[SPECIALE HALLOWEEN] SHUTEN DOJI — Critique Démon-étisée

» Critique de l'anime Shuten Dôji par Deluxe Fan le
28 Octobre 2023
Shuten Dôji - Screenshot #1

Bienvenue dans le Manoir Deluxe, un lieu où se chevauchent réalité et fiction… On raconte qu’il y a bien longtemps, cet endroit était habité par un individu passionné d’animation japonaise, à laquelle il avait consacré toute son existence. Mais au moment de sa mort, il n’avait pas fini de regarder ses dessins animés favoris ; son esprit continua donc d’errer en ce monde, sa soif d’anime ne pouvant être étanchée. Et il paraît que le soir d’Halloween, ceux qui se rendent dans son Manoir peuvent entendre la voix de cet esprit leur parler d’animes horrifiques.

Go Nagai est un des auteurs les plus significatifs dans l’histoire du manga moderne, en particulier dans les années 70 où il marqua de son empreinte plusieurs genres parmi lesquels le mecha avec Mazinger ou le magical-girl avec la franchise Cutie Honey. Il fut également prolifique dans le genre fantastique avec son œuvre la plus célèbre, Devilman, ainsi que dans le folklore avec des séries telles que Enma-kun. Ce n’était donc qu’une question de temps avant qu’un anime estampillé Go Nagai ne se retrouve invité dans le Manoir Deluxe.

Shuten Dôji - Screenshot #2Shuten Dôji est ainsi un manga que Go Nagai publia dans le Shônen Magazine entre 1976 et 1978, librement adapté d’un conte folklorique japonais dont les plus anciennes traces écrites remontent au XIVème siècle. Je dis « librement adapté » parce que je pense pas que dans le conte du XIVème siècle il y avait des vaisseaux spatiaux et des cyborgs qui tirent au bazooka mais n’allons pas trop vite. Le manga fut compilé en neuf volumes puis, une bonne décennie plus tard, adapté en quatre OAV d’une heure chacun, et c’est de ça dont on va parler.

Ryuichiro et Kyoko viennent de se marier et visitent un temple pour prier les dieux d’avoir un enfant. C’est alors qu’apparaît un immense démon, ou « oni », qui leur confie un bébé humain. Le démon disparaît alors en avertissant le couple qu’il reviendra chercher l’enfant dans quinze ans. Ryuichiro et Kyoko adoptent le garçon et le prénomment Jiro. Quinze ans plus tard, Jiro est devenu un jeune homme qui vit tranquillement avec ses parents adoptifs. C’est alors que des évènements mystérieux surviennent autour de lui, et qu’il est pris pour cible par une secte de moines guerriers qui l’appellent le Roi des Onis autrement dit « Shuten-Doji » …

Shuten Dôji - Screenshot #3Le conte original se déroule au Xème siècle et raconte comment le roi démon Shuten-Doji, qui enlevait et dévorait les jeunes femmes, fut décapité par le mythique guerrier Minamoto no Raiko. Sauf que Go Nagai il s’est dit bon, les démons c’est sympa hein, mais les voyages temporels et la science-fiction c’est quand même mieux quoi, et donc il ne reste plus grand-chose de l’histoire originale et on se retrouve avec un authentique bazar de série B où la chasse aux démons glisse vers la SF pour se terminer dans de la fantasy kitsch. Et aussi bizarre que cela puisse paraître, ça fonctionne plutôt bien.

Ce qui est intéressant avec ces OAV c’est que chaque épisode a une identité cinématographique marquée. Ainsi le premier épisode est résolument un anime d’horreur, avec des phénomènes étranges qui surviennent autour de Jiro pour basculer rapidement vers le récit de monstres. Certaines séquences sont plutôt réussies d’un point de vue horrifique, avec une mise en scène élaborée et des apparitions monstrueuses bien repoussantes. Le deuxième épisode fait plus penser à un shônen de baston, où le héros qui a découvert ses pouvoirs se trouve une équipe d’alliés avec chacun leurs propres capacités pour confronter le camp des méchants. Le troisième segment, peut-être le plus intéressant, change complètement de ton pour s’orienter vers le space-opéra. Jiro se retrouve coincé dans un vaisseau spatial perdu au milieu de la galaxie et devra affronter un adversaire décidé à l’éliminer par tous les moyens. Impossible de ne pas penser à Alien, le film de Ridley Scott, et oui je sais que ce film est sorti après la parution du manga de Go Nagai, mais peu importe. Le dernier épisode quant à lui, avec ses personnages virils en pagne tous muscles dehors, fait immanquablement référence à la fantasy occidentale des années 70-80, notamment les films du genre de Conan le Barbare par exemple.

Shuten Dôji - Screenshot #4On a donc un cocktail de tout ce qui se faisait dans le cinéma de genre et les séries B de cette époque, tout cela avec le style reconnaissable de Go Nagai, tant les designs que dans le propos ; le héros tourmenté par sa double identité, la lutte de l’humanité contre les démons, etc. Toute l’œuvre de Go Nagai est parcourue par cette volonté d’aller chercher les aspects sombres de l’homme, de le confronter avec ses pulsions, lui qui écrivait ses mangas dans une époque où la modernisation de la société passait aussi par la libération des mœurs et la remise en cause des traditions. Il ne faut d’ailleurs pas s’étonner, Go Nagai oblige, que tous les personnages féminins se retrouvent les seins à l’air et se fassent soit violer, soit tuer, soit les deux. OAV des années 80 oblige, on aura droit à quelques séquences "tentacules", mais bon j’ai envie de dire ça fait partie de la grammaire du genre, limite si y’en avait pas j’aurais été déçu.

Shuten Dôji est loin d’être un anime essentiel quand on veut parler de Go Nagai ou du milieu de l’OAV des années 80, mais cela reste une production étonnante et remplie d’idées, comme souvent à cette période où le format permettait aux artistes d’expérimenter et de se lâcher à l’écran. En revanche si vous voulez voir un vrai anime d’horreur signé Go Nagai qui se prend au sérieux, une série telle que Kikôshi Enma, réalisée par le spécialiste du genre Mamoru Kanbe, est peut-être plus indiquée.

Verdict :6/10
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A propos de l'auteur

Deluxe Fan, inscrit depuis le 20/08/2010.
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