HOSHIAI NO SORA — Les mailles du filet

» Critique de l'anime Hoshiai no Sora par Deluxe Fan le
26 Juillet 2020
Hoshiai no Sora - Screenshot #1

On a tendance à l’oublier lorsque nous sommes à ce point inondés de nouvelles séries chaque saison, mais l’animation japonaise n’est pas produite à la chaîne par des automates ; derrière chaque épisode, derrière chaque scène, derrière chaque plan se trouvent des dizaines d’hommes et de femmes qui bossent du matin au soir pour produire ces animes sont la grande majorité sont vus puis instantanément oubliés par un public de plus en plus indifférent.

Cela ne signifie pas que tous les animes sont des œuvres d’auteur, loin de là ; la plupart des séries actuelles sont produites de manière industrielle par des studios dont la seule ambition artistique consiste à gagner de quoi payer les salaires du personnel. Toutefois, de temps en temps, on a droit à un anime où transparait une vision, une patte d’auteur. Hoshiai no Sora est un de ceux-là, pour le meilleur et pour le pire.

Maki Katsuragi vient d’être transféré dans un nouveau collège suite à la mutation de sa mère. Il y retrouve Thomas, un ancien ami du primaire qu’il avait perdu de vue. Thomas est le chef du club masculin de soft tennis, qui est une variante du tennis pratiquée au Japon et dans le reste de l’Asie. Les règles sont similaires au tennis que l’on connaît ici en Europe avec la particularité la balle est en caoutchouc mou et donc plus légère que les balles jaunes dures. Pour cette raison la balle rebondit moins fort, ce qui explique le soft tennis se pratique principalement en double.

Hoshiai no Sora - Screenshot #2Quoi qu’il en soit, le club de Thomas est sur le point de fermer car non seulement il n’y a pas de nouveaux membres mais les résultats actuels du club dans les tournois scolaires sont désastreux. Thomas demande alors à Maki de le rejoindre pour sauver le club, ce qu’il accepte à la condition d’être payé. En effet, sous ses airs de collégien modèle, Maki cache un secret.

Le secret en question est révélé dès la fin du premier épisode, mais je ne vais pas vous dire de quoi il s’agit. Ce qu’il faut comprendre, c’est que chacun des garçons membres du club de soft tennis fait face à de graves problèmes personnels qui vont venir se mêler à leur parcours sportif. En vérité, Hoshiai no Sora n’est pas vraiment une série sur le tennis mais une série sur la famille et ses dysfonctionnements. Le sport est là pour rapprocher ces jeunes garçons et essayer de voir si ensemble ils seront capables de surmonter leurs problèmes ou au contraire, les aggraver.

Pour comprendre de quoi parle Hoshiai no Sora et pourquoi elle le fait de cette manière, il faut présenter l’auteur qui se trouve derrière. Kazuki Akane a débuté sa carrière en tant qu’assistant de production chez Sunrise au milieu des années 80, puis accède au poste de réalisateur dans les années 90 avec une série qui deviendra extrêmement célèbre, Escaflowne. Il continuera ensuite à réaliser des animes plus ou moins connus (Noein, Tetsuwan Birdy) mais à un rythme très parcellaire. En trente-cinq ans de carrière, le nombre d’animes réalisés par Kazuki Akane se compte sur les doigts de la main. C’est parce que le bonhomme n’est pas un yes-man qui travaille sur simple demande des producteurs, il ne s’implique que lorsque le projet l’intéresse vraiment.

