ANGOLMOIS — Gogue of Tsushima

» Critique de l'anime Angolmois par Deluxe Fan le
26 Septembre 2018
Angolmois - Screenshot #1

Au XIIIe siècle, l’empire Mongol est au faîte de sa puissance. L’empereur Kubilaï Khan (petit-fils de Gengis Khan) règne sur un territoire gigantesque qui s’étend de l’Extrême-Orient jusqu’aux portes de l’Europe. La Chine et la Corée sont déjà sous sa botte, et son appétit de conquête l’emmène désormais vers la dernière grande nation de la région qui lui résiste encore, le Japon.

Après plusieurs années de préparatifs, l’armée mongole débute son invasion en 1274 avec l’envoi de plusieurs centaines de bateaux contenant des dizaines de milliers de soldats surentraînés du continent. Leur objectif est de passer le détroit de Corée pour débarquer à Kyushu, l’île la plus occidentale de l’archipel nippon. Les Japonais, qui n’ont jamais eu affaire à une telle offensive, sont rapidement défaits par les Mongols équipés d’armes à feu - une technologie unique en son genre à l’époque. Néanmoins la désorganisation des troupes assaillantes et l’absence de lignes de ravitaillement les oblige à une retraite temporaire, ce qui laisse le temps aux Japonais de se préparer en fortifiant les côtes littorales. En 1281 lorsque les Mongols retentent une invasion, elle échoue de nouveau grâce notamment à un typhon qui balaie la flotte mongole et les oblige à se retirer pour ne jamais revenir. Cet ouragan providentiel sera surnommé par les Japonais le kamikaze (vent divin).

Angolmois - Screenshot #2Cet incident militaire, peu connu en Occident, est pourtant d’une grande importance historique. Du côté des Mongols, l’échec de cette campagne signe la fin de leur expansion territoriale et le début du déclin de leur empire. Pour les Japonais, il s’agira de la première et unique tentative d’invasion réussie de leur territoire jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale. Réussie car avant d’échouer sur les côtes de Kyushu les Mongols sont parvenus à prendre l’île japonaise de Tsushima, située au beau milieu du détroit de Corée et constituant un point de passage stratégique pour les deux armées.

Cette histoire de la prise de Tsushima en 1274 constitue la base du scénario de Angolmois, l’anime ici critiqué, et mieux vaut retenir le petit topo historique ci-dessus que je viens de recopier de Wikipédia parce que c’est finalement plus intéressant que ce que l’anime raconte.

Angolmois relate le parcours de Kuchii Jinzaburô, un samurai de Kamakura déchu et condamné à l’exil. Avec d’autres voyous, traîtres et bandits de grand chemin, on l’envoie par bateau vers l’île de Tsushima où il est accueilli par la princesse Teruhi dont la famille règne sur ces terres. Jinzaburô comprend bien vite qu’il n’a pas été exilé ici par hasard, on lui demande de prendre les armes pour défendre Tsushima contre l’invasion mongole qui se prépare et à laquelle le gouvernement central ne veut rien entendre. Et comme Jinzaburô n’a rien de mieux à faire, bah il y va.

Angolmois - Screenshot #3Les premiers épisodes de Engueule-moi étaient plutôt prometteurs. Une série historique sur un évènement méconnu mais intéressant, impliquant plusieurs peuples différents avec la promesse d’une certaine diversité dans le traitement. En effet les forces mongoles étaient constituées en grande partie de soldats recrutés parmi les pays qu’ils occupaient, en l’occurrence la Chine et la Corée ; c’est d’ailleurs cette hétérogénéité de leurs effectifs qui mena à l’échec de leur invasion une fois arrivée sur les côtes japonaises. La série est par ailleurs suffisamment intelligente pour éviter de dépeindre le Japon comme une puissance monolithique qui résisterait fièrement à l’envahisseur ; au contraire, dans l’anime ce sont les complots internes aux cercles politiques japonais qui empêchent le pays de réagir à l’invasion de Tsushima et laissent les locaux comme les exilés face à un ennemi contre lequel ils n’auront aucune chance.

Le problème, c’est que les bonnes intentions de la série ne se matérialiseront pas à l’écran à cause d’une réalisation que l’on peut difficilement qualifier autrement que de médiocre. Par exemple on se demande pourquoi les Mongols, les Chinois et les Coréens qui viennent de débarquer sur Tsushima obtiennent magiquement la capacité de parler japonais aussi bien que les locaux, de se faire comprendre et de communiquer parfaitement comme s’ils étaient du coin. Je sais pas c’était quoi les programmes d’échanges linguistiques en Asie Pacifique au XIIIe siècle mais putain ça marchait bien, pourquoi nos gouvernements européens actuels ils regarderaient pas ça au lieu de se palucher sur Erasmus qui sert à rien à part envoyer des mecs se torcher la gueule en Pologne ou en République Tchèque avec des filles de l’Est qui viennent pas échanger que des langues si tu vois ce que je veux dire, toi-même tu sais gros cochon, on a tous vu les vidéos. C’est sans doute un détail mais ça casse l’immersion et donne lieu à des situations étranges où la série est obligée de préciser que les deux personnages qui viennent de discuter pendant cinq minutes ne se comprennent pas et parlent donc dans le vent comme des débiles.

Angolmois - Screenshot #4Mais le vrai souci, c’est l’animation. Le studio NAZ qui porte malheureusement bien son nom parvient à faire illusion pendant quelques épisodes mais on constate vite qu’ils n’ont jamais eu les épaules pour adapter ce genre de série. On a notamment ce filtre Photoshop qui est appliqué sur l’image pour lui donner un aspect rugueux et froissé, qui est intriguant au début mais qui révèle rapidement sa nature de cache-misère pour tenter de dissimuler la fadeur des designs et de la direction artistique en général. Les combats, nombreux, sont réduits à leur plus simple expression avec des plans fixes agrémentés d’effets de trame sur les bords pour faire croire que ça bouge ; on se dirait revenus à l’anime Berserk de 1997, sauf que dans Berserk c’était bien fait. On ne mentionnera pas enfin les figurants dont les visages sont copiés-collés voire effacés, je veux dire les blagues sur les Asiatiques qui se ressemblent on les a déjà faites, c’est ni le moment ni l’endroit, c’est pas moi qui consacrerait plusieurs lignes d’une de mes critiques à ce genre de plaisanteries inutiles, nan mais sérieusement quoi, je suis offusqué.

Du coup si on enlève les combats, les dialogues et la mise en scène, il ne reste plus grand-chose dans cet anime « historique » dont la partie la plus intéressante est son contexte sur lequel on peut se renseigner à peu près n’importe où ailleurs. Le seul truc un tant soit peu stimulant c’est la sous-intrigue de la princesse qui cherche désespérément à se taper Jinzaburô durant toute la série ; c’est vrai même quand ton pays est envahi, ton peuple massacré, tes traditions bafouées et ton héritage menacé, il faut penser à sucer le personnage principal. Heureusement d’ailleurs, si les gens baisaient pas en temps de guerre on ne serait sans doute pas là aujourd’hui. Comme quoi Angolmois c’est peut-être réalisé avec les pieds mais ça amène des réflexions anthropologiques de premier plan, et ça il faut le reconnaître.

Verdict :5/10
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A propos de l'auteur

Deluxe Fan, inscrit depuis le 20/08/2010.
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