Critique de l'anime Kanashimi no Belladonna

» par Cheesus le
14 Février 2010
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Kanashimi no Belladonna fut le dernier film de Mushi Production (Astro Boy, Le Roi Léo), studio fondé par Osamu Tezuka. Ce dernier n'a pas cependant pas participé à ce qui peut être considéré comme le chant du cygne du studio. Troisième volet de la trilogie pour adulte Animerama, Belladonna est une œuvre complètement à part dans le monde de l'animation, inclassable dans les catégories traditionnelles tant par le propos que par la forme, et vouée dès sa naissance à une mort commerciale certaine.

Le film est une adaptation de La Sorcière de l'historien Jules Michelet, essai peu orthodoxe mêlant l'analyse historique au récit fictif. Férocement anticlérical, l'ouvrage tente de décrire et de réhabiliter le rôle social des sorcières au Moyen-Âge dans le contexte de l'Inquisition. Belladonna en reprend assez fidèlement la trame narrative en développant l'aspect dramatique et surtout érotique, ce dernier n'étant que suggéré chez Michelet. Tout comme dans le livre, les personnages incarnent plus des rôles génériques que des personnes précises, ce qui leur fait peut-être manquer de substance et de personnalité. Le final, propre à l'animé, est grandiose quoique probablement un peu trop idéalisé.

Graphiquement, Belladonna brise les codes du genre et s'aventure avec brio dans l'expérimentation. Quand l'animation classique place une frontière définitive entre les décors et les figures animées, verrouillant par les contraintes techniques l'aspect de ces dernières, le film prend une tout autre direction. Sont méthodiquement intercalés plans fixes, immenses fresques défilantes et animations, mêlant des styles et des techniques de dessin variés, qu'il est inhabituel de voir dans les productions animées en général. Les images sont somptueuses ; le trait est granuleux, on sent toute la consistance de la matière dans ces magnifiques tableaux.

Au premier abord, l'ensemble peut paraître très statique comparé à ce qui se fait habituellement dans le domaine et on peut regretter quelques maladresses et négligences ponctuelles dans l'exécution. Il faut aussi reconnaître qu'il a quelques lenteurs. Toutefois, les parties animées témoignent la plupart du temps d'un travail monumental et certains passages sont extrêmement impressionnants, comme cette scène montrant la diffusion de la peste noire.

L'érotisme tient une place importante dans le film et tend à accaparer toutes les dimensions de l'histoire, les personnages étant principalement dépeints à travers leur rapport au sexe. Mais à l'exact opposé des productions dites « hentai », ces scènes sont intensément métaphoriques et s'orientent plutôt vers le domaine de la sensualité et de la suggestion.

La bande son est une pièce majeure du film. Musique pop-rock psychédélique tout droit sortie des années soixante-dix, très émouvante, elle contribue efficacement à l'expression des différentes ambiances. Le texte des chansons participe pleinement à la narration, donnant au film des airs de chanson de geste.

Injustement oubliée, Belladonna aura eu une influence affirmée sur d'autres œuvres marquantes comme Utena ou Gankutsuou. Reflet des mouvements de libération ayant ébranlé la fin des années soixante, vivant plaidoyer contre les dominations, en particulier patriarcales, ce film tente d'établir un lien historique entre féminisme et révolutions. C'est encore aujourd'hui une bouffée d'oxygène dans une industrie qui prend trop souvent les traits d'un divertissement aux accents puérils ou avilissants.

Verdict :9/10
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A propos de l'auteur

Cheesus, inscrit depuis le 09/01/2009.
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