LE ROI CERF — The Last of Anime

» Critique de l'anime Le Roi Cerf par Deluxe Fan le
07 Mai 2022
Le Roi Cerf - Screenshot #1

En matière de films d’animation plus que dans tout autre branche de la japanime, la qualité ne vient pas de nulle part. Il faut déjà tellement d’ambition et de travail pour parvenir à produire un film, il en faut encore plus pour produire un bon film ; un niveau de talent qui n’est pas à la portée des premiers venus.

Dès son annonce Le Roi Cerf (Shika no Ô) a immédiatement attiré mon attention. Le film est réalisé chez Production IG, un de mes studios préférés, sur une adaptation d’un roman de Nahoko Uehashi ; auteure bien connue des fans de fantasy avec Kemono no Sôja Erin et - surtout - Seirei no Moribito qui furent également produits par Prod IG il y a une quinzaine d’années. Fait rare en animation japonaise, le film a deux réalisateurs (et non pas un seul comme marqué sur l’affiche française) ; Masashi Andô et Masayuki Miyaji. Les deux bonhommes ont un sacré parcours dans leurs domaines respectifs, avec pour point commun d’être tous les deux passés par Ghibli : Andô fut directeur de l’animation sur Princesse Mononoke, tandis que Miyaji se révéla lorsque Miyazaki le nomma assistant réalisateur sur le Voyage de Chihiro. Les deux hommes ont chacun une carrière longue comme le bras qui va bien au-delà de Ghibli mais dans le cadre de leur collaboration sur ce film spécifiquement, c’est cette influence qui ressort en priorité.

Le Roi Cerf - Screenshot #2Il faut admettre que les premières secondes du long-métrage font peur, puisqu’il s’ouvre sur des écrans de texte qui expliquent les tenants et aboutissants de la lutte entre le Royaume de Machin et l’Empire de Bidule dont on a rien à faire à ce stade du film puisque ça n’a même pas encore commencé. La suite est bien plus engageante puisque les dix minutes qui suivent débutent l’intrigue avec quasiment aucun dialogue, ce qui est toujours remarquable. L’histoire se déroule dans le Royaume d’Aquafa, qui depuis plusieurs décennies vit sous la coupe de l’Empire de Zol qui exerce un pouvoir sévère. Les rébellions sont durement réprimées et la culture de l’Empire remplace peu à peu les traditions locales. Un jour, une maladie étrange commence à toucher la population zolite, qui la met sur le compte d’une malédiction. Un médecin travaillant pour l’Empire, Hoshalle, est dépêché pour enquêter sur l’épidémie et trouver un remède. Pendant ce temps, un ancien soldat nommé Van et une orpheline appelée Yuna parviennent à s’échapper d’un camp de prisonniers décimé par la peste. Ces deux individus semblent immunisés ; seraient-ils la clé pour vaincre le Mal ?

Le Roi Cerf - Screenshot #3Ce qui intéresse en premier lieu avec un film tel que celui-ci ce sont les visuels et de ce point de vue le contrat est rempli. C’est moins flamboyant qu’une production purement axée sur la performance technique telle que Les Enfants de la Mer par exemple, mais en termes de constance et de précision on n’aura pas vu grand-chose de mieux ces derniers temps. L’héritage de Ghibli est pleinement assumé que ce soit dans le chara-design rondelet, le choix des couleurs, et le refus total des images de synthèse qui sont pratiquement invisibles à l’écran. Les nombreux animaux et créatures sont tous animés à la main ce que je trouve toujours impressionnant, et l’animation des personnages a ce côté "lourd" et réaliste typique du style de Production IG que j’apprécie particulièrement. Seul point un peu en deçà ce sont les décors assez banals qui ne rendent pas forcément bien la grandeur de cet univers de fantasy.

Au niveau narratif on comparera forcément à Princesse Mononoke, ce qui est sans doute trop facile mais qui en l’espèce justifié car Le Roi Cerf ne cache pas vraiment ses influences, et le choix dès les premières minutes de mettre en scène la maladie sous la forme d’une boue violacée qui avance à pleine vitesse est un emprunt visuel tellement puissant qu’il place le reste du film, pour le meilleur et pour le pire, sous l’ombre de son illustre modèle. Long de deux heures, ce qui est élevé pour de l’animation au cinéma, le film propose plusieurs strates de scénario qui se mêlent et se chevauchent ; la quête personnelle de Van et Yuna, celle du médecin Hoshalle qui cherche le remède et au-dessus de tout cela les intrigues politiques qui mettent l’histoire en mouvement. Le récit est bien mené et le scénariste expérimenté Taku Kishimoto (Erased, Joker Game, 91 Days) est parvenu à adapter le roman qui faisait deux volumes à la base en un film solide et pas trop laborieux à suivre. Les principaux protagonistes sont notamment bien écrits et j’aurais aimé en voir plus sur Saé, la mystérieuse chasseuse qui est pour moi le personnage le plus intriguant du film malgré son temps d’écran limité. Le dénouement du film est plutôt intelligent et les dix dernières minutes sont excellentes et terminent le récit avec élégance.

Ce qui manque finalement à ce film c’est ce souffle épique qui aurait pu le faire passer dans la catégorie au-dessus. Un film comme Princesse Mononoke je peux le revoir une dizaine de fois je ne le trouverais jamais ennuyeux car en plus d’être une fable écologiste c’est un vrai film d’aventure avec de l’action et des combats. Le Roi Cerf c’est aussi de l’aventure mais c’est plus posé, plus dans la retenue, il n’y a pas de kaiju qui débarque à la fin pour tout détruire. C’est amusant parce que c’est à peu près ce que je pense de Seirei no Moribito, série considérée comme un des meilleurs animes de tous les temps mais qui ne m’a jamais vraiment marqué au-delà de ses évidentes qualités visuelles et narratives. Des qualités que Le Roi Cerf reprend quinze ans plus tard, dans un paysage de l’animation japonaise bien différent où la production pléthorique noie les efforts les plus ambitieux sous des vagues de médiocrité. Si vous recherchez un film qui rappelle cette époque de la japanime pleine de promesses, n’hésitez pas à accorder au Roi Cerf un peu de votre temps. Parce que vu la fréquentation de ma salle de cinéma, c’est pas le grand public qui le fera. 7,5/10

Verdict :8/10
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A propos de l'auteur

Deluxe Fan, inscrit depuis le 20/08/2010.
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