KYÔKAI SENKI — Keep It Real

» Critique de l'anime AMAIM Warrior at the Borderline par Deluxe Fan le
13 Juillet 2022
AMAIM Warrior at the Borderline - Screenshot #1

Entre deux comédies romantiques et quelques adaptations de shônen, cela fait du bien de se poser devant un petit anime de propagande nationaliste à destination du jeune public, surtout quand il y a des robots géants qui jouent à faire la guerre.

Avant de commencer, un peu de contexte. A la fin des années 90, d’anciens membres de Tatsunoko fondent le studio Xebec, en tant que filiale de Production IG. Rapidement ce studio se spécialise dans les animes de mechas et de science-fiction, et produira un catalogue notable en la matière avec par exemple Martian Successor Nadesico (1996), la licence Sôkyu no Fafner (2004-2019), Broken Blade (2010), ou encore l’exceptionnel reboot Uchu Senkan Yamato 2199 (2012). Des produits de qualité qui servent d’alternative aux productions de Bandai/Sunrise, qui attirent tous les regards grâce au prestige de la licence Gundam.

Malheureusement à notre époque, le mecha et la SF ne sont plus autant à la mode, et Xebec accumule les pertes financières. En 2018, Production IG met en vente le studio et l’acquéreur n’est autre que Bandai, trop content de mettre la main sur une des rares équipes encore capables de réaliser des séries de mecha. En effet, l’animation de mecha est un savoir-faire très particulier et qui devient de plus en plus rare, les studios se convertissant progressivement aux images de synthèse. Pour Bandai, qui compte profiter de la mondialisation et du streaming pour étendre la popularité de la franchise Gundam à l'international, il est crucial de sécuriser le maximum d’animateurs compétents pour produire des animes en masse. A vrai dire, ils étaient tellement motivés que le deal entre Prod IG et Bandai stipulait qu’en échange du studio, tous les copyrights des animes produits par Xebec seraient rétrocédés à leurs anciens propriétaires, ce qui est étonnant dans une industrie du divertissement où la propriété intellectuelle est l’élément le plus important ; mais cela prouve que les ressources humaines sont devenues l’enjeu principal dans le monde de la japanime.

AMAIM Warrior at the Borderline - Screenshot #2Une fois la vente réalisée, il apparaît clairement que Bandai n’a aucune intention de laisser Xebec évoluer de manière indépendante. En 2019, l’entité Xebec disparaît et le studio devient "Sunrise Beyond", autrement dit une annexe de Sunrise aux ordres des fabricants de jouets. Et l’anime qui va sceller cette nouvelle organisation, et donner le ton pour la suite, n’est autre que la série qui va nous intéresser aujourd’hui, Kyôkai Senki.

Dans le futur, le Japon s’est effondré à la suite de décennies de crise économique et démographique. Le gouvernement japonais défaillant a laissé son territoire aux mains de puissances étrangères qui se partagent l’archipel devenu un théâtre de guerre. Les belligérants utilisent des robots géants télécommandés appelés AMAIM pour s’affronter à distance et minimiser les pertes militaires, tandis que les civils vivent dans l’asservissement.

En 2061, le jeune Amô Shiina trouve par hasard un module d’intelligence artificielle extrêmement avancé qui se nomme Gai. En l’incorporant dans un AMAIM qu’il a lui-même construit sur la base de pièces abandonnées dans un hangar militaire, il obtient Kenbu, un mecha piloté de l’intérieur et bien plus puissant que les modèles standards utilisé par les forces d’occupation. Très vite, Amô et son robot deviennent des acteurs majeurs d’un conflit dont l’enjeu n’est autre que la restauration du Japon indépendant…

AMAIM Warrior at the Borderline - Screenshot #3Les intentions de la série sont transparentes dès le premier épisode. Le héros est un jeune adolescent solitaire, passionné de machines et de robots, qui a lui-même monté son mecha et qui se retrouve à le piloter pour libérer le grand Japon de l’envahisseur. Dès le départ la série nomme clairement son public cible et ne recule devant aucun cliché pour accrocher l’ado geek fan de robots, qui aurait le maquettisme comme hobby (l’anime utilise le terme japonais "shumi") et enrobe le tout dans un récit vaguement xénophobe parce que finalement ce qui réunit les enfants devant leurs écrans de télévision, c’est l’amour de la patrie et la défense de la culture japonaise contre ces chiens d’étrangers.

L’orientation de l’anime vers un public jeune l’oblige à quelques concessions, notamment au niveau de la violence ; les robots étant télécommandés, on peut les dézinguer en masse sans avoir à intégrer narrativement la perte des pilotes. La comparaison qui vient immédiatement à l’esprit c’est Iron-Blooded Orphans qui lui au contraire mettait en scène la violence de manière relativement explicite. On peut également noter la présence des IA sous forme de mascottes mignonnes qui suivent les personnages partout et font des blaguounettes pour détendre l’atmosphère entre deux opérations de libération nationale ; nul doute que les peluches de Gai et autres ne tarderont à pas à se placer près des maquettes du Kenbu sur les étagères du Bandai Store. Pareillement nous ne sommes pas exempt de quelques poncifs du genre avec le héros de seize ans sans entraînement ni expérience qui se retrouve à piloter l’engin dernier cri d’une organisation para-militaire sans que cela ne pose de problème à qui que ce soit mais ça à la limite ce n’est pas trop un souci, on a l’habitude on va dire.

