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Otogi Matsuri - De l'Onmyodo à la Bruce Willis.

» Critique du manga Otogi Matsuri par Rydiss le
10 Août 2011

On m'a souvent répété ce vieil adage que tout le monde connait :"l'habit ne fait pas le moine". C'est pourquoi, malgré les couvertures qui m'avaient tapé dans l'œil, j'ai mis du temps à me procurer ce manga. Je l'avais feuilleté, le dessin m'avait bien accroché, mais le synopsis ne m'inspirait guère : des lycéens, des monstres, et une sorte de tournoi. Bref, cela s'annonçait comme une œuvre banale, portée par une bonne réalisation, mais est-ce que cela valait la peine de débourser mon argent? Finalement, après lecture, on peut dire que oui.

Otogi Masturi est un bon manga de divertissement, disons le tout de suite. Pour être tout à fait honnête, il est même supérieur à une grande majorité de mangas concourant dans la catégorie "fantastique et baston". Et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord, il s'achève en douze volumes. Certains diront que nous n'en avons rien à faire, mais pour ma part, c'est un critère important : déjà, vous n'aurez pas à débourser plus de 200 euros comme pour Détective Conan. Mais surtout, pour un manga d'action, cela signifie qu'un combat ne s'étalera pas sur plusieurs volumes. Et donc que l'on a une chance d'avoir une histoire au rythme agréable. Coup de chance, c'est exactement cela.

Notre bébé commence bien comme il faut, classiquement : un groupe de lycéens s'amuse dans un temple, jusqu'à ce que l'un d'entre eux brise un petit autel contenant une force mystérieuse qui s'infiltre en lui. Il obtient ainsi la capacité de voir un monde jusqu'alors inconnu : celui des yokais, ces monstres appartenant au folklore japonais. Problème, et là ça devient plus intéressant : sans le savoir, il a sacrifié ce qui lui était le plus important afin de s'accaparer cette faculté. Par la suite, il va découvrir qu'il n'est pas le seul à se trouver dans cette situation. En effet, trois autres personnes sont dans le même cas que lui, et n'ont d'autres solutions que d'affronter les yokais libérés s'ils veulent avoir une chance de récupérer ce qu'ils ont perdu... A partir de ce pitch, l'auteur va développer une histoire sans prétention, qui sera surtout prétexte à mettre en avant ses talents de dessinateur et metteur en scène. Sans doute suis-je trop sévère quand j'écris sans prétention, car nous avons tout de même un véritable fil rouge ainsi qu'une évolution des protagonistes. Néanmoins, le récit est tout de même limité : il s'agit, pour résumé, d'une alternance entre une partie tranche de vie et humour, où nous suivons le quotidien de notre groupe de héros, et une autre, beaucoup plus importante et intéressante, consacrée à la baston pure et au fantastique, avec l'intervention des yokais. La coupure entre ces deux genres est extrêmement visible, certains personnages disparaissant complètement le temps des combats. Est-ce un défaut ? Je suis encore partagé sur la question, mais force est de constater que ces alternances ouvrent une échappatoire à la succession de combats. Sans ces passages, l'œuvre aurait été vraiment étouffante à lire. Le problème, c'est que les histoires développées dans ces moments de pause sont beaucoup moins intéressantes que la trame principale. L'auteur n'en abuse d'ailleurs pas au début. Il ne s'en sert que pour donner le ton de la prochaine étape de l'histoire, accordant ainsi un rythme effréné au manga. Mais après un petit bout de chemin, il nous en impose des plus longues et surtout des plus... niaises. Il va s'essayer au développement des relations entre les personnages, ainsi qu'à l'approfondissement de leur psychologie et là, on obtient un gros flop. C'est parfois intéressant, mais c'est malheureusement trop souvent englué dans une sorte de niaiserie amoureuse ou dans un aspect pathos qui aurait mieux fait de ne jamais exister. La conclusion est sans appel : ces passages, amusant au départ, deviennent par la suite pesants et nous font apparaître les personnages sous un jour pitoyable.

Alors que les protagonistes sont dans l'ensemble sympathiques. Yosuke, notre héros, est loin du boulet que l'on nous sort actuellement dans tous les mangas mettant en scène des lycéens. Certes, il aura besoin d'un temps d'adaptation, mais le bonhomme est loin d'être un incapable, et il nous prouvera bien souvent son talent en combat. Le problème viendra par la suite, lorsque l'auteur nous parlera d'amour et d'eau fraîche... Yomogi, la prêtresse, est loin d'être le personnage féminin le plus marquant de l'œuvre, mais elle tient son rôle sans ulcérer : servir parfois à quelque chose, être un peu en danger, observer le reste du temps. Elle a le mérite de ne pas être cruche, chose à signaler. Le professeur, Mr Ezo, apporte l'aspect mentor dont ont besoin les jeunes, avec un peu de mystère histoire de lui donner une certaine classe (ça marche très bien vers la fin). Puis vint la petite Irori, sans doute le meilleur personnage selon moi : une gamine haute comme trois pommes qui ne manque pas de cran et qui en a dans la tête. Avec en plus une histoire personnelle touchante, je mets au défi quiconque de ne pas l'apprécier. Le dernier, Kenji, est la mauvaise tête de la bande, agissant plus sous la contrainte qu'autre chose, mais se montrant efficace si besoin il y a. A cela s'ajoute plusieurs autres personnages secondaires, plus ou moins développés, qui s'avèrent surtout être des camarades de lycée. Bref, le casting est tout à fait honnête, assez éloigné des clichés dont on a l'habitude. On éprouve vite de la sympathie pour cette petite bande contrainte de lutter pour leur survie, et si on oublie les passages "lycéens-fleur-bleue", leurs états d'âmes et doutes sont bien amenés, accentuant notre empathie pour eux. L'auteur marque donc des points.

