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À la découverte du Post-apo

Publié le 13/03/2024 par dans Chroniques, Dossiers, Focus, Non classé - 4 commentaires

De manière globale la Science-Fiction nous sert d’avertissement sur ce que pourrait être notre futur. En substance, la SF est une spéculation de notre avenir. Le post apo est un sous genre de la SF qui en emprunte les possibilités les plus sombres, c’est un mécanisme narratif qui s’intéresse uniquement aux hypothèses les plus pessimistes.
Le post apo a connu son essor après la deuxième guerre mondiale et l’invention de la bombe atomique, arme qui a elle seule symbolise ce genre. Arme qui a elle seule fait passer le post-apo d’un genre de fiction, à un genre d’anticipation.

La genèse :

Mais si on devait retracer l’origine véritable des récits apocalyptiques, on pourrait facilement remonter à l’Apocalypse de Jean ou l’exode de Noé. Et il y a fort à parier qu’il existe des textes encore plus anciens faisant mention d’un monde dévasté. Et après tout c’est normal, l’humanité a failli s’effondrer à de nombreuses reprises, peste noire, choléra, les famines, éruptions volcaniques, la course à l’armement nucléaire de la guerre froide, etc.
Quand on parle de postapocalyptique, on parle évidemment du genre codifié qui a été fondé par des œuvres majeures comme Mad Max, dans les années 70 ou la planète des singes dans les années 60, ces œuvres ont donné sa grammaire au genre Post-Apo moderne tel qu’on le connait aujourd’hui. Ces fictions se sont nourries de la guerre froide et de la peur de l’arme atomique et de ses effets dévastateurs. Il faut bien comprendre qu’à cette époque, dans les écoles on enseignait aux enfants comment réagir s’il y avait une attaque atomique sur l’Amérique. Si vous êtes de ma génération, nous en CM1 c’était plutôt un épisode de « c’est pas sorcier » et des cartes Pokémon, eux c’était la campagne de prévention atomique « duck and cover » littéralement « Couché, couvert ».

Le contexte :

Mais le Japon dans tout ça ? De part son histoire singulière, le japon a naturellement développé un rapport intime au post apo. Après tout on parle bien d’un pays qui a subi deux bombes atomiques, qui a survécu aux raides des mongols. Et qui a dû faire renaitre de ses cendres sa capitale, Tokyo, à trois reprises. Après, successivement,
-l’incendie de Meireki en 1657.
-le séisme du Kantō en 1923.
-le bombardement de tokyo en 1945, qui, -fait peu connu-, a tué plus de monde que la bombe atomique qui est tombé sur Nagasaki.
De manière consciente ou non, les auteurs s’inspirent de l’histoire de leur pays et la distillent dans leurs œuvres. Même dans des séries très mainstream comme Code Geass saison 2 (2008) ou Akira (1982), on se rend vite compte que la bombe atomique occupe une place centrale.

Les années 80, l’âge d’or.

Impossible de parler du post-apo sans mentionner Ken Le survivant (1983). Alors, heureusement pour moi : je ne fais pas partie de la génération traumatisée par la VF nanardesque de cette œuvre. L’œuvre empreinte beaucoup au cinéma américain et ce n’est pas vraiment de sa faute, car il faut savoir que le genre post apo a connu un essor sans commune mesure dans les années où Ken Le survivant était publié, principalement grâce à Mad Max (1979), Terminator (1984) The Warriors (1979) et New York 1997 (1981). Mais cette créativité soudaine ne venait pas de nulle part, comme déjà dit plus haut, les années 80 c’est aussi et surtout les années de la guerre froide. Ces œuvres se sont bien entendu nourris des psychoses propres à leur époque. Le post apo a tellement marqué la culture pop des années 80 qu’à un certain point même Johnny Hallyday débarquait sur scène avec un accoutrement de survivant du désert :

Macross (1982) nous raconte l’histoire d’une colonie d’humains vivant sur un vaisseau spacial géant en guerre avec les Zentradiens, des aliens semblant vouloir la destruction de l’humanité. C’est une oeuvre qui nous questionne sur notre nature, ce qui fait que nous sommes humains et pourquoi nous faisons la guerre. Comme bien souvent, l’aspect technologique fait directement référence à la bombe atomique. Les méchas sont des armes de destruction massive. Malgré les ressentiments, la reconsicilation probable entre les Zentradiens et les terriens est un paralèle évident avec l’amosphère qui régnait dans un Japon d’après guerre occupé par les américains.

