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C'est aussi ça le vin.

» Critique du manga Les Gouttes De Dieu par Nakei1024 le
29 Juillet 2016

Un manga abordant le thème du vin, le concept a de quoi surprendre, notamment en France. Et pourtant, après une dizaine d’années et pas moins de 44 tomes, force est de constater que l’œuvre a su mener son petit bonhomme de chemin, et se faire apprécier du public.

Avant d’aller plus loin, précisons les choses : ici, il sera exclusivement sujet de vin, sous toutes ses formes, quelle que soit son origine ou la manière de le consommer. Chaque nouvel arc trouvera la réponse à sa problématique dans un grand cru ou une bonne bouteille, même la plus improbable, au gré des dégustations toujours très imagées des différents personnages.
Bref, si après une poignée de tomes, et bien que cela soit regrettable, vous n’accrochez pas à l’histoire ou au style, il est sans doute préférable de ne pas chercher à aller plus loin dans un premier temps, et d’y revenir un peu plus tard.

Car c’est sans doute là le principal défaut du manga : le vin, encore et toujours, presque asséné à grands coups de marteaux au lecteur souvent néophyte dans ce domaine, et qui voit se succéder à un rythme soutenu un nombre tout bonnement astronomique de bouteilles dont il ne peut qu’observer les dégustations très imagées. Or on peut y mettre toute la poésie et les descriptions que l’on veut, comme l’affirme le manga lui-même : avant tout, « un vin est fait pour être bu ». Les plus passionnés iront donc éventuellement chercher les bouteilles décrites au long du récit (les plus abordables en tout cas), mais il y a fort à parier que la majorité se sentira quelque peu frustrés.
Il y a aussi ces descriptions toujours grandiloquentes de la moindre goutte de raisin un tant soit peu fermenté, inévitables et qui donnent parfois l’impression d’un trip sous acide. Si Shizuku reste supportable avec une vision un peu plus simple et naturelle de ce qu’il boit, Issei a clairement fini par me courir sur le haricot avec ses descriptions systématiquement ponctuées de soupirs orgasmiques (« oooooh, aaaaah »).
Et j’avoue que certaines méthodes pour découvrir l’identité des « 12 apôtres » m’ont laissé sceptique, notamment de la part d’Issei qui enchaîne les exploits sportifs (apnée, marathon…) pour parvenir à ses fins. Je n’irais pas jusqu’à le traiter d’athlète complet ou de surhomme, mais ce jeune homme aux allures de dandy séducteur nous réserve quand même bien des surprises.
Placer le vin sur un piédestal oui, mais le présenter à ce point comme un produit miracle capable de résoudre toutes les crises (comme « soigner » un Alzheimer précoce chez une jeune patiente, si si…), on tombe dans un travers bien connu des mangas et de la japanimation, ayant tendance à sur-exagérer leurs propos dès qu’on touche à certains thèmes, comme la cuisine. Mais rendons à César ce qui est à César : là, c’est quand même fait avec une certaine classe et poésie, donc ça passe plutôt bien.

On sent à la lecture que les auteurs sont des passionnés de vin et d’œnologie, dont le but a clairement été de transmettre celle-ci au plus grand nombre, de sorte que les spécialistes comme les débutants puissent y trouver leur compte. Et avouons-le, ce pari compliqué est largement gagné.

Ça commence en brisant quelques idées reçues, la première étant que non, le vin et sa dégustation ne sont pas un plaisir hors de prix réservés à une élite fortunée, obéissant à une étiquette et des règles strictes quasi-aristocratiques (genre grandes soirées en costume, le tout servi dans des verres de cristal). Il est tout à fait possible de trouver d’excellents crûs (capables de rivaliser avec les plus grands) à des prix abordables, issus de petits domaines méconnus mais dont le savoir-faire est bien présent. Il est même parfois plus agréable de boire un de ces vins plutôt qu’une bouteille dont on sait qu’elle a presque mis le consommateur sur la paille.
Bien entendu cela ne veut pas dire qu’il faille cracher sur certains produits exceptionnels si on a l’occasion d’en trouver. Mais l’idée à retenir est qu’un bon vin peut se trouver n’importe où et à tous les prix, à condition de savoir où et comment chercher.

