[Spéciale Saint-Valentin] RENT A GIRLFRIEND – Le plus vieux temps partiel du monde

Les années se suivent et la solitude demeure. Quoi de mieux pour passer cette énième Saint-Valentin qu’une bonne petite comédie romantique à la con ?

Kanojo Okarishimasu est un manga de Reiji Miyajima publié depuis 2017 dans le Shônen Magazine avec actuellement plus de vingt-quatre volumes au compteur (!) ; mais ce qui nous intéresse ici c’est plutôt l’adaptation anime qui a été diffusée en juillet 2020 avec une deuxième saison prévue cet été 2022. On y raconte les déboires de Kazuya, un étudiant de vingt ans qui décroche le gros lot puisqu’il devient le petit copain de Mamie, la meuf la plus bonne du campus. Un bonheur qui ne dure pas puisque Kazuya se fait larguer à peine quelques semaines plus tard. Le problème c’est que les meufs c’est comme le gouda au pesto une fois que t’as goûté tu peux plus t’en passer. Du coup le Kazuya il se retrouve à déprimer chez lui avec son rouleau de sopalin comme seule activité, jusqu’au jour où il découvre une appli qui lui permet de « louer une copine » (Rent A Girlfriend).

N’ayant plus rien à perdre, se trouvant déjà au fond du trou social où se trouvent les hommes seuls, les puceaux et autres dégénérés, Kazuya appuie sur le bouton et voit arriver devant sa porte Chizuru, qui va jouer le rôle de sa petite amie de location. Invraisemblablement belle, intelligente et sympathique, Chizuru irradie le monde de sa perfection et renforce un peu plus Kazuya dans son complexe d’infériorité. Un rendez-vous mène au suivant, puis au suivant, et avant qu’il ne comprenne ce qui lui arrive Kazuya est devenu complètement accro à Chizuru, laquelle lui suce son compte en banque comme le font toutes les femmes. Les choses auraient pu en rester là mais Kazuya commet l’erreur d’amener Chizuru à une soirée où sont réunis tous ses potes ainsi que Mamie, son ex. Pour ne pas perdre la face, Kazuya est obligé de déclarer devant tout le monde que Chizuru est sa nouvelle copine. A partir de cet instant, Kazuya a mis le doigt dans une spirale de mensonges et de manipulations…

Pour se démarquer de la masse des comédies romantiques, KanoKari essaie de tirer son épingle du jeu en proposant des personnages un peu plus âgés que la moyenne ; ce qui lui permet de rentrer un peu plus dans le vif du sujet même si ceux qui recherchent cela en particulier feraient mieux d’aller voir ailleurs, on rappelle que c’est publié dans un magazine de shônen après tout. Surtout, l’anime a pour principe de base cette idée de petite amie de location, ce qui existe pour de vrai au Japon où l’on peut aussi trouver des services de maman de location par exemple. Un phénomène fascinant d’un point de vue sociologique, qui opère la rencontre entre les deux plus grands maux de notre époque ; la misère affective d’une part, et le capitalisme absolu d’autre part. Il ne s’agit pas ici de payer pour du sexe, ce qui est vieux comme le monde, mais de commander une relation amoureuse comme on cliquerait sur le bouton Acheter sur Amazon avec la garantie de voir le colis arriver sous 24h si t’es abonné Prime. Ce n’est plus seulement les corps qui sont à vendre mais les émotions également. Et s’il y a un marché c’est parce qu’il y a une clientèle, il y a une population d’hommes pour lesquels ce genre de services est la seule solution pour louer une place dans une société qui nous rappelle constamment que ne pas avoir de vie sentimentale équivaut à ne pas avoir de vie tout court.