En 1982 sort Akira. Bon inutile d’insister sur la symbolique, l’oeuvre s’ouvre litteralement par une explosion atomique. la criminalité gronde, on a des attaques terroristes à tous les coins de rue, le gouvernement n’arrive pas à contenir des gangs de motards utraviolents drogués aux amphétamines. Une fois de plus on voit que c’est une référence au Japon d’après guerre. Quand on pense Japon, le premier truc qui nous vient à l’ésprit, je pense pas que c’est la drogue, et pourtant, détrompez-vous : dans les années 50 les amphétamines ont réellement ravagé l’archipel, sous la forme du médicament « Philopon ». Cette drogue était à l’époque parfaitement légale. Akira fait bien entendu référence à cette épidémie.1854348

Durant les années 80 Masamune Shirow créateur de l’œuvre que vous connaissez tous : Ghost in the Shell était un auteur incontournable de ce genre. En 1985 sort Appleseed, tout y est, la troisième guerre mondiale, des villes dévastés, une criminalité hors de contrôle. Par la suite, dans les années 90 il s’orientera vers le genre Cyberpunk avec GITS l’œuvre qui l’a rendu célèbre. Il terminera sa carrière comme tout mangaka respectable, c-a-d en dessinant du hentai (dans les années 2000).

Les studio Ghibli ont également tendance à parler de ces sujets, le tombeau des lucioles par exemple (1988), on ne présente plus ce film. Même en 2024 il est très dur à regarder, mais nécessaire pour ne pas oublier les effets de la guerre. Le réalisateur, Isao Takahata qui était enfant en 1945 a fui les bombes ravageant sa terre natale d’Okayama, il nous a produit une œuvre à la fois très glaçante et personnelle qui est une démonstration simple de ce qu’engendre la guerre : l’apocalypse. Car oui, une bonne partie des œuvres de post-apo se passent dans un monde d’après-guerre, un monde sans vainqueur, mais seulement de survivants. Nausicaä de la Vallée du Vent (1984), l’incontournable des studios Ghibli nous propose une approche légèrement différente, le coupable étant la manière dont nous traitons notre planète, en un mot : l’écologie. La nature qui se rebelle étant à la fois un ennemi à abattre pour la survie des humains et une autorité naturelle qui reprend ses droits de manière tout à fait légitime. La solution étant bien entendu la cohabitation respectueuse, ainsi la guerre et l’écologie semblent se résoudre de la même manière. Les thèmes chères aux studios Ghibli que sont le pacifisme et l’écologie, se retrouvent partout dans leurs œuvres. C’est la négation de ces deux valeurs qui créé des conditions propices aux récits apocalyptiques.

Les années 90, le D4rk Age.

Si je vous dis années 90 et post-apo, Trigun semble s’imposer comme une évidence. L’œuvre dénote pourtant à plusieurs égards de l’ambiance sombre propre au genre et à son époque. Contrairement à ce qu’on pourrait croire avec Trigun, les années 90 c’est les années de l’hyperviolence, on veut tout montrer sous sa forme la plus crue. Le grand plublic resta bouche bée devant Motoko (GITS) qui s’arrache les muscles des bras un à un en détruisant un tank à main nu. Ou la brigade des loups, Jin-Roh (1998), qui se distingue particulièrement pour sa démonstration de la négation pure et simple des droits humains, les résistants sont littéralement chassés comme des rats dans les égouts par des soldats sans la moindre empathie qui sont surarmé et surentrainé.

On pourrait aussi parler d’Evangelion (1995), s’il est évident qu’il s’agit d’une œuvre qui parle de mécha, il ne faut pas oublier que c’est surtout une œuvre postapocalyptique. Cette donnée est centrale pour comprendre les psychoses qui accompagnent les personnages durant toute la série, ils sont bloqués dans un souterrain qui est un pâle simulacre du monde d’avant, ils sont faits comme des rats, l’humanité est sur le point de disparaitre.