Le deuxième cliché qui vole en éclat est bien entendu que les bons vins ne sont pas uniquement Français (Bordelais diraient même les plus chauvins), d’autres pays comme l’Italie ou l’Espagne possèdent aussi une grande tradition vinicole. N’oublions pas non plus que ces dernières années, de plus en plus de nouveaux pays commencent à se faire une place dans la production de crûs d’exception, avec des produits que l’on peut retrouver sur les plus grandes tables. Etats-Unis, Australie, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud… et même le Japon. En compagnie de Shizuku et ses collègues, le lecteur aura l’occasion de se rendre dans tous ces lieux parfois surprenants, et d’y découvrir que la passion du vin comme le travail de la terre peut prendre de nombreuses formes et répondre à de nombreuses philosophies selon le lieu où elles sont pratiquées.

C’est d’ailleurs au cours de ces multiples voyages que l’on fera des rencontres passionnantes, aussi bien avec des producteurs et personnes travaillant dans le marketing, la vente et la restauration (toujours en lien avec le vin), que des anonymes qui sauront faire découvrir cette passion sous un jour nouveau. C’est également l’occasion de découvrir de superbes paysages ou scènes qui pourraient rendre nostalgique même le plus blasé des voyageurs.
Ces multiples personnalités (certaines inspirées de personnes réelles) n’hésitent pas à trancher avec l’image que l’on pourrait en avoir et se révèlent souvent simples, chaleureuses et accueillantes…voire carrément borderline dans quelques cas. Elles savent prendre du plaisir et ajouter un brin de folie dans leurs activités respectives mais n’oublient pas de faire preuve de sérieux et de travail acharné dès que l’on aborde leur art. C’est à ce prix que de bonnes bouteilles continuent à voir le jour, pour le plaisir des consommateurs.

Et l’on arrive enfin au gros morceau, à savoir les protagonistes principaux, qui suivront le lecteur tout au long de l’aventure. On peut aisément les classer en 2 équipes : la team « Shizuku KANZAKI » et la team « Issei TOMINE ». Ça peut sembler réducteur dit comme ça, mais honnêtement c’est ainsi que ça marche. Si Shizuku et Issei donnent du corps au récit, leurs collègues rendent celui-ci vivant, lui apportant une saveur particulièrement plaisante.

Commençons donc par Shizuku. Si je devais le décrire en quelques mots, je dirais que c’est Eikichi ONIZUKA (GTO), qui aurait troqué son immortalité, ses dans de karaté et son côté héros benêt au grand cœur contre un goût et un odorat exceptionnel, ainsi qu’une incapacité totale à retenir la moindre notion théorique en termes d’œnologie…
Autour de lui gravitent une demi-douzaine de collègue qui, bien que n’étant pas des experts reconnus mais de simples employés de bureaux, n’en partagent pas moins une passion commune pour le vin (chacun avec ses petites préférences) et ne demandent pas mieux que de se retrouver dans leur bar favori pour « prendre un verre ». Et dans le pire des cas ils n’hésitent pas à taper dans les stocks de la boîte qui les emploie.
Cette petite équipe de pieds nickelés conseille Shizuku, lui fait découvrir de nouvelles saveurs et, quand le besoin s’en fait sentir, tente de lui inculquer quelques notions supplémentaires. Ici on peut réellement parler d’une équipe soudée dans laquelle chacun soutient les autres et où les connaissances personnelles sont mises en commun.
C’est aussi ceux dont on s’intéresse le plus au quotidien et au passé. La vie de bureau étant ce qu’elle est, ils finissent par discuter un peu de tout et de rien, tout en trinquant gaiement. On apprend ainsi à connaître le caractère de chacun, on suit leur quotidien pas si banal, leurs aspirations, leurs succès et leurs échecs, les quelques aventures amoureuses qui pointent à l’horizon, mais restent malheureusement au stade embryonnaire à ce stade du récit.
Bref, la « team Shizuku » est une bande de copains auxquels le lecteur parvient à se joindre sans problème, de par sa simplicité et son naturel.

