le studio a fortement augmenté le volume de sa production avec des projets originaux tels que Bang Bravern (2024) ou dernièrement Apocalypse Hotel (2025). En produisant l’adaptation d’un manga aussi populaire que Hikaru ga Shinda Natsu, Cygames Pictures passe encore une étape dans sa progression en tant que studio majeur de l’industrie.

En vérité, le projet d’adapter ce manga en anime date de 2022, mais il a fallu plusieurs années pour trouver la bonne équipe et la bonne vision. Cette vision sera celle de Ryohei Takeshita, animateur de carrière, qui est non seulement le réalisateur de la série mais aussi son scénariste; un cumul des tâches inhabituel pour ce genre de production calibrée. La raison est que l’adaptation anime ne se contente pas de reprendre le manga mais apporte des modifications assez lourdes. En effet, le staff a convenu avec l’auteur Mokumokuren de réarranger le script pour que certains évènements interviennent plus tôt dans l’anime et que certains personnages apparaissent à des moment différents, l’idée étant de permettre une adaptation complète en deux saisons. Ainsi la première saison adapte les cinq premiers tomes et la suivante, déjà annoncée, adaptera le reste de l’histoire (prévue pour une dizaine de tomes au total) qui n’est pas encore publiée mais dont l’auteur a déjà donné les grandes lignes à Takeshita pour qu’il puisse s’y préparer.

The Summer Hikaru Died - Screenshot #5Cette vision n’est pas seulement narrative mais aussi visuelle et sonore. Takeshita et ses équipes ont fourni un travail exceptionnel de mise en scène, avec des plans nombreux et travaillés, des décors détaillés et beaucoup d’idées visuelles. On peut remarquer notamment l’utilisation fréquente d’images en prises de vue réelles qui viennent d’ajouter aux dessins, quand ce ne sont pas parfois les dessins qui interviennent dans le live-footage comme dans l'ending, ou la scène du train dans le dernier épisode; brouillant la limite entre les deux réalités (l’animation et le live-action) de la même manière que les personnages sont à la limite entre la réalité et le monde surnaturel.

Cet effort de mise en scène se trouve aussi dans l’animation proprement dite, avec notamment les scènes de transformation de Hikaru qui sont animées par Masanobu Hiraoka, un animateur indépendant spécialisé dans le morphing et qui a été recruté spécifiquement pour ces séquences précises, qui sont souvent les plus abouties techniquement en termes de sakuga. Au niveau sonore, le réalisateur est allé chercher le directeur du son Kouji Kasamatsu qui a travaillé principalement sur des longs-métrages d’animation dont un certain nombre de films du studio Ghibli; son apport est décisif pour installer l’ambiance sonore d’un anime d’horreur tel que celui-ci. Comment enfin ne pas mentionner la musique, que ce soit celle de la série proprement dite composée par Taro Umebayashi, ou celle de l’opening qui a été produite par l'artiste Vaundy spécialement pour la série en collaboration avec l’auteur du manga, pour un résultat musical et visuel tout à fait spectaculaire et qui pour moi constitue un des meilleurs opening de ces dernières années.

Hikaru ga Shinda Natsu est aisément un des animes les plus intéressants sorti ces derniers temps dans le genre horreur/fantastique; que ce soit dans son récit à plusieurs degrés de lecture, mais aussi et surtout dans sa proposition visuelle et artistique. Rappelant la première saison de Chainsaw Man, cette série se place au croisement de l’anime commercial qui adapte un manga très populaire et de l’anime d’auteur qui tente une approche esthétique ambitieuse. Il n’y a donc aucune raison de ne pas se laisser tenter, quitte à vous faire aspirer de l’autre côté...

Verdict :8/10
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A propos de l'auteur

Deluxe Fan, inscrit depuis le 20/08/2010.
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