Mythologie épique d'un futur révolu!

» Critique de l'anime Ginga Eiyû Densetsu par Cyann le
30 Juillet 2014
Ginga Eiyû Densetsu - Screenshot #1

Si j'avais un Dieu, j'irais le voir dans une église et je le remercierais pour m'avoir mis sur le chemin de cette série aux proportions anthologiques! Rien que ça! Oui oui! Gingan Eyuu Densetsu (GeD pour les intimes) est une fresque surpuissante comme l'animation en a rarement produite. Je vais pas me la jouer historien des codes de la japanimation mais il me semble raisonnable d'affirmer qu'elle est en partie responsables du succès des space-opera aujourd'hui. Ici, point de critique, juste de l'admiration. Ce sera partial et sans doute un peu exagéré, mais quand on évolue dans un désert de créativité, le simple verre d'eau devient une oasis luxuriante. Quoique dans ce cas-ci, on est au-delà du "simple" verre d'eau.

Généralement, j'aime contextualiser mes critiques en mettant en perspective la série vue avec les autres produites par les même auteurs. Problème générationnel oblige, je ne vais pas pouvoir développer autant que je souhaiterais cette partie. Je ne connais rien du réalisateur, ni de l'auteur.

Peu importe, il reste tellement de choses à dire que l'on pourrait écrire plusieurs pages au sujet de GeD. Il s'agit ici d'une très longue série sortie sous forme d'OAV et dont la création, en me basant sur mes collègues critiques, a été particulièrement difficile. Cela est peu étonnant tout bien considéré, il s'agit d'une série aux ambitions énormes adaptant un livre qui, sans nul doute, doit être excellent. Comme il y a beaucoup à discuter, je scinderais cette critique en deux parties : l'une abordant les aspects techniques (animation, design etc), l'autre se concentrant sur les particularités scénaristiques, de genre, voire de mise en scène.

Ginga Eiyû Densetsu - Screenshot #2Les aspects techniques

L'animation a proprement parler n'a pas tant vieilli que ça. Si l'on y regarde bien, c'est le format et le manque de fluidité, parfaitement logique quand on considère l'époque, qui peut heurter les yeux les plus sensibles. En soi, l'animation est tout de même bien faite. Mais ce qui détone c'est certainement le design. Il y a ici un véritable travail pour mettre en œuvre une opposition claire et une distinction aisée entre les flottes, le chara-design, les vêtements de chaque faction. Il ne s'agit pas seulement d'une distinction purement technique pour aider les yeux du spectateur, c'est un design pensé pour être symbolique. L'empire et la monarchie sont représentés sous des formes élégantes et très codées, il y a un certain esthétisme inhérent à toute forme de noblesse. Pendant les beaux jours de cette dernière, l'ensemble est lumineux et très coloré. Les vaisseaux sont identifiables par leurs structures plus fines que celles de la République. Cette dernière est particulièrement codifiée également, les uniformes rappelant clairement ceux de notre époque actuelle. Les vaisseaux sont plus bruts et semblent plus tirés d'un futur usé. L'opposition du design est admirable car elle est régulière et cohérente. Mais là où la série fait fort, c'est d'opérer une distinction magistrale dans les thèmes musicaux. La grande majorité étant des morceaux de musique "classique". Je ne suis pas un mélomane accomplit, donc je ne saurais aller dans les détails, mais quand on s'y penche de plus près, les choix de musique et d'auteurs pour chacune des factions n'est pas innocent. La musique classique apporte donc du volume à une série déjà bien gonflée par elle-même. Les choix sont pertinents, tellement qu'il s'agirait presque d'un cas d'école, tout est à sa place et apparaît au bon moment! Certains thèmes sont plus marquants que d'autres mais on apprend à les identifier pour finalement compléter l'ambiance d'une scène. Les doubleurs et tout particulièrement la voix off, sont vraiment investis dans leur travail et font vivre ces personnages malgré une lip-sync parfois bancale.
Dans l'ensemble GeD est une série fort bien présentée, le design est finalement de toute beauté, l'animation propre et évoluant positivement au fil des années, le chara-design est kitch mais il convient de replacer cette série dans son contexte (héééé ouai, les années 1980, question chevelure, c'était pas le top!).

