Un amour de sorcière

» Critique de l'anime Maria, Sorcière De Gré, Pucelle De Force ! par Nakei1024 le
03 Avril 2015

Au milieu des titres de ce premier trimestre 2015, JnM s’est rapidement démarqué du lot. Difficile effectivement de le ranger dans une catégorie spécifique : avait-on affaire à un récit fantastique, une comédie, une simple romance ou même une production ecchi (avec des personnages apparaissant en tenue légère à l’écran) ? Il est vrai que sur les premiers épisodes, nombreux ont été ceux à rester perplexes, ne sachant pas vers où l’histoire allait les emmener et si l’anime même vaudrait le coup d’être visionné jusqu’à la fin. Et le synopsis de base, plus taillé pour une comédie un peu WTF qu’autre chose n’aidait pas non plus.
Sans faire durer le suspense plus longtemps, j’annonce que JnM est à mes yeux un drame humain prenant place dans une période trouble de l’Histoire de France (la guerre de 100 ans), saupoudré malgré tout d’une bonne dose d’humour et de légèreté. On évitera néanmoins certaines facilités comme le fan service ou le racolage bas de gamme, tout au plus un peu de blasphème ici et là, mais parfaitement intégré à l’histoire.

L’héroïne principale, Maria, est une « jeune » (en apparence, mais en réalité ?) sorcière qui, lassée de voir la guerre s’éterniser et les batailles charrier leur lot de morts et de blessés, a décidé de prendre les choses en main pour apporter la paix. Désormais, elle utilise ses pouvoirs pour perturber le champ de bataille en invoquant tout un carnaval de créatures surnaturelles pour effrayer les armées et leur faire abandonner les armes avant que le sang ne soit versé. Par ailleurs, elle fait appel à 2 serviteurs dont le rôle sera de s’attaquer directement aux généraux en les détournant de leur mission par les plaisirs de la chair (« faîtes l’amour pas la guerre »), auxquels elle ne connait par ailleurs pas grand-chose…
Mais bien entendu, avec près d’un siècle de conflits ininterrompus, nombreux sont ceux qui voient une telle action d’un mauvais œil. Il y a d’abord les guerriers, mercenaires ou nobles qui craignent de perdre leur poste (plus la gloire et le salaire qui vont avec) si la paix venait à être signée. Forcés à l’inaction, certains ne tardent pas à former de bandes de maraudeurs attaquant les villages des environs laissés sans défense, pour piller et s’en prendre à la population.
Puis viennent les ecclésiastiques, que la simple utilisation de la magie fait bouillir de colère, car elle est un affront à leur foi et risquerait de détourner la population de l’église. Il faut dire que les pouvoirs et les connaissances des sorcières (davantage basées sur la logique, la raison et les sciences) risqueraient de remettre en cause les dogmes établis, et la mainmise sur le contrôle du petit peuple. Et quand en plus certains remèdes s’avèrent plus efficaces que les prières, ça la fout mal…
N’oublions pas les autres sorcières qui, comme les mercenaires, retirent du conflit de nombreux avantages, principalement financiers. Mais contrairement aux catégories nommées plus haut, elles ne tiennent pas vraiment rigueur à Maria pour ses actes, bien qu’on sente une certaine lassitude. Elles préfèrent utiliser pouvoirs à des fins plus personnelles, et s’efforcent de faire profil bas quand la situation devient tendue, craignant malgré tout la colère des hommes comme celle des dieux.
Enfin, il y a les anges dont l’émissaire (Michaël) commence à se lasser de voir une simple mortelle perturber « l’ordre naturel du monde ». Avec eux, le problème est similaire à celui de l’église : beaucoup de grands discours et de dogmes, mais finalement peu d’actes pour réellement améliorer les choses (malgré les prières et les suppliques). Là encore, on sent que c’est surtout une affaire de pouvoir, perturbé par l’arrivé du grain de sable nommé Maria.

Il faut dire que celle-ci est un vrai électron libre, refusant de se laisser dicter sa conduite par qui que ce soit (y compris Dieu le père ou ses serviteurs les plus fidèles), prête à tout pour suivre ses convictions quel que soit le risque encouru, même si cela doit lui coûter la vie. Bref, la première anarchiste de l’Histoire…

Mais au final, quelle est la raison de ces actes ? Que cherche à obtenir ou à prouver Maria en agissant de la sorte ? La paix, la gloire, un changement de société, l’approbation de ses pairs, combler un manque de compagnie ? Le sait-elle seulement ?
Alors que les autres protagonistes suivent chacun un but précis et se donnent les moyens d’y parvenir dans leurs domaine de prédilection, quand on lui pose la question, elle peine à trouver ses mots et ressort presque systématiquement les mêmes réponses (lesquelles sont plus de nouvelles questions accusatrices). C’est au fil des épreuves et de ses rencontres qu’elle finira par trouver la réponse, sans jamais se répartir de son attitude et de sa répartie toujours cinglante.

