L’ILE DE CUCURUZ DOAN – Ne jamais dire Gundam, je ne boirai pas de ton robot

» Critique de l'anime Mobile Suit Gundam - Cucuruz Doan no Shima par Deluxe Fan le
25 Septembre 2022
Mobile Suit Gundam - Cucuruz Doan no Shima - Screenshot #1

« Oh non il va encore parler de Gundam on en a rien à foutre » Oui je sais ce que vous pensez, mais il faut bien comprendre que dans la vie on ne fait pas toujours ce que l’on veut. Moi aussi j’aimerais bien parler de trucs qui vous intéressent, des isekai remplis de filles à poil et autres cochonneries, mais en même temps si je ne suis pas là pour parler de Gundam, qui le fera ?

Comme chacun sait, la saga Gundam est née en 1979 avec la diffusion de la série télévisée Mobile Suit Gundam, produite par le studio Sunrise et réalisée par Yoshiyuki Tomino. La série était prévue pour 52 épisodes mais fut écourtée à 43 en raison des faibles audiences, ce qui fait sourire lorsque l’on sait ce qu’est devenue la franchise par la suite.

L’Occident n’a découvert cette série originale que tardivement, avec notamment la première sortie en DVD aux États-Unis en 2001 par l’éditeur Bandai Entertainment. A cette occasion, les spectateurs ont découvert que cette édition ne contenait que quarante-deux épisodes au lieu des quarante-trois de la version japonaise ; plus précisément, c’est l’épisode 15 qui a été retiré de la version américaine. L’éditeur explique qu’il s’agit d’une demande expresse de Tomino, et que cette coupe concerne toutes les versions à venir de Mobile Suit Gundam. C’est ainsi que même si la série compte officiellement 43 épisodes, seuls 42 sont réellement disponibles en dehors du Japon. Cela est d’ailleurs toujours d’actualité, puisque juste avant de poster cette critique je suis allé voir sur Crunchyroll où Mobile Suit Gundam est disponible et seuls 42 épisodes sont listés.

Mobile Suit Gundam - Cucuruz Doan no Shima - Screenshot #2Ce fameux épisode 15, que l’on peut trouver facilement sur le net, est intitulé « Cucuruz Doan no Shima » (L’île de Cucuruz Doan). On y raconte comment Amuro Ray, le protagoniste de la série, se retrouve coincé sur une île déserte après une rencontre avec un Zaku ennemi. Il apprend ensuite que le Zaku en question est piloté par un déserteur de Zeon, Cucuruz Doan, qui a décidé de s’établir sur l’île pour protéger des enfants orphelins de guerre. Amuro finit par s’allier avec Doan lorsque d’autres forces de Zeon attaquent l’île, récupère son Gundam puis quitte Doan et les enfants pour continuer son périple.

On peut se demander pourquoi cet épisode, qui ne contient rien de particulièrement choquant, a pu faire l’objet d’une censure qui n’a jamais été levée en plusieurs décennies. Certes l’épisode est assez moche et contient un certain nombre de plans ratés, ce qui s’explique par le contexte de production de la série à l’époque. Yasuhiko Yoshizaku, le chara-designer, occupait également le poste de directeur de l’animation ce qui signifie qu’il avait comme charge de corriger le travail des animateurs avant l’assemblage et la diffusion. Malheureusement YAS fut victime d’une pneumonie durant la production et passa plusieurs jours en convalescence ; et l’épisode 15 fut un de ceux les plus fortement impactés par l’absence du directeur de l’animation.

Mobile Suit Gundam - Cucuruz Doan no Shima - Screenshot #3Cela dit, des animes qui sortent avec des épisodes dégueulasses cela n’a rien de rare même encore aujourd’hui, et n’explique pas l’insistance de Tomino à bannir l’épisode 15 de toutes les diffusions occidentales. Interrogé sur le sujet, Tomino aurait déclaré que l’épisode a été banni pour des raisons qui lui sont personnelles, sans plus de précisions.

Quoi qu’il en soit, l’épisode 15 de Mobile Suit Gundam est devenu une légende pour les fans, un peu comme le célèbre épisode 38 de Pokémon qui n’a été diffusé qu’une seule fois à la télévision et n’a jamais été rendu disponible depuis. Une légende qui a incité Sunrise à revenir sur le sujet en 2022, et produire un film d’animation qui reprend l’histoire de L’île de Cucuruz Doan. Et c’est de cela dont on va parler ici.