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Alita Battle Angel/Gunnm (1990) est un monument du genre. Je pèse mes mots. Œuvre assez particulière parce que l’apocalypse s’abat qu’à une partie de la population. Ceux qui vivent en haut ne sont pas concernés par cette détresse extrême propre au genre post-apo, ils vivent sous cloche dans un paradis artificiel et exclusif. Ainsi l’aspect politique transparait aussi clairement que possible, sois tu vis en bas, dans une décharge géante à ciel ouvert, ou alors tu vis dans un cocon privilégié. Le parallèle avec nos sociétés occidentales privilégiés qui exploitent des pays du tier monde pour sous-traiter la fabrication de nos objets du quotidien est une fois de plus assez évident. Derrière ce sous texte politique, il y a aussi des thèmes plus légers, comme le motorball qui est une sorte de roller sous stéroïde. Le motorball prend une immense place dans le manga, en plus d’être un hommage évident au film Rollerball (1975), c’est un produit typique des années 80/90. Le roller permet à Gally de faire le deuil de son adolescence volé par la dureté de ce monde sans avenir. Je ne vais pas trop m’étendre parce qu’il y a beaucoup d’œuvre à traiter dans cet article, mais croyez moi, le peu que j’en ai dit ne rend pas assez hommage à l’immense œuvre qu’est Gunnm.

Une autre œuvre qui me tenait à cœur de mentionner c’est Dragon Head. (1995) S’il y a bien une œuvre de post-apo dont je recommanderai la lecture à tout moment, c’est bien celle-ci. C’est simple : tout y est. La qualité des dessins est en dehors de ce monde, les ombrages sont à tomber par terre. La gestion virtuose de thèmes comme la folie ou le sectarisme. L’inventivité du récit : Toute l’œuvre gravite sur le fait qu’on ne connait pas la cause de la fin du monde, on ne sait pas pourquoi on est dans un monde post-apo, c’est un des éléments qui distingue l’œuvre des autres et qui permet de mener l’enquête en même temps que nos personnages qui en plus doivent survivre dans un Japon dévasté.

Les années 2000, Le revival du Zombie.

Vampire Hunter D: Bloodlust débarque en 2000 comme un dernier cri d’agonie des années 90, pour moi c’est davantage une œuvre qui appartient aux années 90. Déjà graphiquement, l’esthétique est tellement 90s. Vampire Hunter est une œuvre fantastique, bien sombre, c’est un mélange de space western, de vampire, de post-apo, de Dark fantasy. Une combinaison improbable qui donne une œuvre très singulière, sans compromis. Un must see.

Gurren Lagann (2007) s’impose comme une autre œuvre post-apo/mecha de premier ordre, à l’exception que dans Gurren Lagann on passe d’un monde postapocalyptique à un monde que l’on reconstruit totalement. Fait assez rare et appréciable.

Malgré ces séries, comme toutes les modes, le post-apo s’est un peu essoufflé autour de l’an 2000, mais il n’a pas dit son dernier mot, le genre est ressuscité avec la popularisation des œuvres de Zombie, comme « 28 jours plus tard » (2002) ou « Je suis une légende » (2007). Au final, à bien y réfléchir, le genre Zombie n’est qu’un sous genre du post-apo. Quand sorti le film « Warm Bodies » (2013) une histoire d’amour entre une humaine et un zombie, il n’en fallait pas moins pour que le genre zombie devienne officiellement une parodie de lui-même. Durant cette même période, une quantité affolante d’œuvres plus médiocres les unes que les autres sont sorties, aussi bien en film qu’en animation, vous vous souvenez d’High School of the Dead ? (2010) Bah perso je ne préfèrerai pas m’en souvenir, surtout la scène, LA SCENE.

A vrai dire, j’ai quand même l’impression que le Japon a mieux esquivé la vague zombie que le reste du monde, à part de rares mentions, ça restait tout de même assez marginal. On peut parler de Hellsing Ultimate (2006), qui nous propose un monde mis à feu et à sang par des zombies nazi. Kabaneri of the Iron Fortress (2016) qui n’est qu’une pâle copie sans intérêt de l’attaque des titans et qui s’est d’ailleurs contenté de remplacer les titans … par des zombies.

