Le coupable est un magicien.

» Critique de l'anime Rokka – Braves of the Six Flowers par Rintero le
20 Janvier 2017
Rokka – Braves of the Six Flowers - Screenshot #1

Le whodunit est un genre cérébral, très formaté, et souvent intimiste. Il demeure très accessible, surtout par sa tendance à s'expliquer de façon extensive. Il est crucial que le spectateur comprenne les tenants et aboutissants, d'où un terrain narratif souvent réduit. Il est rare que l'auteur fasse de la rétention d'informations cruciales , et en général les outils nécessaires à la résolution du mystère sont distillés tout au long du récit, faisant du whodunit une expérience aussi interactive que le format de l'oeuvre le permet.

Etant relativement prolifique, le versant moderne du genre a su évoluer , ayant tendance à se doter d'une structure narrative qui est un décalque peu ou prou de codes et techniques littéraires du genre, matérialisées souvent dans l'univers de l'oeuvre sous forme de "jeux" ( Un exemple parfait étant Umineko). Comprenez par là que les circonstances entourant le whodunit dans la diégèse sont le fait d'un personnage qui fait foi d'auteur dans l'univers restreint de l’œuvre et use consciemment de conventions du genre auquel le récit appartient. Cet aspect du genre a pour principale fonction de rendre moins visibles les ficelles narratives d'un genre qui peine à surprendre encore , en les attribuant à un personnage plutôt qu'à l'auteur. Le whodunit est donc très conscient de sa nature et codes, et n'hésite pas à s'en jouer, mettant parfois en scène des personnages eux même friands du genre en question.

Rokka – Braves of the Six Flowers - Screenshot #2Il y'a aussi la question des personnages. Element crucial, le sel même de ce genre d'oeuvre. Les acteurs du récit sont les catalyseurs de la tension , tous outre le détective doivent être des suspects potentiels pour les spectateur. Un contexte de huit clos ( étroitement associé au genre) est le parfait exemple d'une structure narrative dévouée à se focaliser sur un groupe de protagonistes en les isolant de tout élément extérieur. Limitant par la même occasion le nombre de données dont le spectateur doit tenir compte.

Cette introduction, un peu longuette a pour but de mettre en exergue ce qui à mes yeux constitue un exemple de bon whodunit, ce que Rokka no Yusha n'est pas.

Rokka no Yuusha est un mystère tout ce qu'il y'a de plus classique, incrusté dans un contexte de fantaisie franchement anecdotique. Comprenez prophéties, héros et rois démons. Le suc de l'animé est un whodunit qui s'agence au tour de la présence d'un traître dans un groupe de sept personnes qui, prophétie oblige, n'aurait dut en comprendre que six. Le tout se déroule dans un facsimilé de huit clos, une foret inextricable ( littéralement), rendu possible par la présence de magie dans l'histoire.

Rokka – Braves of the Six Flowers - Screenshot #3La magie est un élément qui, dans ce genre de récits, doit être géré avec parcimonie, retenue et subtilité. Le whodunit reposant fermement sur des bases de logique, offrir au spectateur un univers aux règles tangibles est primordial. Aussi si le fantastique peut créer un contexte, il ne doit jamais être une justification dont seul l'auteur comprend les rouages. Rokka no Yuusha trahit l’essence du genre par son usage malhonnête des " saints" . Des personnages touchés par la grace divine, aux pouvoirs incroyablement spécifiques ( il y'a un saint de la poudre à cannon) , que l'auteur ne s’embarrasse pas à expliquer, n'en définissant jamais les limites concretes. Si ça avait été qu'un gimmick à la con, un moyen un peu flashy de renforcer l'aspect fantastique de l'oeuvre , je n'en aurai pas tenu rigueur à l'animé. Malheureusement dans les faits, ce n'est ni plus ni moins qu'une facilité d’écriture et une insulte à l’intelligence de tout spectateur un tant soit peu intéressé. Au final la clé du mystère repose sur une donnée plus qu'ésotérique, inaccessible au spectateur, dont seul l'auteur connait l’existence. Une conclusion facile et malhonnête.

