Pour ceux qui connaissent la série, ça peut paraître évident quand on parle d’un Ace Attorney, mais je viens de finir Ace Attorney Investigations : Miles Edgeworth qui était bien sûr très bon.

La patte des précédents épisodes est là malgré quelques changements mineurs : les personnages hauts en couleur, les meurtres apparemment insolvables, les rebondissements et retournements en tout genre, les multiples clins d’œil, les graphismes et la musique sont toujours là, et, conséquemment, la qualité aussi. D'autant que le gameplay est très plaisant et un peu moins dirigiste (même si au final on reste très guidés dans notre progression).

Mais, et oui, il y a un "mais" : il manque quelque chose à ce jeu. Et je vais vous dire quoi, ou plutôt, qui : Shu Takumi. (Et non, ce n’est pas moi qui l’ait enlevé.) Bien qu’il soit le scénariste des quatre premiers Ace Attorney et du futur crossover avec Layton, il n’est pas en charge des Ace Attorney Investigations (probablement occupé alors à travailler sur l'excellentissime Ghost Trick).

Et franchement, ça se sent. Pourtant, son successeur a parfaitement compris et respecté l’esprit de la série : à vrai dire, la différence n’est absolument pas palpable dans les dialogues ou les enquêtes, le caractère des personnages est totalement compris et respecté ; la trame elle-même fonctionne comme au bon vieux temps avec le même genre de rebondissements. Tout semble là et je n’ai rien à reprocher au jeu de ce point de vue : il ne fait pas ovni dans la saga.

Et pourtant, je l’ai trouvé plus faible que les autres. On sent l’envie derrière de faire un bon jeu ; les enquêtes sont toutes liées entre elles, ce qui avait fait la force d’Apollo Justice, mais là où son prédécesseur, pourtant souvent critiqué pour son héros (une pâle copie de Phoenix), avait réussi à raviver la flamme grâce à une histoire magnifiquement portée par les protagonistes et mêlant (comme toujours avec Takumi) humour et émotion avec habileté, Miles Edgeworth Investigations peine à décoller. Intéressant mais pas transcendant, il n’arrive pas à transformer notre cœur en yoyo comme Phoenix le faisait. Les personnages les plus attachants sont d’ailleurs ceux que l’on retrouve ; Hunter/Edgeworth bien sûr, mais aussi Tecktiv, Franziska, Eïchouette, Maguy, Paul, Ema, le juge et tous les autres. Parmi les nouveaux, aucun ne restera aussi marquant qu’un Godot, une Dahlia Hawthrone, un DeKiller, ou encore un Matt Moissat. Outre Kay et Badd que j’ai trouvé sympathiques (la première n’étant cependant qu’une énième déclinaison de Maya/Vérité/Ema, bref, les assistantes du héros), ils m’ont laissé tous relativement insensible.

Et puis il faut le dire, après Trials and Tribulations, on avait atteint un tel climax qu’il semblait inévitable que le niveau ne puisse plus que baisser.

Pourtant AAI1 reste un jeu tout à fait respectable, bien ficelé, avec quelques moments sympathiques. Mais il est loin le temps où nous buvions littéralement les paroles de Phoenix, le cœur battant, fébrile, alors que l’enquête semblait sur le point de s’achever quand un « Un instant ! » sorti de nulle-part venait tout bouleverser… et la jouissance que nous procurait les moments de win de Phoenix, lorsqu’apparaissait cette musique qui voulait dire « t’es en train de casser la baraque, mec »… ah je vous jure, aucun jeu ne m’avais jamais fait sentir comme un dieu avant ça. Epic game is epic.

Ensuite, je ne sais pas si c’est la traduction française ou mes lacunes en anglais qui sont à l’origine ou s’il s’agit d’une vraie baisse de niveau, mais j’ai trouvé le jeu moins drôle que les autres qui étaient souvent truffés de répliques cultes et hilarantes. L’idée est là, mais le plus souvent on esquisse à peine un sourire là où habituellement on était plié en deux.

