"Le Jardin des Mots", lieu d'une poésie visuelle et contemplative

» Critique de l'anime The Garden of Words par binyam le
12 Février 2014
The Garden of Words - Screenshot #1

Avec The Garden of Words (Kotonoha no Niwa, 2013) Makoto Shinkai s'inscrit durablement parmi les grands noms du cinéma d'animation mondial.

Thème cher à son réalisateur depuis ses débuts, M.Shinkai recouvre à nouveau son oeuvre d’un romantisme mélancolique effilé et passionné où la distance entre les individus s’affirme comme sa thématique récurrente. Le contraste est saisissant et bouleversant par l'immensité et l'esthétisme du "scenery" (le décor est ancré en plein coeur de Tokyo, à Shinjuku où le rendu photoréaliste est exceptionnel) qui contrebalance subtilement et parfaitement avec l'expression, les sentiments pudiques et intimes des protagonistes. Le réalisateur fait ici écho à l’une de ses anciennes oeuvres, "The Voice of Distant Star" ("Hoshi no Koe", 2002), un OAD (ex-OAV) de vint-cinq minutes qui le fit connaître aux yeux du public et dans lequel était narrée la correspondance entre un garçon et sa meilleure amie choisie pour participer à une expédition spatiale aux confins de la galaxie.

The Garden of Words - Screenshot #2Par la suite, c'est véritablement avec un autre chef-d’œuvre "5 cm per Second" ("Byōsoku Go Senchimētoru", 2007) qu'il réussira à sublimer ce fil conducteur des relations longues distances, pour un final grandiose, plongeant le spectateur dans un réalisme certain.
A contrario et sortant des sentiers battus, une évolution sera perceptible dans son long-métrage "Voyage vers Agartha" ("Hoshi o Ou Kodomo", 2011) où malgré un scénario intéressant et des éléments toujours plus améliorés en terme de rendu technique rappelant le style Ghibli - les critiques lui reprocheront d'ailleurs cette inspiration beaucoup trop affichée sur la forme, mais ne rivalisant pas sur le fond - la magie n'opère pas de la même manière qu'avec ses œuvres précédentes. Pourtant, la mise en perspective de l'histoire s'avérait intéressante, avec toujours pour toile de fond, le thème de la distance et de la séparation qui prennent ici une tournure plus en profondeur par la question du deuil.

« The Garden of Words vous émouvra aux larmes.»

The Garden of Words - Screenshot #3Dernier moyen-métrage en date deux réalisateur, "Le Jardin des Mots" fait à nouveau étalage et preuve d’une narration qui va explorer le thème de la distance sous un angle plus adulte.

M.Shinkai tisse ici progressivement le lien entre deux solitudes (les protagonistes), les retrouvailles en ces lieux les jours de pluie créant progressivement une curiosité, un intérêt, une amitié puis sans doute quelque chose de plus fort qu’ils n’osent pas s’avouer. Ce coin couvert du parc et la dimension protectrice qu’acquiert la pluie en isolant ainsi les personnages créent pour eux un havre de paix les éloignant des tribulations extérieures.

Le travail esthétique sur la représentation de l'eau est très élaboré et visuellement somptueux, les motifs formés par les gouttes tombant sur les flaques renforçant la tonalité apaisée et le silence du moment.

« La pluie isole et rapproche les âmes, à l'image de nos héros. »

Takao nourrit les questionnements d’un adolescent de son âge sur son avenir, d’autant qu’il a choisi une voie inhabituelle avec cette passion qui le rend très différent de ses camarades. Le scénario reste plus évasif sur les raison de l'angoisse de Yukino.

The Garden of Words - Screenshot #4Yukino et Takao se seront conjointement réappris à vivre et à aller de l'avant, faisant face à leur présent et avenir, même si les conventions les empêchent d’aller plus loin entre eux.

« La distance n’est donc plus ici géographique (Voice of Distant Star), rêvée (La Tour au-delà des nuages) ou existentielle (5cm par secondes, Le Voyage vers Agartha) mais repose sur la différence d’âge entre l’adolescent et la jeune adulte malgré les sentiments que l’on devine entre eux.»

Le cinéaste ose néanmoins une scène finale grandement démonstrative où l'émotion est à son paroxysme, d'une virtuosité sans égale, le tout sous une pluie battante et une fin très ouverte.

L’histoire aurait peut-être mérité d'être un peu plus travaillée, approfondie. Mais la trop courte durée de ce métrage (45 min.) en est probablement pour quelque chose. On tempèrera toutefois cette remarque dans la mesure où le travail a été réalisé dans un laps de temps très court (six mois).

De ce fait, l'avant-première à Paris où le réalisateur, invité pour une masterclass, a fait mention de la publication d'une suite sous forme de roman peut apparaître comme une réponse aux questions restées en suspens.

The Garden of Words apparaît comme un véritable écrin dont il serait préjudiciable de passer outre, cela sans même s'arrêter, le temps d'un court moment...

Un véritable bijou de l'animation à découvrir !

Verdict :8/10
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A propos de l'auteur

binyam, inscrit depuis le 06/02/2014.
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