STONE OCEAN — Les portes du pénitencier

» Critique de l'anime JoJo's Bizarre Adventure : Stone Ocean par Deluxe Fan le
23 Décembre 2022
JoJo's Bizarre Adventure : Stone Ocean - Screenshot #1

Stone Ocean est la sixième partie de la saga JoJo’s Bizarre Adventure, que l’auteur Hirohiko Araki a publié au début des années 2000 dans le Weekly Shônen Jump pour un total de dix-sept tomes. Il s’agit d’une partie importante de la saga puisque c’est la dernière située dans la continuité originale de l’histoire, et vient apporter la conclusion au combat séculaire entre Dio et la lignée des Joestar. Pour la version anime de David Production, c’est également le point culminant de leur entreprise inouïe d’adaptation complète de Jojo, un projet débuté il y a bientôt dix ans et qui a vu une des franchises majeures du manga passer d’un statut de petite série culte à phénomène international.

Le héros, ou plutôt l’héroïne est Jolyne Kujo, la fille de Jotaro et héritière de la famille Joestar. Toutefois comme nous sommes dans un manga japonais, le père est évidemment absent et Jolyne doit se débrouiller toute seule sans réellement connaître le destin de sa famille. Les choses tournent mal lorsqu’elle est impliquée dans un accident de voiture meurtrier et se retrouve accusée d’homicide. Condamnée à quinze ans de prison ferme, Jolyne est incarcérée à Green Dolphin, le pénitencier le plus sécurisé du sud des Etats-Unis. Ce ne sont pourtant que le début des ennuis pour Jolyne qui va devoir faire face, outre l’environnement oppressant et brutal de la prison, à des attaques régulières de Stands mystérieux…

JoJo's Bizarre Adventure : Stone Ocean - Screenshot #2Stone Ocean fait suite aux parties précédentes et de manière plus directe que Diamond is Unbreakable ou Vento Aureo dont les intrigues étaient relativement déconnectées. Des personnages tels que Jotaro Kujo, la fondation Speedwagon ou même Dio ont une grande importance et le récit est autant une suite qu’un épilogue à tout ce qui précède. Un point intéressant lorsque l’on place Stone Ocean en perspective avec les parties précédentes est la manière avec laquelle Araki structure ses histoires ; dans Stardust Crusaders on avait un récit de voyage avec les personnages qui vont du Japon vers l’Égypte pour affronter leur ennemi, tandis que l’action de Diamond is Unbreakable est exclusivement située dans la ville de Morioh, puis Vento Aureo revient à un récit de voyage avec les personnages qui font le tour de l’Italie. Stone Ocean revient vers une unité de lieu puisque l’essentiel du scénario est enfermé dans la prison de Green Dolphin, même si le dernier tiers de la série ouvre vers le reste de la Floride. C’est assez amusant et sans spolier la suite de Jojo, cette alternance de structures narratives se poursuit dans les parties suivantes.

JoJo's Bizarre Adventure : Stone Ocean - Screenshot #3Un autre élément important dans Jojo est l’hommage au cinéma de genre. Que ce soient dans les premières parties faisant référence à l’esthétique gothique et aux films de vampires et de monstres en général, puis DiU et son ambiance Twin Peaks, puis Vento Aureo et ses histoires de mafieux, Araki puise dans diverses catégories du cinéma pour alimenter son écriture. Stone Ocean est ainsi clairement inspiré par le film carcéral, un genre à part entière dont les représentants célèbres seraient Shawshank Redemption, La Ligne Verte et plus récemment Prison Break ou Un Prophète. La prison est un terrain idéal pour écrire du shônen de baston, quel meilleur moyen de réunir au même endroit des personnages qui doivent se battre pour leur liberté. Et comme on peut s’y attendre de la part de Araki les choses ne sont pas faites à moitié, les tenants et aboutissants de Green Dolphin sont dûment explorés avec des scènes attendues comme la fouille, le parloir, la promenade, les repas, l’isolement, le quartier haute sécurité… Certes c’est Jojo donc c’est profondément absurde mais Stone Ocean est peut-être finalement un des animes les plus recherchés en ce qui concerne l’univers carcéral, sujet que la japanime n’aborde pratiquement pas.