Alors que le jeu se voulait indépendant des autres, mettant en avant pour la première fois le procureur célèbre que devait affronter Phoenix dans les précédents jeux, avec un gameplay inédit (mais qui toutefois n’apporte réellement pas grand-chose par rapport aux autres titres), c’est pour moi de loin le plus difficile d’accès pour un néophyte. Les personnages des précédents épisodes et les références se multiplient, pour le plus grand bonheur des fans, mais corollairement, je suppose, au grand dam des « arrivistes » - même si entre nous je ne pense pas qu’il y en ait beaucoup, surtout en Europe où seuls les plus motivés (et les anglophones) avaient une vraie raison d’acheter un jeu pas même traduit.

Outre les personnages qui ont tous une longue histoire dans la série des Ace Attorney derrière eux et arrivent dans le jeu avec une introduction ridicule pour quelqu’un qui les découvre, on retrouve pas mal de clins d’œil : notamment la fameuse « private joke » que l’on retrouve dans tous les AA sans exception, initié par le duo Phoenix/Maya : la blague sur l’échelle/escabeau (comprenne qui pourra), que j’ai adoré retrouver ici.

Phoenix, quant à lui, semble totalement absent du jeu. Je dis semble, car Hunter (et Paul) font plusieurs fois référence à lui sans jamais le mentionner autrement que par « him », « this blue-suit man », etc. Et on a droit à deux fabuleux caméos dans le jeu, mais à part ça, Phoenix, Maya et Pearl sont absents du titre (et je dois dire qu'ils m'ont manqué!)

La traduction anglaise est de qualité (j’avais souvent entendu dire que pour les précédents jeux, elle était bien meilleure que la VF). Et puis il faut dire qu’Hunter/Edgeworth a ce petit côté so british qui fait que l’anglais sonne bien mieux dans sa bouche, avec des tournures parfois délicieusement archaïques (comme ne manquent pas d’en rire les autres personnages). Ca permet aussi, paradoxalement, d’apprécier des expressions comme celle-ci « This is what some may call the coup de grâce. ». Les jeux de mots sur les noms sont toujours là également (Badd, Quercus Alba et Colias Palaeno,...). Pas grand-chose à dire pour le doublage qui n’accueille que trois nouvelles voix (Agent Lang, Cece Yew et Quercus Alba) et qui sont assez réussies.

Niveau graphismes, pas de grande différences non plus : les sprites sont très bons, les personnages sont expressifs, même si pour les passages où l'on enquête et où Hunter doit se déplacer, je trouve qu'il n'y a pas la même fluidité que celle qu'on pouvait retrouver dans Ghost Trick dans les mouvements des personnages.

Musicalement, Noriyuke Iwadare nous signe une très bonne composition avec une bonne réutilisation d’anciens thèmes et de très bon nouveaux thèmes (celui de Lang et Kay notamment, mais personnellement j’ai surtout aimé celuide Palaeno et Alba), parmi quelques thèmes un peu plus mollassons, mais qui diversifient un peu la bande sonore.

La durée de vie est toujours aussi bonne (avoisinant la vingtaine d'heures, cela dit je lis plus lentement en anglais), même si j’ai trouvé que la dernière enquête tirait un peu en longueur sur la fin – c’était peut-être déjà le cas avant, je sais plus, mais forcément, avec les pics de tension en moins ça se remarque tout de suite plus. Avec ça, j’ai trouvé les dénouements moins originaux, plus prévisibles.

Le vrai plus du jeu sont pour moi de voir une nouvelle facette de nos personnages préférés : incarner Hunter/Edgeworth, découvrir Franziska à 13 ans… ça vaut de l’or, c’est certain - et encore, seulement pour les connaisseurs. Mais ça ne suffit pas à en faire un digne successeur des AA… Shu Takumi, reviens : le jeu n’a pas la même saveur sans toi!

A ceux qui se demanderaient lequel choisir entre Ghost Trick et AAI1, c’est sans hésiter que je leur recommanderai de suivre aveuglément Shu Takumi dans son dernier projet qui lui était une vraie claque et qui poutrait vraiment.

Bon, j’en parle comme s’il s’agissait d’un mauvais jeu : ce n’est pas le cas du tout. Mais j’avais été habituée à mieux avec Ace Attorney et je suis donc assez déçue, je l'avoue. Pour moi, le plus faible de la série (je ne prends bien sûr pas en compte le 6e auquel je n'ai pas joué).

Je mets un 6,5 pour Hunter!