Autre son de cloches pour Issei : lui, c’est le petit génie à qui tout réussit. Œnologue mondialement reconnu, il navigue depuis des années dans les hautes sphères de la société, et sa réputation n’est plus à démontrer.
Son équipe est composée presque exclusivement de femmes et hormis sa patronne (maîtresse ?) personne ne lui dit que faire dans sa quête des apôtres (en admettant qu’il écoute), même si ses méthodes peuvent sembler atypiques à bien des égards.
Au cours de ses voyages, nombreuses seront les belles femmes à tomber sous son charme et à se voir offrir le privilège d’un diner en tête à tête (voire plus si affinités). Pourtant, il serait réducteur de le ranger dans la case d’un « dom Juan », car il ne semble pas exprimer plus de sentiments en bonne compagnie, et n’hésite pas à planter une conquête pour une histoire de vin, ce qui laisse planer le doute quant à ses priorités : aime-t-il boire en compagnie d’une belle femme, ou ne voit-il celle-ci que comme un accompagnement plaisant à un bon cru ?
Toujours est-il que la « team Issei » se repose presque exclusivement sur lui, avec un enivrant parfum féminin en arrière-plan. Plus puissante et majestueuse, mais aussi beaucoup moins aisément accessible.

Enfin, il est un dernier personnage au sujet duquel il me semble indispensable de laisser quelques mots. Il n’appartient à aucune équipe, et tient davantage le rôle de mentor et d’arbitre. Il s’agit du vieux Robert DOI (pépé Robert pour les intimes/malpolis/idiots…).
Vieil ami de Yutaka KANZAKI, celui par qui la quête des « Gouttes de Dieu » a commencé, il est chargé de veiller au respect du testament de ce dernier, et de s’assurer que les 2 rivaux ne s’égarent pas en chemin. Car retrouver les apôtres est loin d’être chose aisée et, à mesure que les épreuves avancent, prend une tournure de plus en plus étrange qui pourrait être fatale et détruire les participants.
En dehors de ça, il s’agit d’un vieillard excentrique car riche à millions (milliards ?) mais préférant vivre comme un clochard sur un terrain qui lui appartient, au milieu d’un trésor en bouteilles qu’il a enterré tout autour du carton qui lui sert de maison…

Arrivé à la fin du tome 44 (et donc de la série), les 12 apôtres ont donc été découverts, mais ce n’était là qu’un échauffement avant de se lancer dans la quête des Gouttes de Dieu. Une suite est prévue sous le nom de Mariage, mais n’est pas encore sortie en France.

Pour conclure, l’idée d’un manga sur le vin pouvait sembler hasardeuse voire franchement casse-gueule, mais c’était sans compter sur la passion des 2 auteurs qui sont parvenu à tirer un récit lisible aussi bien par les experts que les néophytes. Même moi qui n’y connais pourtant pas grand-chose, j’ai pris un immense plaisir à suivre cette série et attends impatiemment la suite.
Malgré tout, je ne peux m’empêcher après coup de regretter que les relations entre certains personnages évoluent si peu (alors que d’immenses progrès sont faits quand on évoque leur rapport au vin). Et après 44 tomes, l’ensemble me semble quand même assez répétitif (surtout sur la fin) sur le fond comme sur la forme, tandis que les présentations et éloges au sujet du vin et de ses vertus prennent une tournure franchement exagérée.

Plutôt 7.5/10

Verdict :7/10
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A propos de l'auteur

Nakei1024, inscrit depuis le 05/01/2007.
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