Anthem of the Heart – Foule Sentimentale

» Critique de l'anime Jun, la voix du coeur par Deluxe Fan le
01 Mai 2016
Jun, la voix du coeur - Screenshot #1

Kokoro ga Sakebitagatterunda (Anthem of the Heart) est un long-métrage réalisé par Tatsuyuki Nagai et scénarisé par Mari Okada, un duo inséparable qui vous aura notamment proposé Toradora en 2008 ou encore Gundam Tekketsu no Orphans l’an dernier. Mais leur collaboration la plus notable est sans doute AnoHana, une série mélodramatique qui fit un carton au Japon en 2011. C’est d’ailleurs dans le but affiché de renouveler ce succès que Aniplex a produit Anthem of the Heart, qui reprend la même équipe que la série suscitée.

L’histoire a pour personnage principal Jun Naruse, une lycéenne qui a perdu la parole suite à un évènement survenu dans son enfance. Isolée de ses camarades, elle se retrouve néanmoins propulsée sur le devant de la scène lorsque le prof de musique lui donne pour mission d’organiser la performance de sa classe au festival culturel. Elle sera assistée de trois autres élèves : Natsuki Nito, une fille en apparence irréprochable ; Daiki Tasaki, un jeune joueur de base-ball brisé en pleine gloire ; et surtout Takumi Sakagami, un prodige du piano qui cache lui aussi ses failles. Tout ce beau monde va devoir avancer ensemble tout en se débrouillant avec les polygones amoureux qui ne tarderont pas à se créer.

Jun, la voix du coeur - Screenshot #2Du point de vue de la critique, Anthem of the Heart est si facile à analyser que ce n’en est presque pas marrant. Mari Okada réutilise exactement les mêmes astuces que dans AnoHana, et plus largement tous les autres mélodrames qu’elle a écrit. Pour faire simple, on prend un groupe de lycéens très archétypaux, on les réunit sous un prétexte X puis on injecte des coïncidences narratives pour créer du drama. Une astuce qui a démontré son efficacité, mais qui finit par vite montrer ses limites une fois que l’on a fait le tour des stéréotypes lycéens de la japanime. Pour un public novice cela pourra peut-être passer comme une écriture aboutie, mais ce n’est qu’une illusion. Les personnages écrits par Okada n’ont rien de complexe ni même d’humains ; ce sont des clichés sur pattes que l’auteur a arbitrairement rassemblés pour les faire interagir à coups de grands dialogues adolescents sur l’amour et l’amitié. Et une fois que l’on a compris ça, tous les animes d’Okada finissent par ressembler à un spectacle de magie dont on connaît les tours à l’avance.

Heureusement, ce que Anthem of the Heart ne parvient pas à accomplir sur le plan dramatique, il y parvient sur le plan thématique. En effet tout le récit est alimenté par la question de savoir jusqu’où il faut exprimer ses sentiments, et sur ce que cela implique de parler ou de se taire. Chacun des personnages est lesté par un problème lié à ce qu’il ou elle n’a pas été capable de dire clairement les choses à un moment important de sa vie. Le cas de Jun est de loin le plus représentatif puisque elle était une enfant très bavarde qui a poussé le bavardage trop loin au point de détruire sa famille. Elle se mure depuis dans un silence qui cause finalement encore plus de mal.

Jun, la voix du coeur - Screenshot #3Cette thématique est assez intéressante d’un point de vue psychologique et social, surtout lorsqu’on la met en lien avec les comportements IRL des jeunes japonais. Mari Okada a souvent dit qu’elle estimait que les adolescents de son pays vivaient dans une frustration de ne pas pouvoir exprimer leurs réels sentiments à cause de la pression sociale, et toute son œuvre est parcourue de cette idée – c'est en exprimant ses sentiments que l'on guérit de ses blessures intérieures. Et Anthem of the Heart est probablement l’anime qui a le mieux réussi à traiter de cette question, sans passer par d’interminables circonvolutions mélodramatiques.

Normalement je devrais consacrer tout un tas de lignes à parler de réalisation et de mise en scène de Nagai mais il n'y a pas grand-chose à dire. La direction artistique est très froide, neutre et impersonnelle dans la tradition des produits estampillés A-1 Pictures, et l’animation proprement dite se situe quelque part entre le superflat d’Hosoda et l’expressionnisme de KyoAni sans aboutir à égaler l’un ou l’autre. Le film est également un peu trop long pour son propre bien, en particulier lorsque s’amorce la séquence finale qui s’étire en longueur alors que le spectateur impatient veut juste savoir qui finira avec qui.

Dans son genre, Anthem of the Heart n’est pas le moins mauvais des mélodrames. Les tours de passe-passe de Mari Okada sont agaçants et lourds mais pour une fois le drama se double d’un semblant de psychologie qui relève le niveau. En tout cas, le film est sans aucun doute meilleur que le souvenir que j’ai de AnoHana. Si vous voulez réveiller la jeune fille en fleur qui sommeille en vous, glissez-vous sous la couette et lancez vos dans deux heures de balançoire émotionnelle.

Verdict :7/10
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A propos de l'auteur

Deluxe Fan, inscrit depuis le 20/08/2010.
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