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Qualia the Purple - Quand bizarrerie rime avec culot

» Critique du manga Qualia the Purple par Maya* le
14 Mars 2015

Jusqu'où peut-on aller par amour ? Par amitié ? Par désir d'aboutissement ?
Jusqu'où peut-on aller pour sauver une personne à laquelle on tient ?

Qualia The Purple raconte une quête. Une mission dont l'héroïne ne démordra pas, malgré toutes les épreuves et tous les échecs.

À première vue, le synopsis peut paraître peu engageant et nous faire flairer le random mecha à tendance shojo-ai, une jeune collégienne mignonne voit tous les êtres vivants comme des robots, y compris sa meilleure amie qu'elle a rencontré au détour d'un couloir en l'embrassant accidentellement. Ça parait assez simplet comme point de départ, et pourtant l'histoire n'aurait pas pu mieux commencer tant ça suit un cheminement d'une précision délirante. Délirante, car elle suture des genres n'ayant rien à voir les uns avec les autres, mais formant un tout plutôt digeste quand on voit tout ce que le récit ose aborder.

Osée, c'est le bon terme pour décrire l'intrigue. Elle est osée rien que par les libertés scientifiques qu'elle se permet, et tous les monologues s’étalant sur plusieurs pages, voire même chapitres. Le pari est risqué avec tous les pavés de texte, il y a de quoi perdre le lecteur qui vient chercher du robot, du yuri et de la loli. Le fanservice est là pour l’attirer avant de le prendre en traître en lui remuant les méninges à coup de physique quantique et philosophie appliquée.

Ça peut paraître prétentieux mais pas vraiment, c'est plutôt astucieux (non, je refuse toute comparaison avec Evangelion, je tiens à la vie). Armé de certaines bases de physique et pas mal documenté sur différentes théories, l'auteur s'évertue à revenir à la base de toutes les sciences avec la philosophie, les monologues de l'héroïne ne manquent ni d'intelligence ni de cohérence. Tel un Schrödinger, elle enchaîne les expériences de pensées avant de passer au volet pratique. La fin est un peu décevante dans la mesure où elle est un poil religieuse, alors que l'angle de vue de l'héroïne est froid et clinique, la conclusion est plutôt spirituelle. Elle reste libre d'interprétation - comme l'ensemble de l'œuvre, d'ailleurs - mais n'encourage pas réellement la recherche, comme si l'homme dans sa quête de savoir passait à côté de l'essentiel, qu'à trop réfléchir aux réponses, il en oubliait les questions. Qu'à force de vouloir se transcender, il oubliait d'être en vie. Qu'à force de vouloir être Dieu, il se condamnait à la solitude. Demander de l'aide, s'entourer, le "vivre ensemble" sont d’autant de concepts encore une fois mis en avant dans une fiction japonaise. Une conclusion un peu simplette après tout ce qui a été mis en œuvre pour décortiquer des théories haut perchées sur l'univers tel que nous l'observons et tel qu'il pourrait être. Au final, on revient à la bulle, au cocon, à l'amour, au sentimentalisme, à la spiritualité et tout ce qui empêche l'homme de voir plus loin en se contentant du moment présent, et des plaisirs simples de son existence.

Et si l'on est pas féru de physique, ce n'est pas compromettant pour l’appréciation de la lecture, car il s'en passe des choses lors de l'application des théories, l'univers étant très vaste et l'héroïne étant extrêmement « modulable ». Cette flexibilité sert le volet psychologique qui sans être infiniment approfondi offre d'intéressantes perspectives. Notamment la perception de soi-même et d'autrui, qui sommes-nous et qu'est notre réalité ? Sommes-nous tel que nous nous voyons ou tel que les autres nous voient ? En chair et en os ou en acier, cela change-t-il réellement quelque chose à notre essence ? Jusqu'où peut-on s'adapter aux circonstances ? Entre nos objectifs et nos principes, nos désirs et nos raisonnements, notre esprit a-t-il réellement d'autres limites que celle que les molécules de notre enveloppe charnelle nous imposent ? Tant de questions sont abordées de façon sous-jacente à l'ascension de l'héroïne qui transcende toutes les barrières avant la mise au point inéluctable par rapport à ce qu'elle a gagné et ce qu'elle a perdu dans le processus. La réponse proposée quant à la définition du soi et de la réalité individuelle peut paraître niaise mais reste plutôt satisfaisante, son côté « simpliste » et proche de nous tranche avec le chemin complexe parcouru avant d'en arriver à cette conclusion. Cette simplicité vient du fait que la romance reste assez basique tout du long, ainsi que le véritable catalyseur du génie de l'héroïne, sa quête n'ayant pas pour but un accomplissement personnel ou une réelle curiosité scientifique.

Ma critique vous parait bien brouillonne jusque là ? Bien, le manga dont elle parle ne l'est pas moins.

Philosophie, physique quantique, psychologie, robots, ascension, divinité, mondes parallèles, organisations secrètes... Et même du Magical Girl ! Parfaitement ! Oui, je vous vois vous réveiller, vous là-bas.. Bas, BAS ! (Jeu de mots foireux et assumé que le lecteur de passage ne comprendra pas, excusez-moi, mais c'est difficile de ne pas divaguer après trois volumes de Qualia The Purple...). Je disais donc, même du Magical Girl, très bien amené et s'incrustant sans nulle fausseté dans ce patchwork. Je ne sais pas ce que vaut le roman, ni jusqu'où le manga prend des libertés mais la personne derrière ce récit fume de la bonne et a dû faire tourner.

En effet, le dessinateur a fini par être touché par la grâce (ou les odeurs illicites qui flottaient dans l'atelier de travail, au choix) et son trait s'est amélioré au fur et à mesure pour offrir des planches de moins en moins lisses. Il a brillamment réussi à instaurer une ambiance pesante et dérangeante sans verser dans la facilité de l'hémoglobine. Faut aussi avouer qu'il n'a pas manqué d'inspiration pour accompagner les pages de monologues, rien que pour ça, il mérite un cookie.

Qualia the Purple est un titre aux multiples facettes, naviguant entre différents genres, mais qui a su se montrer cohérent. À aucun moment, on ne perd le fil et tout se tient sur les bases que le récit met en place dès le début. Au final, tout s'imbrique même si je ne peux taire la déception que m'inspire la ficelle sentimentalo-spirituelle sur la fin.

Malgré ses airs racoleurs de gros n'importe quoi mêlant kawaisme, loli, science fiction et physique quantique, ce manga est une petite perle tant il reste divertissant et fascinant de bout en bout. Ça n'explose pas en plein vol et ose mélanger différentes saveurs, ça ne peut pas être du goût de tout le monde et c'est difficile de le conseiller en étant certain de ne pas rater son coup, mais ma foi, comment ne pas recommander un tel ovni ? Vous aussi, laissez-vous tenter par cette aventure hors du commun, puisse le geek en vous atteindre l’illumination, amen !

Verdict :8/10
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A propos de l'auteur

Maya*, inscrit depuis le 01/02/2012.
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