Critique de l'anime The Garden of Sinners (Film 3)

» par LordFay le
25 Août 2012
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Troisième film de la série Kara no Kyoukai, Persistante douleur (traduction proposée sur les DVD de Kaze) est généralement le film de la révélation pour ceux que le premier opus n'avait pas convaincu - mon prédécesseur s'est déjà pas mal étendu sur le sujet. KnK 3 est, à l'instar du film 1, très indépendant du reste de la série et son lien avec l'intrigue globale est mince. En revanche, il fait des efforts de clarté et plante quelques thèmes et concepts capitaux pour la série.

Il faut voir en premier lieu que KnK 3 est bien une histoire construite, avec un schéma narratif d'ailleurs simple. La chronologie est aisée à établir. On a un début, une fin et un milieu. Un nouveau personnage, avec un pouvoir, et un objectif. Une intrigue, un combat. Un. Et pourtant... et pourtant, à le regarder une bière à la main en jouant à Pokémon et en surveillant son µtorrent, on risque de passer à côté et de ne tout simplement pas comprendre ce qui se passe : dès qu'on rentre dans le détail, il faut s'accrocher.

Dans ce cas, parlons de complexité. Elle est une composante quasi essentielle des boulots de Type-Moon, et un reproche souvent fait au studio (légitimement à mon avis) est de compliquer inutilement certains aspects pour faire du monde quelque chose de réservé aux initiés, aux courageux. En ce sens, le film 3 ferait presque office d'introduction et de baume à cette complexité : le cas d'Asagami Fujino est pour les personnages et pour les spectateurs une sacrée énigme (je parle bien sûr de son insensibilité à la douleur), mais l'anime a la bonne idée de se focaliser seulement et uniquement sur elle. On ne vous demandera pas de comprendre plein de choses en même temps comme dans le cinquième film. (Mais si, rappelez-vous, si vous l'avez déjà vu - dans Mujun rasen, en un film, vous deviez saisir le concept d'Origine, l'Akasha, son rapport avec les spirales et le yin/yang, la nature profonde de Shiki et celle lus anecdotique d'Enjou Tomoe, l'expérience bizarre d'Araya et ses conséquences / ses buts, la relation Touko / Araya. Et éventuellement l'Alaya et la Contre-force en bonus, pour les plus assidus)

KnK 3 est plus civilisé, moins schizophrène. De multiples théories sont avancées pour expliquer ce que subit et ce qu'a subi Fujino, elles sont souvent contradictoires, mais chacune se présente comme une sorte de correctif de la précédente, de sorte qu'on constate une progression assez claire. La dimension est plus humaine, aussi : on parle ici des sentiments et de l'état d'une femme, pas de l'oeuvre ultime d'un magicien psychopathe ni du sens caché qui lie la spirale à la mort. Cerise sur le gâteau, la scène finale est l'occasion d'utiliser ce qu'on vous a appris sur Fujino pour expliquer le fonctionnement du fameux pouvoir de Shiki, ces yeux qui font d'elle une tueuse redoutable.

C'est pour ça que je prétends que KnK 3 est un exemple de clarté. Il aborde une situation bizarre et complexe, mais simplifie sa narration au maximum pour donner au spectateur toutes les clés de la compréhension. Au final le film ne dure même pas une heure, mais si vous avez été attentif, vous finirez en ayant grosso modo tout compris de l'histoire. KnK 3 cherche à vous vendre du Nasuverse, sous une forme accessible, accueillante. On laisse la pseudo-philo de côté pour se concentrer sur une situation, sa résolution, et on récompense le spectateur de son assiduité en lui parlant des pouvoirs de Shiki (et soyons honnêtes, s'il y a UNE explication que l'on attend impatiamment, c'est celle-là). En un sens, rendre un récit complexe, c'est lui attacher au-dessus de la tête une épée de Damoclès (que Type-Moon n'a pas toujours sûr éviter...) mais la construction de Persistante douleur cherche à éloigner les maux de tête. Bien sûr, ce n'est pas parfait - je suis sûr que l'on aurait pu gagner en lisibilité. Et comme avec tous les autres Kara no Kyoukai, un deuxième visionnage reste recommandé pour bien saisir la place de cette Persistance douleur dans la série : j'avoue, j'ai menti un peu - en arrière-plan de l'histoire de Fujino, on en profite pour développer un peu la relation Mikiya / Shiki et quelques autres petits détails.

Je pourrais m'arrêter là et signer en bas, voilà, KnK 3 est bien fichu, point.

Mais pour être venu sur cette fiche, vous avez bien sûr dû voir au moins un ou deux films de la série, non ? Naturellement.

Et peut-être avez-vous été conquis par l'ambiance et la beauté du premier, ou par la dernière scène du second. Ou alors, vous avez vu l'ensemble et vous vous souvenez des magnifiques combats du cinquième, du réveil à la fin du quatrième, ou encore de la scène ultime du septième.