Rokka – Braves of the Six Flowers - Screenshot #4On constate également la propension de certains personnages à formuler des théories et à parvenir à des conclusions sans cheminement logique aucun. On pourrait presque entendre l'auteur souffler les réponses à ces protagonistes, faisant avancer l'intrigue de la manière la plus paresseuse qui soit. Sans oublier le pandering bien gras, dans sa forme la plus primaire et vide d’intérêt, un personnage se contentant de lâcher un laconique " c'est un mystère en chambre close". Un clin d'œil sous Parkinson, comme pour nous rassurer, nous faire comprendre que oui, on est bien devant un whodunit. Le talent est aux abonnées absent, les ressources intellectuelles et efforts d'écriture ont probablement été alloués au développement des personnages * insérer rires du public*.

J'ai donné du LSD à mon chat pour faire bonne mesure, et je suis presque sur que le résultat était moins erratique et confus que ce que certains se plairont à appeler "les personnages" de Rokka no Yuusha. Le terme " personnage fonction" trouve ici une place de choix, là ou toute forme de spontanéité se meurt. Les dialogues sont d'un vide troublant, ne nous apprenant quasiment rien , se payant à l'occasion le luxe de rendre les rapports entre protagonistes encore plus superficiels. Les premiers épisodes se résumant à des échanges dans la veine de :

Rokka – Braves of the Six Flowers - Screenshot #5- Je suis l'homme le plus fort au monde !
- Arrête tes conneries...
- Je suis l'homme le plus fort au monde !
- Ok. Je veux bien te suivre.

Je me suis retrouvé à suivre des coquilles sans âmes, agaçants, des trous noirs aspirant toute éventuelle empathie dont j'aurais put faire preuve à leur égard. Et à mesure que ma patience s'étiole, et que ma politesse prend la tangente, je ne peux que persifler, railler, pointer du majeur les incohérences les unes après les autres. Viens le moment magique ou on se rend compte que le setting lui même est forcé, que la seule raison pour laquelle les personnages se retrouvent coincés dans un huit clos est le fait d'une écriture médiocre, qui met en scène les héros d'un monde, vaisseaux de la bénédiction divine, qui décident en leur âme et conscience de tous se diriger au seul endroit de la planète ou ils pourraient se retrouver enfermés indéfiniment, scellant l'avenir funeste du monde.

Viens ensuite le moment encore plus magique de la révélation finale, une aberration qui confine au retcon. On cherche la bouteille de la main, on cherche à noyer son incrédulité, quand en vers et contre tout, dans une tentative à peine voilée d'assassinat du bon sens, l'animé fier, le torse bombé nous révèle que le mystère entier s'était en fait agencé au tour d'un événement complètement aléatoire, que seul un être omniscient aurait put prévoir. Tournant même la base de l'intrigue en ridicule, lors qu’est révélé *Spoiler* que le guide officiel pour fuir la forteresse que personne ne peut fuir était caché sous l'escalier depuis le début *Fin du Spoiler* ; avant de clore l'animé sur un retour au statut quo, un aveu de faiblesse d'une oeuvre formatée et stérile, qui a défaut d'accomplir quoi que ce soit, décide de tourner en rond.

Rokka no Yuusha essaye de profiter de la simplicité apparente des codes du whodunit. Une poignée de personnages, un contexte restreint, le rêve de tout auteur aux considération cyniques, conscient que le genre du mystère a vite fait de stimuler l'auditoire. Facilité sur facilité, l'animé attend de son spectateur qu'il reste passif et tende la joue, tout effort de reflection proscrit si on veut protéger ses petits yeux de la difformité du récit, et les tares fallacieusement justifiées à coup de "ta gueule c'est magique". Il n'est même pas question ici d'un produit fast food, cette dose facile de fun qu'on se retrouve tous à apprécier de temps en temps, un plaisir simple certes, mais qui ne laisse pas un gout amer dans la bouche. Rokka no Yuusha a été pour moi une expérience désagréable, de ces oeuvres qui font relativiser.

Verdict :2/10
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A propos de l'auteur

Rintero, inscrit depuis le 31/08/2016.
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