« Gronde le tonnerre, s'offusque le ciel et tombe la pluie. Ainsi, pourrais-je te retenir ? »

» Critique de l'anime The Garden of Words par Maya* le
01 Juillet 2014
The Garden of Words - Screenshot #1

La pluie.

La pierre angulaire de l’histoire étant un élément naturel : La pluie, que ce soit esthétiquement ou narrativement. Alors que la pluie est habituellement synonyme de tristesse et de solitude, j’ai été ravie que cette histoire aille contre ce principe imposé par une idée reçue, les jours de pluie pouvant être les plus radieux et les plus heureux. Dans cette œuvre, les jours de pluie symbolisant le bonheur, la paix et la sérénité.

Nos deux protagonistes se donnant rendez-vous chaque matinée pluvieuse dans ce lieu poétique qu’est un simple jardin au bord de la rivière. Un jardin d’une beauté époustouflante, un spectacle visuel qu’il m’a été peu (jamais ?) donné d’admirer autre part. Le soin apporté au moindre petit détail par Shinkai participe à notre immersion dans ce monde, pas la moindre petite erreur (visible à l’œil du spectateur lambda, du moins) n’existe dans ce travail méticuleux où l’artwork et l’animation frisent la perfection.
Le détail dans l’animation allant jusqu’à une parfaite synchronisation entre le bruit que cela provoque et le moment où une goutte de pluie heurte le sol.

The Garden of Words - Screenshot #2Les plans sont d’une telle authenticité qu’on pourrait se penser dans un « film live » et non pas un film d’animation. Une douce ambiance se mettant en place dès les premières minutes, avec des silences éloquents qui feraient passer les quelques dialogues pour des bruits de fond tant on est captivés par les somptueux décors et bercés par la délicatesse des mélodies jouées au piano, d’une simplicité délibérée.

Des dialogues assez pauvres, soulignant la monotonie du quotidien des deux protagonistes. Nous basculons entre leurs deux points de vue sous forme de monologues contemplatifs et nous attachons à eux dans un cadre d’une poésie à nous tenir en apnée tout au long des 46 minutes. Au fur et à mesure qu’ils apprennent à se connaitre, à s’aimer, à se quitter pour se retrouver à la première goutte de pluie. Une romance entre deux êtres perdus, un jeune lycéen, Takao, complètement perdu et nageant dans l’incertitude quant à son avenir, ses études et ses ambitions de créateur de chaussures et une jeune femme, Yukino, perdue dans la société adulte où elle ne se sent pas à sa place. Deux êtres perdus, échangeant quelques mots dans un jardin, loin des regards. Les mots étant au centre même de l’intrigue, avec le tanka récité par Yukino lors de leur rencontre qui prendra tout son sens par la suite, nous prenant au dépourvu, tirant sur notre corde sensible.

The Garden of Words - Screenshot #3L’histoire reste dans la même veine que 5cm per Second, The Place Promised in Our Early Days, ou encore Voices of a Distant Star et c’est là que résiderait mon unique reproche. Shinkai se cantonnant ainsi à un registre où il excelle. « La distance » et « L’amour impossible » étant ses thèmes de prédilection… Mais comment râler après une telle maîtrise de son art ? On ne peut que reconnaître son habilité à raconter une histoire, à jouer avec nos émotions, à nous embarquer dans une romance sans prétention et nous déchirer le cœur ! Les jeux de lumière (un autre point fort esthétique du film), les dialogues concis mais efficaces, les regards en coin, les expressions quasi-humaines des personnages… Ce n’est pas de simples dessins, ce n’est pas un simple film d'animation… même s’il traite de « distance », nous sommes incapables de garder la nôtre et sommes submergés par les émotions des personnages qui se mélangent aux nôtres et nous transportent dans leur univers.

Certains éléments de l’histoire sont abordés avec une subtilité se passant de tout discours explicatif. Comme la passion de Takao pour la création de chaussures. Avant même qu’il n’ait à l’exprimer avec des mots, on le remarque dans ses croquis, ses passe-temps ou encore dans la décoration de sa chambre qui lui sert d’atelier. Ça ne reste qu’un exemple, mais l’élégance de la mise en scène et la méticulosité de Shinkai se ressentent dans chaque séquence.

The Garden of Words - Screenshot #4Malgré une conclusion mélodramatique qui tranche avec les fins plus subtiles se déroulant dans un silence éloquent auxquelles nous a habitués le maître, je n’ai pas pour autant noté le côté forcé « Drama spotted. Pleure, maintenant » qu’on retrouve de manière récurrente dans les œuvres du genre. Peut-être que l’impact en fut du coup différent, mais la formule a pris sur moi, et cela avait quelque chose d’inattendu. Quand on va regarder du Shinkai, on sait d’avance que l’on doit prévoir un bon paquet de kleenex.

L’insert-song sur la fin achevant de fissurer les carapaces les plus coriaces, et où l’on retrouve indéniablement cette douce nostalgie de 5cm per Second, la première œuvre de Shinkai à m’avoir fait réaliser que ce type là est un maître lorsqu’il s’agit de faire véhiculer des émotions.

Somme toute, un chef-d’œuvre à la hauteur des attentes de la Shinkai-fangirl que je suis, et allant même au-delà. Un habillage visuel des plus réussis, avec des décors détaillés, vivants et installant une ambiance poétique, servis par une animation impeccable, fluide et participant à l’authenticité du rendu. Des choix d’OST pertinents avec des morceaux de piano n’en faisant ni trop ni pas assez, et embrassant délicatement l’ambiance mélancolique et le doux bruit de la pluie, avec le son des gouttes heurtant le sol.

Un charadesign d’une finesse tranchant avec les tout premiers films de Shinkai (Une pensée pour Voices of a Distant Star où ne rivalisait avec la beauté de l’histoire que la laideur du charadesign carré et brouillon) et malgré l’aspect plus moderne, plus soigné, on retrouve sa signature dans les expressions et les couleurs pastels.

Le doublage est un autre des points forts de l’œuvre avec une Yukino doublée par la délicieuse Kana Hanazawa qui réussit à retranscrire le côté enfantin d’une jeune femme irresponsable, encore bloquée à ses quinze ans, terrorisée par le monde adulte. A l’instar d’un Takao, doublé par le très talentueux Irino Miyu réussissant à marquer la maturité d’un adolescent ayant grandi plus vite que les autres car il a dû très tôt apprendre à ne compter que sur lui-même et prendre ses responsabilités.

Un petit bijou de 46 minutes qui s’inscrit honorablement dans la même lignée que ses prédécesseurs, un concentré d’émotion et un travail d’animation soigné, méticuleux dont devrait s’inspirer le genre, Shinkai étant incontestablement un modèle. Je ne saurai vous le recommander assez.

Au final, je n’ai pas honte de l’admettre : Je suis tombée amoureuse de ce moyen-métrage, à tel point que les mots ne sauraient suffire à exprimer mon ressenti en ressortant de cette unique expérience.

Verdict :10/10
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A propos de l'auteur

Maya*, inscrit depuis le 01/02/2012.
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