Bref, vous savez qu'à côté de cette tendance presque morbide à vous servir concept compliqué sur explication fumeuse, Kara no Kyoukai est aussi - et très paradoxalement - une série qui se regarde avec les tripes.

Le quatrième et le septième sont encore les plus représentatifs de cet aspect, mais Persistante douleur a quand même largement son mot à dire en terme d'ambiance et de passages finement travaillés. Il s'ouvre sur une scène de viol assez unique - on la croit pendant un moment étrangement calme et puis on comprend que quelque chose cloche sérieusement. Une ambiance étrange plane sur cette première scène, et sur les flashbacks que l'on aura plus tard de cette période de la vie de Fujino. C'est malsain, c'est cruel, mais il y a un petit quelque chose qui nous échappe - quelque chose qui semble même mettre mal à l'aise les voyous endurcis que sont Keita et sa bande. Tout le film s'axe autour de l'étrangeté de Fujino, et le fait de la dérouler peu à peu force à s'immerger dans l'ensemble, à saisir ce qui fait l'essence de Kara no Kyoukai. A partir de là, beaucoup de choses étranges prennent du sens.

Je pense à une en particulier : la part d'instinctif et de tacite dans les relations entre les personnages. Prenez Shiki et Fujino ; Shiki annonce, lorsque Touko lui parle de la fauteuse de trouble, qu'elle n'a même pas besoin d'une photo pour la reconnaitre et qu'une fois en sa présence, elles auraient de toute façon spontanément envie de s'étriper mutuellement. Quiconque sera rentré dans l'univers, l'ambiance et l'atmosphère du film aura une sorte de connivence avec ce genre de logique, comme à être entré temporairement dans l'esprit de ces psychopathes, à saisir leurs raisonnements altérés, mais pas absurdes. Tout l'univers d'ailleurs est fondé sur de tels twists : par exemple la totale absence de la police dans ce film (qui devrait, si tout était normal, avoir un rôle majeur), qui fait que seuls les protagonistes sont capables de faire quelque chose ; par exemple la façon dont Shiki comprend tout instantanément et sans effort. Voilà pour le côté "instinctif" des relations entre personnages ; pour ce qui est du "tacite", il suffit de voir le duo Fujino / Mikiya : ils n'échangent presque rien, ou des banalités, mais Fujino se sent un lien fort à l'endroit de son "sauveur". De même, Shiki / Mikiya est basée sur quelques mots pleins de sens et une grosse dose de non-dits.

Et ça marche très bien pour, une fois de plus, celui qui se laisse emporter. C'est pour ce genre de choses que Kara no Kyoukai se vit autant qu'il se regarde : il suffit d'une pluie battante et de deux regards pour attacher Fujino à Mikiya ; il suffit d'un ou deux meurtres pour établir toute l'ambiguité de Fujino ; il suffit de quelques acrobaties et d'un sourire carnassier pour transformer les combats de Shiki en spectacles. Asagami a beau être dans un état compliqué à définir, elle n'est elle-même pas un personnage si travaillé - mais elle est vivante, presque palpable. De même, à ce stade on ne sait pas encore tant de choses que ça de Shiki (l'accident n'a toujours pas été explicité) mais elle est vibrante, éclatante même de force et de caractère.

Attention, je n'entends pas opposer d'une part une ambiance prenante et captivante, et d'autre part une froide intrigue nasuversienne. Les ponts existent, le cerveau aide les tripes et réciproquement. Il n'y a pas grand-chose dans KnK 3 de vraiment enthousiasmant si on ne se laisse pas happer ; de même, l'expérience reste incomplète, inachevée si on ne suit pas assez le scénario. Ainsi, la condition de Fujino plante l'ambiance "jour de pluie" et le sentiment d'incompréhension, l'explication du pouvoir de Shiki est un direct contributeur de l'ambiance mystique de la scène finale, etc.

J'en ai à peu près fini avec ce film. En l'état, je ne le considère pas franchement comme le meilleur ; il n'a pas, par exemple, l'ambition des films 5 et 7, et sa scène finale n'a pas autant d'impact que celle du 4. Cependant il est maîtrisé, de bout en bout, et il parvient à se placer à mi-chemin entre film 1, magnifique mais trop vide, et film 5, trop complexe au premier visionnage. Pour la note, j'hésite entre 8 et 9 ; comme j'ai l'intention de critiquer, à terme, l'ensemble des Kara no Kyoukai, je vais m'arrêter à 8 pour garder une marge de notation. Alors, s'il faut se le tenir pour dit, tout de même - oui, Persistante douleur est excellent.

Verdict :8/10
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A propos de l'auteur

LordFay, inscrit depuis le 09/09/2010.
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