Un autre thème récurrent de l’anime est celui de la sexualité. Il y a bien entendu le dilemme auquel Maria se retrouve confrontée, à savoir : ses pouvoirs ou sa virginité.
Mais même sans cela, on sent qu’il s’agit d’une question qui ne cesse de lui trotter en tête depuis pas mal de temps. Comme tout être vivant, la jeune femme connait elle aussi le désir. Mais sa vision de la sexualité est trouble, et son entourage ne l’aide pas vraiment à comprendre de quoi il s’agit réellement.
Ses serviteurs (surtout Artemis, Priapus ayant quelques soucis matériels) ne voient cela que comme le travail qui leur revient, et n’hésitent pas à recourir à des pratiques peu orthodoxes, voire carrément extrêmes.
Les autres sorcières possèdent de toute évidence des mœurs assez légères et sautent d’une aventure à l’autre dans le seul but de satisfaire leur propre plaisir, sans chercher à approfondir leurs relations.
Et sur le champ de bataille, Maria à probablement dû voir les sévices infligés aux captives tombant dans les griffes des soldats. Dans l’épisode 1, elle fait d’ailleurs une description assez détaillée de certains examens auxquels dut se soumettre Jeanne d’Arc.
Avec de tels exemples, il apparait difficile d’espérer pouvoir vivre une sexualité épanouie.

Attardons-nous maintenant sur les autres personnages. Artémis et Priapus sont d’anciens oiseaux nocturnes transformés en succubes et incubes pour remplir une tâche spécifique sensée aider Maria dans ses plans. Ils sont à ses ordres et la soutiennent en cas de coup dur, mais leur rôle ne va pas vraiment plus loin.
Plus intéressante, Ezekiel est un ange au service de Michaël, envoyée pour surveiller Maria et l’empêcher d’utiliser sa magie. Avec sa petite taille, son physique enfantin et les 2 autres serviteurs qui lui mettent des bâtons dans les roues, la pauvre aura fort à faire. D’abord suivante aveugle des ordres divins et des dogmes de l’église, son jugement va évoluer au fur et à mesure qu’elle découvrira la réalité des combats et s’attachera à Maria, jusqu’à se retrouver en position de choisir ou non de s’opposer directement à son supérieur.
Viennent ensuite Joseph et Garfa, 2 soldats qui se rencontrent sur le champ de bataille. Plus proches qu’on pourrait le croire, ils poursuivent des buts finalement très proches, mais qui vont finir par s’affronter pour arriver à leur terme. Si le premier, encore un jeune page, va devoir prendre son courage à 2 mains pour avancer, le second, un mercenaire vétéran, n’hésitera pas à se salir les mains, aussi bien en tuant qu’en remplissant des missions que l’on ne pourrait confier à d’autres. Les 2 hommes entretiennent une relation cordiale, mais sur le champ de bataille, il peut arriver que certaines rivalités prennent le pas et ne finissent en affrontement.

Techniquement, l’anime présente un travail de qualité. Pour commencer, l’animation est propre et propose de belles séquences, tandis que la musique accompagne correctement les différentes situations mises en scène.
Mais c’est surtout sur la représentation de cette France du moyen-âge qu’une attention particulière a été consentie. On sent que les réalisateurs ce sont correctement documentés avant de sortir les épisodes. Ainsi les tenues des personnages (si on met de côté les sorcières et les anges) correspondent à peu près à l’époque, de même que l’architecture ou l’armement possédé. Un exemple tout con : les Anglais tirent à l’arc, alors que les Français n’hésitent pas à recourir à l’arbalète (malgré les interdits de l’église). On voit également les premières « bouches à feu », ancêtres grossiers des canons, arquebuses et autres armes à poudres.

Pour conclure, voilà un anime intrigant pour lequel je me suis d’abord demandé s’il allait parvenir à maintenir mon intérêt jusqu’à sa conclusion, et la réponse est bien entendu : oui.
L’histoire est bien ficelée et relativement mature, les personnages attachants et la réalisation plus que convenable.
On n’est pas forcément dans du grand spectacle avec une mise en scène dantesque, mais l’ensemble reste de très bonne facture pour séduire le public.
Pour moi, c’est une des bonnes surprises de ce début 2015.

Verdict :8/10
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A propos de l'auteur

Nakei1024, inscrit depuis le 05/01/2007.
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