Parasite – Bras dessus, bras dessous

» Critique de l'anime Parasite par Deluxe Fan le
17 Août 2015
Parasite - Screenshot #1

Sous ses airs d’adaptation alimentaire d’entrée de gamme, Kiseiju n’est pas un anime qui sort de nulle part. Le manga de Hitoshi Iwaaki, publié au Japon à partir de 1988, est considéré sur place comme une institution dont l’influence dépasse le milieu du seinen pour s’étendre jusqu’aux confins du shônen. Un manga qui fut d’ailleurs disponible en France dès le début des années 2000, et qui fit le bonheur de certains qui y découvrirent alors la fine fleur de l’horreur à la japonaise. Mais c’est en 2014 qu’une série animée basée sur ce fameux manga voit enfin le jour. D’où cette première et évidente question : qu’est-ce qui a pris autant de temps ?

Techniquement, Kiseiju aurait pu avoir droit à une adaptation il y a longtemps. Le manga s’est terminé en 1995, et c’est justement à partir de cette période que l’on a commencé à voir des adaptations de seinen manga à la télévision (Berserk, Master Keaton, Initial D…). Mais un élément inhabituel retarda la mise en lumière de Kiseiju, venu tout droit d’Hollywood. Dès la fin des années 90, des producteurs américains exprimèrent leur intérêt pour ce manga et en 2005, c'est le studio New Line Cinema qui acheta l’exclusivité des droits d’adaptation avec l’idée d’en faire des films et d’exporter la licence aux USA. Le projet capota, et il faudra attendre l’expiration du contrat en 2013 pour voir les droits revenir au Japon. Dès lors, un comité de production se met en place pour exploiter la licence, et deux projets sont annoncés : une adaptation en deux long-métrages live produits par la Toho, et une série télé d’animation produite par Madhouse, qui sera l’objet de ce texte. A noter que dans la tête des producteurs, la version film est le plat principal tandis que l’anime n’est qu’un accompagnement publicitaire ; ce qui aura son importance.

Parasite - Screenshot #2Kiseiju raconte l’histoire de Shinichi Izumi, un jeune garçon ordinaire se préparant à vivre ses derniers mois de lycéen, jusqu’au jour où il est infecté par un mystérieux organisme alien qui tente de prendre le contrôle de son corps. Le Parasite ne parvient pas à atteindre le cerveau de Shinichi et se voit forcé de vivre dans le bras droit du jeune garçon, qui voit ainsi affublé d’un compagnon aussi indésirable que dangereux. En effet, le Parasite est doué de conscience et dispose de capacités évolutives lui permettant notamment de se transformer en arme et de repérer les autres nombreux Parasites qui eux contrôlent leur hôte, et s’en servent pour commettre des crimes. Contraint de coexister avec l’envahisseur, Shinichi devra mettre à profit sa situation pour protéger les siens, tout en essayant de conserver ce qui lui reste d’humanité…

Ce genre d’histoire d’invasion alien, où l’envahisseur n’est pas un belligérant déclaré mais un parasite sournoisement infiltré, était tout à fait dans l’air du temps à l’époque où le manga était publié. Plus tôt dans les années 80, les USA avaient notamment produit la célèbre franchise V qui racontait aussi le combat des humains contre des Visiteurs anthropophages. Mais plutôt que d’opposer frontalement deux races inconciliables, Kiseiju prend le parti de se concentrer sur l’aspect humain de la situation, en racontant l’histoire du point de vue d’un protagoniste qui se retrouve à la croisée des deux espèces. Shinichi débute la série en tant qu’humain ordinaire dépassé par la situation, mais sa personnalité et son comportement vont radicalement évoluer au fil des évènements, au point de rendre le personnage méconnaissable. Cette évolution se fera dans un sens, puis dans l’autre, sachant que l’on peut mettre en parallèle l’état de corruption parasitaire de Shinichi avec sa progression en tant qu’adulte de plus en plus responsable. Cette manière de transposer le parcours initiatique du héros dans un contexte de thriller horrifique est sans doute l’aspect le plus intéressant de Kiseiju.