Dans les grandes lignes le récit raconté dans ce film est identique à celui de l’épisode original, mais infiniment plus élaboré. Cette fois-ci Amuro est envoyé en mission avec son Gundam sur l’île d’Alegranza afin de nettoyer les lieux de la présence Zeon. A son arrivée il remarque que l’île a déjà subi des combats, puis il est attaqué par Doan qui parvient à vaincre le Gundam en prenant Amuro par surprise. Le film consacre ensuite un long moment à expliquer pourquoi le White Base ne part pas immédiatement à la recherche d’Amuro, pourquoi l’île d’Alegranza est en enjeu crucial pour la guerre entre Zeon et la Fédération, tout en prenant le temps d’établir le personnage de Doan et des enfants qu’il protège ; ils étaient quatre dans l’épisode original, ici ils sont plus d’une dizaine avec chacun leur personnalité. L’épisode original faisait vingt minutes tandis que ce film s’étale sur presque deux heures, rarement on aura vu un exercice de réécriture aussi poussé.

Mobile Suit Gundam - Cucuruz Doan no Shima - Screenshot #4Le film est réalisé par Yasuhiko lui-même, et ça se voit ; la mise en scène et le contenu du récit sont très proches de Gundam The Origin. L’épisode 15 de 1979 était rempli de répliques bizarres et de dialogues étranges typiques de Tomino, tandis que ce film de 2022 est merveilleusement bien raconté. A un moment donné il y a un dialogue entre un militaire de Zeon et un amiral de la Fédération dans lequel il est fait référence à Paris Brûle-t-il, le film de René Clément qui raconte la libération de Paris en août 1944. Une référence inattendue mais qui n’est anodine ; dans ce film le général Von Choltitz refuse d’exécuter l’ordre d’Hitler de raser Paris parce qu’il ne veut pas prendre la responsabilité de détruire des siècles de culture. De la même manière que Yoshizaku Yasuhiko, 74 ans, refuse de suivre l’ordre de Tomino de raser l’existence de L’île de Cucuruz Doan parce qu’il ne veut pas que cette histoire tombe dans l’oubli à tout jamais.

Mobile Suit Gundam - Cucuruz Doan no Shima - Screenshot #5Le film est bourré de fan-service à destination des fous furieux de l’UC et de 0079 en particulier ; évidemment on n’échappera pas à un caméo de Char Aznable, lors d’une séquence de flash-back assez superbe vers le début du film. Pareillement on a un flash-back qui sert uniquement à refaire la scène de la gifle de Bright, peut-être la scène la plus culte de la série originale. A un moment donné on rentre dans des niveaux d’easter eggs assez effrayants, par exemple il y a une scène où on voit le personnage de Sayla Mass prendre les commandes du Core Booster, il s’agit en fait d’une référence à l’épisode 16 de la série originale intitulé « Sayla pilote » et qui du coup est l’épisode 15 dans la numérotation occidentale. Il y a probablement d’autres surprises planquées dans le film mais je ne suis pas assez calé pour toutes les repérer.

Comme dit plus haut la réalisation rappelle beaucoup celles des OAV de The Origin, on a donc un character-design détaillé et précis, allié avec une animation expressive qui donne un côté légèrement cartoonesque ; un style caractéristique de YAS qui le distingue par exemple de la démarche ultra-réaliste d’un Shûko Murase dans Senko no Hathaway par exemple. Les robots géants sont rendus en images de synthèse, mais on préfèrera retenir les quelques séquences de mecha en 2D comme dans le flash-back avec Char que je citais plus haut. La cinématographie est clairement au niveau d’un long-métrage, c’est un vrai régal tout à fait dans la lignée de The Origin.

La saga Gundam est très inégale mais s’il y a une constante depuis quarante ans c’est que Yasuhiko est un génie ; et lorsque l’on prend la puissance du Mobile Suit Gundam original, qu’on en retire la Tominerie pour la remplacer par le talent de YAS et qu’on donne au studio le temps et les moyens de s’exprimer cela rend un résultat excellent. C’est vraiment un très bon film de real robot, le seul problème c’est que son sujet est tellement niche, tellement inaccessible que ce film ne touchera personne en dehors des fans ; ce n’est même pas quelque chose que l’on pourrait recommander juste pour le kiff comme Thunderbolt, là il n’y a vraiment rien à regarder pour quelqu’un qui n’a pas déjà un solide historique avec l’UC. Pour les quelques concernés cependant, c’est de la qualité comme on en voit pas souvent. 7,5/10

Verdict :7/10
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A propos de l'auteur

Deluxe Fan, inscrit depuis le 20/08/2010.
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