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Critique du manga Akira (Version Noir et Blanc)

» par Nakei1024 le
13 Mars 2012
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Je m’étais promis de ne jamais mettre de 10 à aucune production, jugeant que la perfection n’existe pas et que même le plus grand chef d’œuvre peut présenter 1 ou 2 défauts mineurs. Akira me fait briser ce serment et sera probablement le premier et le dernier à réussir cet exploit.
Il y a aussi le fait que je me sentirais coupable de faire baisser cette moyenne de 10 donnée par mes prédécesseurs en me tenant à un simple 9. Il y aurait alors quelque chose de mesquin dans ma démarche, surtout pour un tel titre.

Ayant vu (et adoré) le film d’animation, je ne pouvais que me lancer dans le manga, dans sa version originale en noir et blanc. La première chose qu’on constate, c’est que le long métrage, pour des raisons évidentes de temps et de moyens, a très largement coupé le scénario originel à la machette, pour n’en garder finalement que l’affrontement apocalyptique entre Kaneda et Tetsuo (sous l’œil vigilant du sujet Akira). Il en ressort ainsi une film à l’ambiance et à la réalisation réussies, mais dont le développement semble extrêmement confus et difficile à suivre, avec une conclusion pour le moins brutale. Certains personnages fondamentaux de l’original se voient même relégués au second plan et font de la figuration, tandis qu’apparaissent des passages totalement inédits rajoutés pour donner un tant soit peu de cohérence à l’ensemble. Bref, sans dire qu’il fut une adaptation ratée, amputée et largement simplifiée, il ne tient pas longtemps face aux 6 tomes de 400 pages chacun que représente ce petit bijou du manga moderne. Cependant, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : cela reste une œuvre culte digne de figurer parmi la DVDthèque de n’importe quel féru de manga. La tâche était simplement trop dure que de faire tenir une telle histoire sur un seul film de près de 2 heures.

Maintenant que j’ai fini ce petit aparté sur le film, intéressons-nous au manga.

Alors, par où commencer ? Une fois n’est pas coutume, parlons du scénario. Honnêtement, si on regarde l’œuvre dans sa globalité, l’histoire est relativement classique. On se retrouve avec un récit à base de complot impliquant politiques, militaires et scientifiques des 4 coins du globe. Ceux-ci se retrouvent rapidement dépassés par les résultats de leurs expérimentations sur de jeunes cobayes humains, disposant maintenant d’un pouvoir dépassant l’imagination. Devant l’horreur des traitements infligés à ces enfants, un petit groupe de résistants tente d’alerter la population sur les pratiques de leurs dirigeants, et c’est en enlevant un des sujets d’expérience que l’apocalypse commence à pointer le bout de son nez, tel une suite de dominos s’effondrant sans que personne puisse les arrêter, malgré les efforts et sacrifices consentis.
Et au milieu de ce bazar, on trouve une poignée d’adolescents rebelles, adeptes de rodéos sur des motos sur-boostées qui vont prendre une part active dans la crise à venir suite à la disparition d’un camarade.

L’histoire est divisée en deux grandes phases prenant chacune une moitié de la série. On peut dire sans hésiter qu’il y a un « avant » et un « après » Akira. Ce gamin surprenant et légèrement flippant est le centre du problème, mais également la solution à la série d’évènements menant à l’anéantissement de la mégalopole de Tokyo.
Ainsi, les 3 premiers tomes nous montrent une cité qui périclite sous la gouvernance de dirigeants incapables de trouver une solution pour ramener l’équilibre et se voient en plus mis face au risque grandissant de l’éveil d’Akira. L’explosion qui résulte de cet événement marque une coupure brutale dans la narration et une transition vers une cité en ruine peuplée de survivants désespérés se battant pour trouver abris et nourriture. C’est sous l’impulsion du jeune Tetsuo ayant récemment acquis des pouvoirs extraordinaires, et usant habilement de l’aura presque divine du sujet 21, qu’un nouvel ordre apparaît. Mais devant la monstruosité de celui-ci, qui poursuit les anciennes expériences du gouvernement sur une population encore sous le choc, de nouvelles forces jusque là restées cachées font leur apparition. Un nouvel affrontement aux proportions épiques ne tarde pas à déchirer la population, et seule une poignée de personnes semblent en mesure de mettre fin à cette guerre d’un genre nouveau.
N’ayons pas peur des mots, on assiste à la destruction d’une époque (façon terre brûlée) pour passer peu à peu vers une nouvelle ère dans laquelle les plus jeunes portions de la population auront le droit de parole qui leur était jusque-là refusé, et s’affranchiront du contrôle imposé par leurs aînés. Mais comme tout changement, cela ne se fait pas sans un prix lourd à payer en terme de vies humaines et de matériel.