Parasite - Screenshot #3Pour le reste, la série fait un travail remarquable en termes de narration, puisque malgré le côté fondamentalement grotesque voire absurde des Parasites, on arrive toujours à se sentir impliqué voire touché par la série ininterrompue de tragédies et d’atrocités qui se déroulent au fil des épisodes. Les relations familiales et personnelles de Shinichi sonnent vraies, les dialogues sont bien écrits, les personnages sont presque tous intéressants et le récit emprunte souvent des chemins surprenants ou inattendus, quitte à rajouter de la cruauté sur une histoire déjà particulièrement violente. Pour résumer, la vraie qualité d’écriture de Kiseiju tient dans ce que l’anime se prend toujours un maximum au sérieux et ne dévie jamais de sa route. Pas ou peu de tentatives d’humour, pas de fan-service, pas de vulgarité, pas de grandiloquence inutile ; cet anime ne contient aucun des éléments superflus qui ont tendance à pourrir la production actuelle. Plus encore que l’esprit seinen manga, on retrouve surtout dans Kiseiju ce ton typique des années 80-90, de ces récits de SF qui malgré leur allure de séries B arrivaient quand même à s’arroger une dignité de par leur qualité et leur pertinence. Pas étonnant que le public actuel de la japanime ait vu dans Kiseiju une œuvre "originale" et "novatrice", sans se douter pour la plupart que le manga dont cet anime est tiré a presque trente ans. Kiseiju n’est pas une œuvre avant-gardiste, mais en l’adaptant aujourd’hui on se rend compte à quel point les œuvres de cette époque faisaient des choses dont les mangas/animes de nos jours ne sont plus capables.

Parasite - Screenshot #4Pour autant, Kiseiju n’est pas sans défauts. Au moins deux éléments importants font que cet anime, bien que très plaisant, n’a pas été la claque je voulais avoir. D’une part, la réalisation n’est clairement pas du niveau de ce que l’on peut attendre d’un anime de 2014-2015. L’animation en elle-même est plutôt réussie, surtout avec les nombreux effets de morphing aliens qui sont parmi les plus difficiles à animer (puisqu’il n’y a pas de référence sur laquelle se baser pour ce genre de mouvements). En revanche le chara-design est assez insipide, les couleurs ternes, la musique médiocre ; la direction artistique en général n’a pas bénéficié d’un travail suffisant pour rendre justice à un manga aussi important. Je ne blâme pas le studio Madhouse, parfaitement capable de faire des choses excellentes lorsque l’on leur en donne les moyens, mais les producteurs qui considéraient l’anime Kiseiju comme une simple pub des films et n’ont vraisemblablement alloué que des miettes au réalisateur Kenichi Shimizu, lequel est par ailleurs un vétéran de l’animation mais un débutant en matière de mise en scène.

Ensuite, impossible de ne pas noter un net essoufflement de la narration dans le dernier tiers. A partir de l’épisode 18, le récit a fait le tour du personnage de Shinichi et l’histoire s’engage dans un ultime arc qui tente de donner une ampleur nouvelle à l’histoire. Mais la progression de Shinichi étant terminée, on arrive pas à s’intéresser à ces nouveaux enjeux qui sont d’ailleurs mis en scène de manière assez laxiste ; j’en veux pour preuve les trois derniers épisodes entièrement consacrés à des combats contre des méchants OSEF. Pour le coup c’est le manga original qui est responsable, mais trente ans plus tard un effort de réécriture aurait pu être utile - d’autant que le scénariste Sôji Yonemura est une pointure du métier qui aurait pu éviter une conclusion aussi fade.

Ces éléments ne doivent en rien vous empêcher de regarder Kiseiju si vous en avez envie ; ce serait dommage de passer à côté d’un des seuls animes de SF intéressants de ces dernières années. Contrairement à bon nombre d’animes récents qui arborent le gore comme argument marketing, Kiseiju est une production sincère, issue d’un temps révolu où la violence n’était pas une fin mais un moyen de faire du divertissement de qualité pour jeunes adultes avertis. Pour moi qui place la réalisation au-dessus de toute autre considération, je ne citerais pas Kiseiju comme exemple ; mais pour ce qui est des récits d’horreur cet anime est d’ores et déjà devenu ma référence. 7,5/10

Verdict :8/10
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A propos de l'auteur

Deluxe Fan, inscrit depuis le 20/08/2010.
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