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Demokratia - quand Solon l'emporte sur Asimov

» Critique du manga Demokratia par Sirius le
28 Juillet 2016

Un spécialiste en robotique et un programmeur se rassemblent pour mettre au point un androïde. Ils décident de laisser une communauté de 3000 internautes régler les gestes et le comportement de celui-ci à travers un système démocratique. Une des premières décisions de la communauté est de le baptiser Fuyu. Pour que les internautes ne puissent interagir avec elle, tout ce qu’elle voit est déformé et les noms de lieux et de personnes sont cryptés. Ainsi commence le projet « Demokratia ».

Après l’Ikigami qui devait permettre à chaque individu de mettre à profit son existence, Motorô Mase aborde dans Demokratia une vision de la robotique révolutionnaire. Le robot se dote ici d’une véritable conscience sous la forme d’une communauté qui se rassemble dans un forum. Un individu artificiel qui en représente 3000. Très vite, tous se rendent compte que Fuyu vit réellement et que leur vote aux apparences anodines régit ses interactions dans la société avec de réelles conséquences. Tous sont collectivement responsables des actions de Fuyu. Tous, donc personne en particulier ?

Demokratia a pour thème la démocratie vous vous en doutez bien. On explore ici les effets parfois surprenants du vote majoritaire, le déchirement qui se crée dans la communauté selon les décisions à prendre. Et quand la démocratie décide, il faut suivre cette décision même si quelque part l’individu se dit qu’elle a tort. Motorô Mase pointe les limites du système démocratique : le fait d’ignorer les idées minoritaires qui sont parfois dignes d'un génie, le rejet de ceux qui ont formulé une proposition qui a mal tourné. Il ébranle même les fondements de la démocratie en montrant bien que si tout le monde se mettait d’accord, on pourrait sortir du système, instaurer des peines exemplaires, ou une répression sanglante.

Motorô Mase critique également le système social japonais : la fixation sur les études, la système médical, la vie communautaire sur internet. Au sein de la communauté dirigeant Fuyu, chacun grandit à travers le vécu de l’androïde. Des tranches de vie centrées sur un membre de la communauté encadrent chaque rencontre que fait Fuyu et le schéma se répète à travers l’œuvre. On mesure ainsi l’influence du projet sur la vie réelle de chacun, comme si l’histoire de Fuyu était un miroir du vécu de ses « conducteurs ».

Les deux concepteurs de Fuyu espéraient créer l’être idéal. Le lecteur se rend vite compte de l’utopie que représente leur projet malgré l’agrégation des savoirs rassemblés derrière chaque pseudonyme de la communauté dans un seul androïde. Fuyu vient certes en aide à une victime d’une attaque cardiaque, mais quand la communauté se divise, elle se trouve condamnée à l’inaction. Et surtout, ce robot n’a aucune raison de respecter les lois d’Asimov…

Au niveau de la forme, les dessins de l’auteur possèdent un style très mature et l’utilisation des trames donnent à l’ensemble un ton très sérieux. Sa façon de représenter le forum avec des silhouettes sans trait avant que le lecteur ne sache l’identité de chacun dans la vie réelle s’avère aussi originale. Fuyu possède néanmoins une palette d’expressions très réduite.

Motorô Mase signe un nouveau manga original entre critique sociale et récit d’anticipation après Ikigami et Head. Une nouvelle réussite qui comme à l’accoutumée s’achève en quelques tomes pour nous servir un final étrange mais satisfaisant.

Verdict :8/10
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A propos de l'auteur

Sirius, inscrit depuis le 16/07/2007.
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