Bref, beaucoup de questionnements très intéressants que cette série n’aborde évidemment pas, vous n’espérez quand même pas qu’un dessin animé japonais puisse avoir la moindre réflexion sur quelque sujet que ce soit après tout. En lieu et place d’une série qui aborderait sérieusement son thème, on se retrouve devant un espèce de soap-opéra complètement débile où l’intrigue avance à coups de coïncidences ridicules avec des personnages qui se croisent par hasard et toujours au plus mauvais moment possible. Au début l’élément déclencheur du récit c’est quand on apprend que la grand-mère de Chizuru est hospitalisée au même endroit que la grand-mère de Kazuya et qu’elles sont devenues potes. Bon OK pourquoi pas. Un peu plus tard on découvre que Chizuru est étudiante et comme par hasard elle fréquente la même université que Kazuya, ah franchement c’est un drôle de hasard hein. Mais c’est pas fini parce que quand il rentre chez lui Kazuya il découvre que la fille qui a emménagé dans l’appart à côté du sien ben c’est Chizuru, sa copine de location. C’est fou comme truc hein. Et là c’est genre l’épisode 2. Écoute mec je sais que raconter une histoire c’est compliqué, faut réfléchir un peu et tout, mais faudrait voir à pas se foutre entièrement de notre gueule non plus quoi.

Ce qui tient lieu d’intrigue est donc naze et les personnages ne valent pas beaucoup mieux. Le protagoniste Kazuya est censé être une tête à claques, plus bête que méchant, mais avec un bon fond. Le souci c’est que le personnage n’inspire aucune sympathie en raison de l’écriture ; le mec enchaîne conneries sur conneries et n’apprend jamais de ses erreurs mais le scénar trouve toujours un moyen de le sortir d’affaire au dernier moment. On peut être réceptif à l’idée d’un jeune homme qui se sent si seul qu’il finit par se consoler avec une fausse copine, mais le gars pousse le bouchon en exhibant Chizuru comme un trophée avec l’idée de rendre jalouse son ex pour tenter de la récupérer, c’est genre une télé-réalité en 2D quoi. Y’en a c’est leur délire moi j’ai passé l’âge.

Le reste des personnages ce sont les filles, c’est censé être l’attraction principale mais là aussi c’est compliqué. Chizuru joue le rôle de la fausse petite amie, elle voit que ça dégénère très vite mais au lieu d’arrêter elle se laisse embarquer avec ce débile de Kazuya sur le chemin de la tromperie. Un peu plus tard dans la série on t’explique pourquoi elle fait l’escort et évidemment c’est une raison stupide qui n’a rien de plausible. Mamie est peut-être la plus intéressante du lot parce que c'est juste une pouffiasse en fait, ce qui est finalement assez rare dans un anime japonais (et puis la voix nasillarde de Aoi Yuuki dans ce genre de rôle c’est parfait). Elle est tellement toxique que l’on se demande comment un herbivore comme Kazuya pourrait survivre à ses côtés mais c’est ça l’amour, on choisit pas. Il y a deux autres filles qui apparaissent par la suite, Ruka et Sumi, mais c’est juste deux cinglées on s’en fout totalement. D’ailleurs c’est un autre énorme problème de cette série, à partir de la deuxième moitié ça s’oriente clairement vers le harem avec de plus en plus de filles qui tournent autour de notre héros et des gags de plus en plus intellectuels, quand on multiplie le cringe par la vulgarité ça donne pas le résultat le plus quali.

Normalement ici je consacre un paragraphe pour parler de la mise en scène, de l’animation et de la direction artistique, mais on s’en bat tellement la race

KanoKari ça se présente comme de la comédie romantique sauf que ce n’est pas particulièrement drôle ni réellement romantique. On prend un fait de société très concret et on en fait de la soupe vulgaire, saupoudrée des pires clichés du genre, avec des personnages adultes qui se comportent comme des préadolescents dont le discernement est entravé par la puberté. Je comprends pas comment le manga peut en être à plus de vingt-quatre tomes et j'ai presque envie de regarder la saison deux pour savoir qu'est-ce qui peut bien y avoir tellement y'a rien dans cette série. C’est racoleur et médiocre, ça prend soin d’éviter tout ce qui pourrait ressembler à un traitement intéressant de son sujet, bref c’est la japanime d’aujourd’hui.