Les enfants qui pourchassent les voix perdues au fond de l'abysse

» Critique de l'anime Voyage vers Agartha par Afloplouf le
01 Janvier 2012
Voyage vers Agartha - Screenshot #1

Comme souvent avec les film d'animation de Comix Wave, le titre international est le plus parlant. A plus d'un titre, à travers tous les sens qu'on peut donner à cette périphrase... mais j'aurai l'occasion d'y revenir.

Hoshi o Ou Kodomo, que je raccourcirai en HoK par la suite est le dernier long métrage en date du réalisateur japonais Makoto SHINKAI qu'on aimerai ne plus avoir à présenter. Génie de sa génération - oui carrément j'ose – il a longtemps était comparé, à tort, à Hayao MIYASAKI, plus pour un argument marketing qu'autre chose. Mais pas cette fois. Après un an passé à Londres, SHINKAI a cette fois-ci voulu réaliser un film d'une portée plus universelle. Il a donc choisi naturellement, selon ses propres mots, une jeune fille de l'école primaire, Asuna, comme héroïne. De plus, après un bref passage à la tranche de vie quotidienne sur 5 centimeter per second, il revient à une littérature graphique de l'imaginaire. Pas de la science fiction cette fois, mais plutôt de la fantasy. Asuna va se trouver entraînée dans un voyage dans le monde sous-terrain d'Agharta. Elle y rencontrera son peuple qui vit caché et cohabitent avec des créatures mythologiques venus des temps immémoriaux: les quetzalcoatls. Pour les connaisseurs, ou les nostalgiques des mystérieuses cités d'or, c'est bien le nom du serpent à plume des légendes aztéques mais les quetzalcoatls version HoK sont tous différents et ne ressemblent pas à cette chimère.

Voyage vers Agartha - Screenshot #2On arrive là à LA polémique de ce film. Est-ce que SHINKAI a fait du MIYASAKI? Il s'en défend mais l'hommage est difficile à nier. Les thématiques, certaines scènes qui semblent tout droit sorties de Princesse Monoko ou du Château dans le ciel et surtout le chara-design masquent mal les ressemblances. L'un des héros que l'on rencontre plus tard dans le film, Shin, est ainsi le clone d'un Ashitaka. Clone physique mais pas tant dans la personnalité. Et c'est à partir de là que loin de ceux qui vont jusqu'à diagnostiquer un plagiat ou un SHINKAI qui laisse sa personnalité au vestiaire, je trouve au contraire que le réalisateur a su s'emparer de cette mythologie universelle – tout comme l'heroic fantasy n'appartient pas à TOLKIEN – pour y imposer sa propre marque. Au lieu de l'écologie, on retrouve le dada du nouveau prodige: la solitude. Après la distance dans le temps dans Hoshi no Koe, la distance dans le temps dans La Tour au-delà des nuages et la distance en grandissant dans 5 centimeter per second, SHINKAI s'attaque ici au mur le plus infranchissable: la mort. La solitude de ceux qui survivent à l'être aimé. Je ne veux pas en dire plus pour gâcher la surprise des spectateurs, d'autant plus que ce n'est pas tant le final qui est le plus signifiant mais bien le voyage qui n'a jamais été aussi initiatique d'Asuna.

Voyage vers Agartha - Screenshot #3Le progrès d'écriture de SHINKAI se mesure également dans la dose d'humour qu'il sait désormais instiller ainsi que dans la clarté de son message. Malheureusement, ce qu'il gagne en limpidité, il le perd en fluidité, notamment au début. Le film paraît par moment précipité. Ceci, on peut en partie l'excuser par la densité qu'il met maintenant, l'équilibre est délicat. Je reproche un peu plus facilement cette fin un peu prévisible quoique très bien mise en scène comme toujours.

Techniquement, c'est très très au dessus de la mêlée. Les décors sont à couper le souffle, littéralement. Plus que cette impression que de voir des personnages se balader dans un artwork, c'est bien ce photo-réalisme très "animesque". Oxymore sur le papier, cette association prend ici tout son sens. Jamais la frontière entre film en prise de vues réelles et film d'animation a été aussi étroite. Et n'allez pas croire que cette mise en scène somptueuse fasse la moindre concession a une animation à la fois naturelle dans ces gestes du quotidien et proprement épique dans les combats. Je peux donner l'impression de passer vite sur les graphismes mais regardez le trailer, regardez les screens et croyez-moi: on n'a jamais fait plus beau que HoK et on est même très loin de s'en approcher.

Ce film sera-t-il un tournant dans la carrière de SHINKAI? Il est trop tôt pour le dire. Ce film l'a épuisé, lui et son équipe et il a émis le souhait de revenir à des choses plus simples. Devant la qualité d'un 5 centimeter per second, on n'a pas envie de lui en tenir rigueur s'il fait ce choix a minima. Cependant après ce qu'il vient de nous faire entrevoir, j'aimerai le voir continuer dans cette voie, toujours plus loin sur la recherche d'un artiste avec lui-même.

Verdict :9/10
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A propos de l'auteur

Afloplouf, inscrit depuis le 14/05/2008.
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