Et de nos jours ? (2010-2024)

Pour ce qui est du post-apo j’ai bien peur que dernièrement l’animation Japonaise ne nous ait pas gâté. Certain parleront éventuellement de Dr. Stone (2019). C’est effectivement une œuvre intéressante pour son aspect pédagogique et scientifique, bien que je ne lui trouve aucune qualité exceptionnelle.
On a aussi des œuvres comme « Le Roi Des Ronces » (2011) qui essayent de copier les gimmick des productions à succès sur le créneau de l’écologie et de l’effondrement (essentiellement ce que fait le studio Ghibli …), en mettant en place leur histoire dans un monde où « la nature s’est rebellé », le tout en nous proposant un huit clos Alienesque fade que vous aurez oublié aussitôt consommé.
De par sa popularité, L’Attaque des Titans (2013) semble s’imposer comme la dernière œuvre majeure du genre. Malgré que son appartenance au genre post-apo soit débattable. Non, une œuvre récente que j’ai trouvé exceptionnelle et qu’on a un peu oublié ces dernières années, c’est Shin sekai Yori (2012). Cette série est une perle. C’est pour moi un ovni de l’animation, mêlant des sujets complexes comme la religion, la superstition, l’occultisme, le tout avec une narration cryptique, très velu, qui va assurément vous pousser en dehors de votre zone de confort. L’œuvre est inspiré d’un roman, c’est peut-être pour ça qu’elle dénote de ce qui se fait habituellement.
Ces dernières années, le côté «cliché» du post-apo est de moins en moins présent. On ne montre plus les raiders avec des épaulettes en boite de concerve et des pneus découpés en guise de plastron. Le genre s’est d’avantage politisé, dans le sillage de Gunnm des oeuvres comme Megalo Box (2018) ou Cyberpunk Edgunner (2022) nous montrent un monde partiellement post-apocalyptoque ou ce sont les classes pauvres qui survivent dans un océan de détritus. Dans cyberpunk comme dans megalo Box nos héros donnent tout ce qu’ils ont pour s’élever socialement et sortir de leur mysère, mais ce n’est pas suffisant. Il n’y a plus d’espoir. Le mythe du self made man s’écrule, place au constat froid du determinisme social. La place du déchet est auprès des autres déchets.

La note de la fin, je pense personnellement que le post-apo a encore de beaux jours devant lui. C’est un genre qui n’en finir jamais de s’inspirer des pires catastrophes que notre monde a connu et connaitra. Au même titre que la SF le post-apo spécule sur l’avenir, mais il sert surtout d’avertissement. Un avertissement qu’il faut prendre au sérieux, l’urgence climatique, la guerre, ce sont tout autant de sujets qui sont d’actualité. Ça se passe en ce moment et c’est notre rôle d’essayer -à notre petite échelle individuelle- d’en tirer les bonnes leçons, afin de faire en sorte que ce genre reste du domaine de la science-fiction et non de la réalité.

4 commentaires

Sympa l’article, on en demande toujours plus. Petit tour du genre avec les essentiels.
Faut aller jeter un oeil à Heavenly Delusion pour les post-apo récents.

Merci pour l’article. Je partage l’avis de Matchoss, il y a Heavenly Delusion / A Journey Beyond Heaven, Sabikui Bisco ou Akudama Drive dans les post-apo récents qui proposent des choses avec plus ou moins de de succès.
Par contre, carton rouge pour ne pas avoir parlé du summum de ces dernières années: World’s End Harem, qui pousse le genre dans ses retranchements…

Merci Sartha pour cet article de qualité ! Probablement le meilleur de la série jusque là (en dehors du mien, je veux dire…)

Plus sérieusement, dans le genre post-apo récent on pourrait effectivement citer Girl’s Last Tour qui a une approche particulière du genre, ou encore Tengoku Daimakyou qui se place clairement dans le sillage de Shin Sekai Yori.

Après il vrai que l’esthétique post-apo à l’américaine avec les personnages en armure dans le désert façon Mad Max ou Fallout c’est un peu surrané, mais ça fait toujours son petit effet.

Merci, c’est très gentil !😁

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