Mais là où l'artiste révèle tout son talent, c'est dans la partie fantastique. Le bonhomme a développé tout un univers à partir du folklore japonais et de cette discipline appelée Onmyodo. Et il l'exploite habilement. Sa plus grande réussite reste incontestablement le principe des armes de nos héros, basées sur les quatre créatures gardiennes des points cardinaux. Chacune d'entre elles, en plus de posséder un design réussi, possède ses propres capacités, qui auront une réelle influence sur les stratégies employées dans les combats : attaque au corps à corps ou à distance? Faut-il utiliser les flèches de l'arc (en nombre limité) maintenant ou vaut-il mieux les garder pour plus tard? Ma préférence ira au bouclier de Genbu, ayant la forme d'une carapace de tortue, dont la capacité à tout repousser permet de s'en servir pour voler ou se projeter. A ces éléments viendront s'ajouter les caractéristiques de chaque créature que nos héros auront à combattre, sensiblement différente les unes des autres, ainsi que les interventions des principes de l'Onmyodo. Bref, l'auteur s'est véritablement approprié son univers et l'exploite à merveille, donnant un aspect stratégique aux combats bienvenu. Sans oublier que le bougre est un as de la mise en scène pour tout ce qui touche aux batailles, donnant tellement de tension à l'ensemble qu'il nous est impossible de lâcher un tome. Il organise ses affrontements habillement, jonglant entre les passages désespérés (n'oublions pas que derrière chaque combat se cache un enjeu) et les accalmies avec brio. Sans oublier la violence, omniprésente, qui me pousse à déconseiller ce manga pour votre petit frère de 10 ans. Ici, vous pouvez perdre un membre, vous faire dévorer ou posséder dans des éclaboussures de sang... Avec en prime pas mal de détails... Sans oublier la mort qui vient souvent rendre visite. Un petit mot sur la fin, qui ne tient pas toute ses promesses. Il est regrettable que l'auteur n'assume pas la direction dramatique (voir pathétique à certains moment, dans le sens péjoratif du terme) que prend l'histoire, pour nous offrir une fin ma foie décevante, me rappelant un peu les shonens bas de gamme, chose qu'Otogi Matsuri n'est pourtant pas.

Mais tout cela ne vaudrait pas grand chose sans le talent de dessinateur de l'artiste. Son sens du découpage est assez impressionnant, avec des cadrages variés et intéressants, ce qui confère aux combats un rythme endiablé. Les mouvements et déplacements sont très bien rendus, donnant au tout une fluidité exemplaire sans que cela ne tourne à la confusion. Sans oublier un sens du détail saisissant au niveau des décors, des vêtements, des armes, des monstres... L'emploi des trames frôle l'excellence, apportant une profondeur et des volumes aux dessins. Le seul défaut notable restera le chara-design... Ce n'est pas l'anatomie ou le respect des proportions qui pose problème, mais bel et bien le visage des protagonistes. Certains sont carrément loupés, comme le montre celui du meilleur pote de Yosuke, surtout quand on compare avec ce dernier. Les visages ont un style particulier, auquel j'ai parfois eu du mal à accrocher (la prêtresse en premier). On pourra se consoler en se disant que l'auteur a le mérite d'avoir un style bien à lui... Néanmoins, si on oublie ce problème, c'est un sans faute niveau dessin.

Sans conteste, Otogi Matsuri est une œuvre d'excellente qualité, qui n'a d'autres ambitions que de nous divertir. Malgré les capacités limitées de l'histoire, l'auteur s'en sort à merveille en tablant surtout sur la qualité de l'univers, du rythme, du dessin, et des combats. Grâce à ça, on ne s'ennuie jamais. Bien au contraire, on se retrouve happé dans cette histoire simple, qui ne reste finalement qu'une succession de combats, grâce à des personnages, qui, même s'ils sont loin d'être transcendants, arrive tout de même à capter notre sympathie. Mais rendons à César ce qui appartient à César : ce manga s'adresse en premier lieu à ceux qui veulent de l'action et des combats de qualité. Bien sûr, il y a un background qui est tout de même exploité, mais il est là pour servir ces affrontements. On oublie les tentatives de romance à deux balles, on se concentre sur le reste et on tape ainsi dans le haut du panier niveau manga action. Si vous êtes friands de ce genre, n'hésitez pas.

Verdict :7/10
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A propos de l'auteur

Rydiss, inscrit depuis le 15/07/2007.
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