Ginga Eiyû Densetsu - Screenshot #3Les aspects scénaristiques

J'étais subjugué pendant l'ensemble de la série. Quoique la série souffre de petits temps morts à certains instants, la complexité de l'univers développé a dû poser un problème critique. Il faut bien comprendre que garder un univers de personnages, fonctionnant en galaxies se rencontrant de temps à autres et influençant sur la course de chacun tout en gardant une cohérence exemplaire tient du miracle. Les avantages d'un format long tel que celui-ci consistent principalement dans la possibilité de développer largement et d'amener suffisamment de complexité. Les inconvénients? On peut s'y perdre. Alors oui... Il s'agit de l'adaptation d'un livre, mais je suis, à peu de choses près, certain qu'ils n'ont pas copié page par page ledit bouquin. Il est facile de se perdre, d'introduire des bugs dans la matrice et de ne pas pouvoir les corriger à posteriori. Certaines séries sont incapables de tenir la cohérence en seulement 40 minutes (Black Rock Shooter, on parle de toi là!), alors 110 épisodes, c'est une sacrée tâche. Elle a été exécutée avec brio. Je suis plutôt à cheval sur ces questions-là, la cohérence interne du récit doit être prioritaire, quitte à perdre en divertissement. Les créateurs l'ont très bien compris et ont été capable de donner à un récit épique, un réalisme scénaristique, une construction carrée et finalement une cohérence qui servira de base pour développer des intrigues complexes mais pas inaccessibles.

Ginga Eiyû Densetsu - Screenshot #4Les intrigues... Me voilà diplômé d'un Master 2 en Science politique, vous comprenez je suppose pourquoi je suis autant porté sur l'aspect scénaristique de cette série. J'ai envie de crier au génie. A de nombreux égards, la construction est tout de même classique mais fortement bien amenée. La complexité géopolitique de cet univers est très travaillée, et finalement très mature. Il ne s'agit pas d'opposer un camp à l'autre, en attachant à l'un la notion de bien ultime, et l'autre celle de mal absolu. Le récit est tout en nuance et les personnages principaux rappellent constamment la complexité des choix politiques et stratégiques à venir. Ils n'échaudent pas une complexité superficielle pour autant. Ils rappellent simplement qu'il n'y a pas de choix idéologique acquit et préférable dans l'absolu à un autre. Chaque régime et faction dispose de ses propres atouts. Seule la corruption est érigée en mal suprême et font partie des points que chaque leader chasse avec férocité. Et finalement, tout l'intérêt de GeD consiste en cela. Outre le développement maîtrisé et l'intérêt des batailles spatiales particulièrement stratégiques, il s'agit d'une fresque qui vise à nous faire comprendre comment deux généraux et dirigeants, aux motivations finalement semblables, choisissent deux voies particulièrement différentes.

Ginga Eiyû Densetsu - Screenshot #5Ce message passe si bien notamment grâce à la mise en place d'un univers riche et profond. Les épisodes historiques aux tonalités de documentaire, les informations données ici ou là permettent de comprendre l'ampleur de la causalité et de s'immerger d'autant plus efficacement dans cette grande guerre qui oppose deux clans finalement plus convergents que divergents. C'est sans aucun doute là une véritable Histoire. Il y a un passé qui explique le présent, et un enjeu pour le futur. Il existe des points stratégiques majeurs, des négociations et des complots... Bref, tout ce qu'il faut pour créer une ambiance, une atmosphère, une notion d'enjeu, et finalement une dimension parfaitement épique à l'ensemble du récit.

Conclusion

L'un des intérêts de la Science-Fiction, comme genre intelligent, est de développer un propos sur le présent. Ce que les auteurs tentent ici, c'est d'entamer à la fois une fresque aux proportions épiques et mythologiques tout en donnant une vision sur le pouvoir et l'agencement de ce dernier. La véritable intelligence de GeD cela dit, consiste dans sa capacité à ne pas vouloir systématiquement répondre aux questions qu'elle pose. L'ampleur de ces dernières est trop grande pour pouvoir tenter d'apporter une réponse sans que les créateurs ne se fourvoient dans leur démarche. Nous réfléchissons d'autant plus sur les bienfaits de la démocratie, notre emprise dans le cadre d'un système représentatif, et sur les méfaits de la monarchie et l'habileté des leaders, dans un cadre autoritaire à diriger une nation. C'est un sujet éculé, peut-être trop discuté, mais cela garantit à cette série d'entrer dans la cour des grands. Non seulement parce qu'elle n'est pas radicale dans son approche, mais également parce qu'elle tente d'aller aux fonds des choses pour apporter des nouveaux questionnements. En fin de compte, ne pourrait-on pas voir dans GeD une simulation d'évolution politique?

Ginga Eyuuu Densetsu est un animé majeur, autant dans la Science-Fiction, que dans l'animation en général. A de nombreux égards, et quoique que classique, il s'agit là d'une série qui fait figure de cas d'école par sa maîtrise et sa complexité abordable (qui est habituellement un oxymore). En possession de plus de moyens techniques, elle serait d'autant plus magistrale. Mais on l'aime comme elle est. Grandiose. Magnifique. Épique. Magistrale. Et surtout : Intelligente!

Verdict :10/10
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A propos de l'auteur

Cyann, inscrit depuis le 28/07/2010.
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