Hoshiai no Sora - Screenshot #3Concernant Hoshiai no Sora, le réalisateur a déclaré qu’il avait ce projet en tête depuis dix ans et qu’il n’avait jamais eu les moyens de le concrétiser jusqu’ici. On pourrait se demander pourquoi étant donné qu’il ne s’agit à première vue que d’une banale série animée avec des gosses qui font du sport, mais comme expliqué plus haut l’aspect sportif n’est qu’un alibi. Le sujet de la série c’est la violence intrafamiliale, qu’elle soit physique ou psychologique. Souvent les animes de ce genre s’arrêtent au pas de porte, n’entrent pas dans l’intimité familiale parce que c’est quelque chose que les producteurs ne veulent pas montrer car cela relèverait du voyeurisme. Hoshiai no Sora se contrefout de la bienséance, non seulement il traite de ces sujets mais il braque les projecteurs dessus. Enfants battus ? Enfants de divorcés ? Familles recomposées ? On a droit à un peu de tout et rien ne nous est épargné, que ce soit le gamin qui craque sous la pression parentale, la moche qui se fait insulter par les autres filles de la classe ou le gosse qui se découvre une orientation sexuelle différente de la norme. A peu près tous les types de problématiques familiales se retrouvent réunies au même endroit pour voir ce que ça pourrait donner.

Hoshiai no Sora - Screenshot #4Pour contraster avec ces questions graves et concrètes, l’anime propose une direction artistique colorée et simpliste voire enfantine avec ces visages ronds et ces grands yeux, et une animation très compétente avec un usage probable de la rotoscopie pour animer les matches de tennis, ce qui est toujours mieux que la 3D me direz-vous. La partie visuelle et sonore est irréprochable, c’est au niveau de l’écriture que l’on aura plus de réserves. Il ne fait aucun doute que seul un réalisateur avec de la bouteille comme Kazuki Akane aurai pu faire produire une série originale avec comme toile du fond des collégiens qui font du sport mais comme réel sujet des gosses qui se font frapper par leurs parents. On sent la volonté de parler de quelque chose que l’animation japonaise ignore complètement, mais également une certaine maladresse dans l’exécution. L’empilement des différents problèmes, comme si les pires parents du Japon s’étaient tous réunis dans le même quartier et avaient envoyés leurs enfants dans la même école, ne fait pas très crédible. Par ailleurs l’écriture des dialogues est parfois trop descriptive, comme si les personnages avaient conscience d’être dans une série de ce genre et régurgitaient les manuels de première année de licence psycho qui ont probablement servi de référence au réalisateur.

Hoshiai no Sora - Screenshot #5Le véritable souci avec Hoshiai no Sora toutefois, il est beaucoup plus simple : il manque la moitié de l’histoire. La série avait été conçue pour 24 épisodes, mais les producteurs se sont rétractés au dernier moment alors que l’anime était déjà entré en production, et les douze épisodes restants ne sont donc jamais sortis (source). Des animes qui n’ont jamais de suite c’est plutôt fréquent, c’est même la norme dans une industrie où raconter une histoire jusqu’au bout est un luxe, mais ici on parle d’une série annulée en plein milieu par des producteurs qui avaient pourtant donné leur parole à un réalisateur qui a trente-cinq ans de métier derrière lui. Le propos de la série était-il si choquant ? Peut-on si facilement trahir sa parole et humilier un vétéran de l’animation japonaise ? C’est déjà incroyable que Kazuki Akane ait eu le courage d‘exposer publiquement la situation, ce qui l’expose au risque d’être blacklisté à vie de ce métier, mais pour le reste des détails on n’en saura probablement jamais plus.

Hoshiai no Sora représente ce qu’il y a de plus intéressant et de plus moche dans cette industrie. D’un côté des artistes talentueux qui cherchent à raconter des choses nouvelles, pas forcément de la manière la plus élégante mais avec une sincérité réelle. De l’autre des producteurs qui s’efforcent à chaque nouvelle saison d’éteindre les dernières braises de créativité et de nous faire croire en noyant les services de streaming sous des vagues de conneries sans intérêt que la japanime "se porte bien". Alors ouais c’est sûr si te demandes à ces parasites qui s’en mettent plein les poches sur le dos des studios si l’industrie se porte bien ils te diront que oui, pour ma part en tant que spectateur quand je vois des trucs comme Hoshiai no Sora j’ai envie de dire que non. 7,5/10

Verdict :7/10
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A propos de l'auteur

Deluxe Fan, inscrit depuis le 20/08/2010.
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