AMAIM Warrior at the Borderline - Screenshot #4Au-delà de ces appels de pied commerciaux peu subtils, on se retrouve avec une série de real robot pas trop mal menée. D’une part, le script est bien rythmé ; à part un ou deux épisodes, tous les segments font avancer l’histoire et il n’y a pas de temps mort ou de passage à vide. La narration ne s’appesantit pas sur les détails, heureusement d’ailleurs, et on va à l’essentiel sans se perdre trop longtemps dans du character-drama larmoyant à la Eighty-Six par exemple. La contrepartie c’est que les personnages manquent d’épaisseur, genre la fille qui débarque à partir de l’épisode six et qui pilote une machine de guerre parce qu'elle veut faire de la poterie (?) on aurait pu l’éjecter du scénario cela n’aurait rien changé au cours de l’histoire, mais ce n’est pas trop un défaut dans ce type de série.

D’autre part, et c’est là que les choses intéressantes commencent, il y a beaucoup, beaucoup de robots à l’écran. Si vous êtes fan de mechas animés à la main, je dirais que Kyôkai Senki vaut le coup d’être vu simplement sur ce seul critère. Pour info l’anime est réalisé par Nobuyoshi Habara, ancien co-directeur de Xebec qui avait réalisé un certain nombre de leurs séries les plus connues - Fafner et Broken Blade notamment. Racheté par Bandai en même temps que son studio, il connaît son affaire lorsqu’il s’agit de mettre en scène des robots et il le montre ici (et puis j’ai rencontré M. Habara il y a quelques années à Japan Expo au moment de la sortie de Yamato 2202, il est très sympa comme gars). Pas moins de quatre mecha-designers sont crédités sur la série, parmi lesquels des noms connus de chez Sunrise tels que Kanetake Ebikawa ou Ippei Gyôbu. Pour entrer un peu plus dans le détail, on a droit à une certaine diversité dans le mecha-design puisque chaque faction utilise des machines différentes, les robots principaux ont évidemment un aspect très humanoïde dans la droite lignée de Gundam, tandis que les autres types de machines se rapprochent plus du tank bipède à la saveur bien real. Personnellement j’aime bien les mechas avec cet aspect anguleux, très "blocs", avec les articulations apparentes et ce genre de détails, donc pour moi c’est du caviar. Surtout, comme je disais, la série brille par la quantité proposée, il n’y a clairement que Sunrise et leurs affiliés qui peuvent aujourd’hui se permettre un anime de 25 épisodes avec du combat de robots 2D chaque semaine sans stock shots ou autres raccourcis.

Cet effort au niveau de l’animation des robots ne se retrouve pas nécessairement dans les autres aspects visuels de la série. Le character-design est franchement médiocre, et les décors laissent à désirer. En fait, dès que l’anime montre autre chose que des robots ça devient moche à regarder. En revanche niveau audio je remarque que l’OST est produite par le compositeur suédois Rasmus Faber, dont je me souviens parce qu’il avait aussi fait la musique de Gakuen Toshi Asterisk, une série de 2015 totalement naze mais avec un son sympathique, un peu dans le genre de Masashi Hamauzu pour ceux qui connaissent, en tout cas moi j’aime bien.

Ce qui est amusant c’est que les qualités énoncées plus haut sont surtout valables pour la première moitié de la série, intense en termes d’action et de progression narrative. La deuxième partie est plus restreinte au niveau des robots et se concentre bien plus sur les machinations politiques et autres séquences avec des vieux bonshommes qui discutent des affaires du monde sur Microsoft Teams. Ce qui est finalement plutôt pertinent dans une démarche de real robot, où l’idée c’est justement que ce n’est pas un gamin dans son robot tout seul qui va tordre la réalité.

Kyôkai Senki est ce que l’on appellerait dans le jargon une production de faible impact : un anime que personne n’attendait, que personne n’a regardé et que tout le monde a oublié dans l’instant qui a suivi le début de sa diffusion. Le fait de diffuser la série quelques mois avant le très attendu Gundam Suisei no Majô n’a probablement pas joué en sa faveur non plus. Pourtant, malgré ses aspects mercantiles voyants, et peut-être justement parce que cet anime n’a jamais vraiment eu la moindre prétention, Kyôkai Senki dégage une certaine sincérité dans sa proposition d’un real robot à l'ancienne.

Verdict :7/10
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A propos de l'auteur

Deluxe Fan, inscrit depuis le 20/08/2010.
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