Critique de l'anime Sayonara Zetsubô Sensei

» par Starrynight le
12 Avril 2008
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Difficile d’imaginer quelque chose d’aussi décalé, anticonformiste et tout simplement indescriptible que Sayonara Zetsubô Sensei. Et pourtant Kôji Kumeta l’a fait.

On a beau retourner le problème dans tous les sens et l’observer de tous les angles, la conclusion s’impose : cet anime ne ressemble à rien d’autre que lui-même. Les références et clins d’œil y abondent (comme dans School Rumble) – anime, films, livres, politique, tout y passe (de la couette de Kafuka Fuura qui fait penser à celle de Lain aux affiches de film qui apparaissent tout à coup à l’écran, accompagnées d’un commentaire qui n’a rien à voir) – du point de vue de son format l’anime joue avec les codes habituels d’un épisode, par exemple en balançant l’opening n’importe quand ou en ajoutant des historiettes après l’ending (à nouveau comme dans School Rumble). On passe sans transition d’une mise en scène digne d’un vieux film en noir et blanc avec les dialogues écrits sur fond noir à une séquence ultra colorée esquissée en trois coup de crayons en passant par un personnage digne d’une caricature réalisée par un enfant de 6 ans ou encore une brève scène au contraire extrêmement travaillée. Sur ce micmac se superpose allègrement la tête roublarde de M. Kumeta qui semble nous surveiller d’un air goguenard du haut de l’horloge de l’école et se moque de nous lorsque la jupe de telle ou telle élève se soulève et qu’à l’endroit stratégique apparaît, devinez quoi, la dite tête de M. Kumeta.

Ce paysage visuel, déjà complètement atypique en soi, est traversé par des remarques et autres sentences griffonnées de ci de là, un peu partout, dans tous les sens, quasiment à chaque seconde. Le tableau noir de la classe en est systématiquement rempli … et s’il n’y avait que lui. Ces phrases ou bribes de phrases oscillent entre une remarque anodine (et sans le moindre rapport avec le reste, genre « ma mère mange du chou-fleur ») à un commentaire de la situation, une critique acerbe balancée négligemment (sur un personnage politique, une célébrité, un club de base-ball, que sais-je encore). La cadence des ces phrases alliée à leur omniprésence et à la brièveté de leur apparition (parfois juste 1 seconde) fait que l’on est plus ou moins obligé de passer en pause toutes les cinq secondes pour avoir le temps de lire et le visionnage d’un épisode de 20 minutes donne l’impression (et ce n’en est pas qu’une) d’en durer le double.

Exemple parmi tant d’autres : lors d’un générique de début sont crédités successivement l'Empereur Pingouin (vous avez bien lu), M. Abe (Shinzô Abe : ancien Premier Ministre ayant démissionné il y a quelques mois), M. Koizumi (Junichirô Koizumi : prédécesseur de M. Abe), M. Perry (Le Commodore Perry qui pointa les canons de ses navires sur Tôkyô pour obliger le shogunat à s'ouvrir aux étrangers) et une cigogne orientale (sic). Sans compter les innombrables jeux de mots, parodies, auto-critiques et autres mises en abîme. Bref un anime résolument et complètement barré à chaque seconde.

Une fois enlevé ce fatras de bavardage incessant (et un peu lourd à force d’être omniprésent, il faut bien le dire) que reste-t-il ? Un thème et les personnages. Et une histoire ? En fait, non, pas vraiment : juste un brodage sur les personnages avec le thème en fond, sans la moindre progression scénaristique, sans scénario même.

Commençons par les personnages. On se doute bien vu le décor décrit plus haut qu’ils ne risquent pas d’être banals. C’est en effet le moins qu’on puisse dire : chacun est un cas pathologique dont le potentiel est poussé jusqu’au point de non retour. En fait, dès leur nom, le ton est donné. Le personnage principal, le professeur Nozomu Itoshiki est ainsi prénommé « Espérer » (signification de « nozomu »), ce qui est a priori plutôt positif. Sauf que … si on accole les deux kanjis qui composent son nom de famille (« ito » et « shiki »), ils forment un nouveau kanji prononcé « zetsu » et dont le sens est grosso modo celui d’une perte. Si on ajoute son prénom (le kanji prononcé « nozomu ») après cela, l’ensemble se prononce « zetsubô » qui désigne le désespoir. Vous voyez le tableau.

Chaque nom de personnage est ainsi un jeu de mots : celui de l’optimiste en chef, Kafuka Fuura, fait référence au romancier tchèque Franz Kafka (prononcé « Furantsu Kafuka » en japonais), etc, etc.

Leur comportement est à la hauteur de l’absurdité de leur patronyme. Le dipôle formé par le professeur Itoshiki et Kafuka Fuura est sur ce plan un parangon du n’importe quoi : lui voit dans le moindre événement une catastrophe (ce qui permet également à M. Kumeta de critiquer tel ou tel aspect de nos sociétés en passant, ce n’est pas gratuit), une preuve que l’humanité n’est bonne à rien et que ce monde est foutu (d’où son désespoir), elle voit la vie en rose flashy (à côté d’elle, les bisounours sont suicidaires) en étant par exemple fermement convaincue que lorsqu’une personne se pend, c’est pour mieux grandir. Eux deux sont le principal moteur de cet anime, véritable aimant où tous les flux circulent entre le pôle négatif (le professeur) et le pôle positif (Kafuka). Tout les oppose, mais en un sens ils sont complémentaires (de même que les pôles de charges opposées s’attirent).

Quant au thème, il s’agit du suicide (l’anime commence d’ailleurs quasiment par ça). Si en soi ce n’est pas tellement étonnant vu le nombre de déséquilibrés et de désespérés qui peuplent cet anime, c’est en tout cas un choix osé et novateur : faire rire (ou du moins sourire) en se basant sur le suicide, le désespoir de certaines personnes en perte de valeurs et le 2nd (ou 3e, ou plus) degré.

D’une certaine manière, Sayonara Zetsubô Sensei est à la japanimation ce que le Chat de Gelluck est à la bande dessinée : un dessin très simple, des phrases lapidaires mais qui souvent frappent juste et un format qui ne ressemble à aucun autre.

Malgré tout, à force de surenchère et de délire barjot poussé à son paroxysme, Sayonara Zetsubô Sensei laisse parfois de marbre ou, au contraire, nous fait parfois un peu saturer.

Verdict :7/10
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A propos de l'auteur

Starrynight, inscrit depuis le 18/06/2006.
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