Critique de l'anime Blue Seed

Blue Seed est le premier anime que j'ai vu après avoir fait une parenthèse de plusieurs années, entre le début du lycée et la fin de mes études de licence en 2000. Pour moi, ça a été une sorte de révélation, car j'imaginais que l'animation japonaise s'arrêtait avec les séries diffusées à la télévision française dans les années 80. C'était aussi le premier anime que je voyais qui se centrait clairement et ouvertement sur le Japon. Certes, des séries comme Cat's Eye, Nicky Larson, Lamu, Ranma 1/2, Sailor Moon ou encore le Collège fou, fou, fou se déroulaient aussi dans un contexte japonais, mais les personnes responsables des adaptations françaises avaient si efficacement effacé toutes traces de "japonité" (noms occidentalisés, graphies japonaises effacées, scènes censurées, etc.) de ces animes, que l'on aurait pu croire, à notre âge (entre 6 et 14 ans) en tous cas, que ces histoires auraient pu se dérouler dans n'importe quel endroit du monde. Mais, avec Blue Seed, que j'ai d'abord vu sur AB1, j'ai découvert un récit qui mettait en avant la mythologie et la modernité japonaise.

J'ai tout de suite accroché à cette série, que j'ai prise en route. Le graphisme est peu original, mais soigné et l'animation est plus fluide que ce à quoi j'étais habituée avec les animes des années 80. Les personnages sont certes assez stéréotypés, mais ils bénéficient aussi d'un certain développement psychologique. Et le déroulement de la série réserve quand même quelques surprises, notamment le mauvais rôle réservé à l'armée américaine, complètement larguée, dans les deux derniers épisodes. J'ai beaucoup apprécié l'accent mis sur des personnages féminins, qui prennent autant d'importance que les personnages masculins. Comme dans beaucoup d'animes, elles ne servent pas simplement de potiches pour mettre en valeur le héros masculin.

La trame principale de l'histoire m'a aussi beaucoup plu. Celle-ci s'appuie sur un dilemme qui se pose à un Japon qui s'est inséré dans la modernité globalisée et s'est industrialisé à une vitesse folle, sans regarder ni à droite, ni à gauche, ni même en arrière, lorsqu'il est soudainement confronté à une cascade de phénomènes étranges qui semblent manifester une sorte de colère sourde de la nature contre cette humanité qui la complètement oubliée dans ses calculs. Et c'est aussi à ce niveau-là, à mon avis, qu'apparaissent les points les plus négatifs de cette série. En effet, la réponse proposée par une partie des protagonistes de l'histoire (notamment Kaede, mais aussi l'ancien camarade d'université de Kunikida) consiste à un retour pur et simple à une tradition passée et totalement fantasmée, mais qui concrètement reviendrait à ré-instaurer le système féodal qui a prédominé au Japon jusqu'au milieu du 19ème siècle. Si le récit finit par pencher pour une réponse intermédiaire, le problème est posé tout au long de la série en termes binaires: modernité contre tradition, l'artificiel (technologique) contre le naturel (les plantes, notamment), la culture humaine contre la nature. Ce n'est qu'en acceptant de se sacrifier que l'un des personnages principaux (Momiji, la soeur jumelle de Kaede) arrive à ouvrir une sorte de voie médiane, qui laisse la place à d'autres perspectives. Malheureusement, la conclusion, qui se déroule durant le générique de fin, nous montre un Japon qui semble n'avoir tiré aucune leçon des évènements qui viennent de lui tomber dessus et qui recommence comme avant. Du coup, on reste avec un drôle d'arrière-goût sur la langue...comme si on avait essayé de nous faire gober un discours d'extrême-droite, enrobé de bons sentiments et de préoccupations écologiques.

Je donne donc un 6, car la réalisation de cette série de 26 épisodes me paraît de bonne qualité, malgré un certain stéréotypage dans l'élaboration des personnages et l'attribution de leurs rôles respectifs. Mais, je retire 4 points pour son propos fondamentalement réactionnaire et conservateur.