JoJo's Bizarre Adventure : Stone Ocean - Screenshot #4Tout ça c’est bien mais Jojo c’est d’abord et surtout les combats, qui forment la matière première de la série. Dans la veine des parties précédentes, on a droit à des affrontements de pouvoirs toujours plus étranges et farfelus, dans un style qui place l’œuvre d’Araki dans un genre à part. Bien que les séries de shônen inondent nos écrans comme rarement, aucun ne propose quoi que ce soit de similaire à Jojo’s Bizarre Adventure, en particulier Stone Ocean qui va particulièrement loin dans le WTF plus on avance dans la série. Le mec qui fait tomber des météores de l’espace directement sur ta gueule, celui qui utilise le feng-shui pour te taper sans que tu puisses l’éviter, l’autre qui déterre des souvenirs de crash d’avion pour te coincer dedans (???) et ainsi de suite jusqu’à un final dantesque, je dirais même cosmique, qui met un point final à l’histoire de Dio et des Joestar de manière élégante et qui marque autant pour ce qu’il raconte que pour ce qu’il laisse en suspens, comme le prouvent les débats qui secouent la commu Jojo depuis presque vingt ans maintenant.

JoJo's Bizarre Adventure : Stone Ocean - Screenshot #5Des combats servis par des personnages toujours aussi charismatiques, en particulier Jolyne qui est sans doute l’héroïne avec le plus de personnalité jusqu’ici dans la saga ; le fait d’avoir un protagoniste féminin dans une série de genre est assez rafraîchissant pas uniquement dans Jojo mais dans le shônen en général, genre qui a évolué sur pas mal de points mais pas là-dessus manifestement. Araki a également retenu la leçon concernant l’antagoniste principal, plutôt que de l’introduire à cinq épisodes de la fin comme dans Vento Aureo il a repris la recette de DiU en introduisant le méchant assez rapidement pour bien installer la menace sur le long terme, ce qui fonctionne quand même mieux d’un point de vue narratif.

Là où les choses sont un peu moins réussies c’est l’animation et la réalisation de manière générale ; non pas que Stone Ocean soit mal produit, bien au contraire, mais Vento Aureo était tellement exceptionnel en termes de direction de l’animation et de chara-design que Stone Ocean ne peut que redescendre d’un cran. Ou alors c’est simplement le choix de revenir à ces immondes openings en images de synthèse que les fans adorent pour on ne sait quelle raison alors que le génériques de DiU et Vento Aureo en animation traditionnelle étaient si incroyables. Et ne parlons pas de la diffusion par N****** qui balance les douze premiers épisodes fin 2021, les douze suivants dix mois plus tard et les derniers trois mois après, personne n’a rien compris.

Nous en avions déjà parlé, mais regarder Jojo's Bizarre Adventure en 2022 est une expérience très amusante pour ceux qui s’intéressent et étudient le shônen de baston, genre actuellement dominant dans la japanimation. Dans un genre aussi codifié et rigide, où les « codes » du shônen sont tellement identifiables que n’importe qui peut les repérer, Hirohiko Araki a créé une œuvre qui n’appartient qu’à lui, indépendante des structures et des archétypes, un pur exercice de style et d’écriture si intrinsèquement attaché à l’esthétique de l’auteur que ceux qui essaieraient de lui rendre hommage sont obligés de passer par la référence directe (la fameuse « Jojo reference ») car Araki ne peut pas être imité, il ne peut qu’être cité. Jojo survole le genre et n’a pas d’autre concurrence que lui-même, car Jojo ne cherche pas à être à la mode, c'est la mode qui cherche à être Jojo.

Verdict :8/10
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A propos de l'auteur

Deluxe Fan, inscrit depuis le 20/08/2010.
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