Vous vous en doutez à la lecture de ce résumé, le manga offre un récit laissant peu de temps mort, d’une densité comme on en voit rarement en terme de narration. Mais un tel scénario ne serait rien sans un panel de personnages extrêmement riches et variés, luttant pour leurs objectifs propres et capables de faire front commun en de rares occasions. L’évolution de chacun est flagrante (même pour ceux qui finissent de façon tragique), mais les plus marquants restent finalement le duo Kanéda/Tetsuo.
Difficile de dire lequel des deux est le vrai (anti ?) héros de l’histoire. Kanéda commence dans le rôle d’un chef de gang fort en gueule, mais au futur finalement incertain, tant son comportement immature et rebelle l’entraîne dans des situations problématiques dont il n’a pas vraiment besoin au vu de son casier judiciaire déjà bien rempli. Mais il est à l’aise dans son rôle de leader et ne vit que pour les affrontements avec d’autres gangs de motards, suivi par une bande fidèle et avide de sensations fortes.
Pourtant, dès la disparition de Tetsuo, il va commencer à adopter un comportement nettement moins égoïste et plus mature pour tenter de retrouver son ami. Cela le mènera jusqu’au cœur des laboratoires du gouvernement où il assistera impuissant à la transformation de ce dernier devenu incapable de contrôler ses nouveaux pouvoirs. Après la destruction de la capitale, il reprendra son rôle de chef de groupe mais de manière plus posée et responsable, car le moindre faux pas de sa part pourrait mener à une nouvelle catastrophe. Bref, son passage à l’âge adulte (avec les responsabilités que cela implique) se fera de manière brutale et changera sa vision des choses à jamais.
Tetsuo est quant à lui l’archétype même du personnage faible et soumis, qui rêve de briller aux yeux de ses semblables et se trouve du jour au lendemain en possession d’un potentiel illimité. Ce nouveau statut, doublé de la douleur incontrôlable produite par la progression exponentielle de sa transformation feront naître chez lui un très fort sentiment mégalomane à qui rien ne semble impossible. Plus il avancera, plus il aura du mal à faire la part des choses en usant et abusant de ses pouvoirs, causant au passage la perte de certaines de ses plus proches connaissances. Le retour à la réalité ou le poids de ses erreurs seront des plus difficiles et les remords qui en découleront achèveront de le conduire aux portes de la folie.
Enfin, n’oublions pas les autres sujets d’expérimentation et autres adeptes disposant de pouvoirs psychiques qui, bien que moins puissants que ceux des nouveaux maîtres de Tokyo, restent une force sur laquelle il faudra compter pour faire pencher la balance vers l’une ou l’autre des différentes factions en présence. Avec une telle puissance, même un simple enfant devient un adversaire redoutable, et leur multiplication constituera un frein sérieux vers un retour à l’équilibre et au calme.

Globalement, chacun des protagonistes pourrait faire l’objet d’une analyse poussée, mais un simple texte écrit ne pourrait rendre justice au travail de Katsuhiro Otomo pour décrire la complexité et la richesse de chacun d’entre eux. Seule une lecture attentive de ce chef d’œuvre permet de constater l’étendue de son talent.

Outre l’histoire et les personnages, ce talent s’exprime aussi à travers les cases du récit. Doté d’un graphisme propre et fin, Akira constitue une véritable claque visuelle dans laquelle chaque détail compte. Aussi bien les expressions des personnages que leurs postures, la mise en scène ou encore la représentation d’une cité ultramoderne en pleine déliquescence puis réduite en ruines, rien n’est laissé au hasard. L’ensemble fait finalement penser à une production cinématographique de grand standing : les personnages et véhicules pourraient presque sortir des pages, et les multiples séquences d’affrontements, de courses-poursuites et de destruction (comment foutre la pagaille sur un porte-avion US par exemple) font passer n’importe quel blockbuster apocalyptique Américain pour une vaste blague. La simple idée que certains producteurs Hollywoodien veuillent en faire une adaptation live me fait froid dans le dos.

Pour conclure, plus qu’un simple récit catastrophique, Akira c’est avant tout la compréhension, l’analyse, la destruction puis la reconstruction d’un monde, menée par une poignée de protagonistes idéalistes et prêts à tout pour obtenir le droit d’accès à un avenir meilleur. Il faudra un certain courage à ceux qui souhaiteraient se lancer dans l’aventure car ils seront face à près de 3000 pages d’action ininterrompue, qui pourront se révéler particulièrement éprouvante à lire s’ils ne veulent rien louper du scénario. Au terme de cette épreuve, ils en ressortiront épuisés mais heureux, avec la conviction d’avoir achevé ce qui est certainement LE manga le plus incroyable, le plus riche et le plus abouti qui soit paru à ce jour.

Verdict :10/10
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A propos de l'auteur

Nakei1024, inscrit depuis le 05/01/2007.
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