Ce manga est très réussi, il s'inscrit dans cet univers typiquement japonais que Miyazaki a popularisé avec des films tels que Mon Voisin Totoro ou Princesse Mononke, et que Mushishi sait si bien explorer.

On est donc en terrain connu, à tel point qu'on peut même être un peu déçu par l'apparence simplette des créatures, qui sont nettement moins impressionnantes qu'un Totoro ou qu'un mushi tel qu'on peut le voir dans les aventures de Ginko. Il faut dire qu'Oda ne fait pas de ce sujet l'essentiel de son manga, il s'en sert pour appuyer une excellente histoire portant avant tout sur le personnage de Miyori, jeune tokyoïte totalement déstabilisée par son arrivée en pleine cambrousse.

Oda parvient à éviter les clichés et à rendre son histoire intéressante malgré un scénario qui menace à chaque instant de réécrire Pompoko. En basant tout sur le caractère de Miyori, il maintient un équilibre parfait entre le besoin de réalisme fort que demande l'analyse psychologique, et la féerie qu'implique nécessairement toute histoire faisant appel aux mondes des esprits traditionnels du Japon. Ce mélange fait du manga une oeuvre originale qui trouve toujours le ton juste : on n'a jamais l'impression de subir une leçon de morale écrasante ou d'assister à une énième étude lénifiante sur le clivage entre la ville et la campagne.

Le personnage de Miyori fait preuve de détermination, elle peut même parfois faire preuve de cynisme et surtout elle pense toujours en adulte. Ses rapports avec sa famille sont traités de façon très frontale, reléguant à l'occasion le merveilleux du récit pour instaurer un cadre réaliste fort. La forêt ne sert pas d'échappatoire à une petite fille rêveuse refusant de grandir, c'est tout l'inverse : c'est grâce à son arrivée à la campagne que Miyori devient une adulte et décide de prendre sa vie en main.

Rien que pour cela, pour le talent narratif d'Oda, et pour son art de toujours rester original dans un monde où Ghibli règne en maître, ce manga vaut la peine d'être lu.