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Angoulême 2015, ou la renaissance de la culture manga

Publié le 09/02/2015 par , et dans Chroniques - un commentaire

C’est un festival sous haute surveillance qui a eu lieu cette année à Angoulême. Contrôles d’entrée renforcés et patrouilles fréquentes étaient, entre autres, les mots d’ordre du 42ème Festival International de la Bande-Dessinée. A tel point que même Sodastream aurait pu dire qu’il était Charlie.

festival-danouglème-le-fauve La programmation dédiée à la bande-dessinée était cette année riche, que ce soit en termes de conférences, rencontres, dédicaces et expositions. À peine arrivés à Angoulême, nous apprenions que le grand prix était attribué à Katsuhiro OTOMO, créateur d’Akira. C’est dire si le séjour commençait sous de bons auspices. De même, il fallait être aveugle pour ne pas voir que Jirô TANIGUCHI était cette année l’auteur le plus mis en avant du festival, mais nous y reviendrons.

Arrivés le vendredi soir très tard nous n’avons malheureusement pu commencer le festival que le samedi, en ratant l’avant-première des Chevaliers du Zodiaque de Keichi SATO dans le cinéma de la ville, au même titre que la nuit REanimation organisée par France 4, avec Psycho-Pass, Rick et Morty ou encore l’Attaque des Titans au programme.

Adaptation Jirô Taniguchi Tintin
Calvin et Hobbes Rumiko Takahashi

L’adaptation graphique des mangas

Samedi, il est midi. Nous devons faire un choix entre la rencontre à propos de l’influence du manga et de l’animation sur la jeune garde française et la conférence sur l’adaptation graphique des mangas. Au lieu de nous séparer et prendre le risque de nous perdre, nous nous dirigeons vers le conservatoire, où a lieu la conférence. Vincent LEFRANÇOIS (auteur et illustrateur vivant au Japon depuis plus de 20 ans) et Eric MONTESINOS (adaptateur de Death Note, le Sommet des Dieux et bien d’autres) nous y accueillent.

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Il convient de rappeler que l’adaptation d’un manga original en version française demande un grand nombre de critères à prendre en compte, ce que nous allons voir ici. La principale difficulté réside en l’inversion des pages pour les éditeurs préférant une publication « à l’occidentale ». L’inversion des pages doit se faire tout en préservant la bonne compréhension de l’histoire, afin de ne pas perturber la lecture. Au début frileux par ce procédé, les auteurs japonais deviennent de plus en plus conciliants. C’est le cas de TANIGUCHI, qui va par exemple fermer les yeux sur certaines cases n’ayant pas la même signification chez lui ou chez nous : le cas d’un kimono inversé par cette méthode deviendra un kimono porté comme lors d’un deuil, ce qui n’était pas le but voulu à la base. Conscient que les lecteurs français ne s’arrêteront pas forcément sur un tel détail, il permet ainsi que son ouvrage puisse être dégradé, comme peuvent le craindre les puristes.

En ce qui concerne le récitatif tantôt à la verticale, tantôt à l’horizontale, certains ajustements doivent se faire à ce niveau. L’adaptateur va alors modifier quelque peu les dessins de la case afin de poser correctement la zone de texte. Il y a différentes façons de faire. Kana, par exemple, va garder les cases telles quelles, au risque de devoir serrer le texte le plus possible. Le problème majeur concernant le texte reste celui des onomatopées car celles-là appartiennent à l’image. Casterman a pris le parti de les redessiner, afin de leur donner une traduction française, qui va dans le sens du courant narratif. En ce cas, il convient de garder les mêmes traductions d’onomatopées pour les mêmes auteurs, pour éviter les cassures de style. D’autres éditeurs vont quant à eux prendre la liberté de les enlever : c’est un choix à faire selon les mangas. L’adaptation est un réel travail de réécriture. Pour le cas des onomatopées, la plupart des éditeurs en conservent la typographie pour maintenir la continuité graphique et ainsi garder l’état d’esprit de l’auteur, voire parfois jusqu’à garder les deux versions : japonaise et française.
Suite à cette belle entrée en matière, Vincent PETIT (assistant éditorial chez Casterman) et Christel HOOLANS (manager chez Kana) viennent se joindre à l’échange. Se pose alors la question de la publication d’un manga français, adressée aux deux nouveaux intervenants.
Pour Christel HOOLANS, il faut être suffisamment ouvert. Kana souhaite rester dans le sens original de publication, mais les marges de manœuvre sont faibles car il y a beaucoup de filtres, beaucoup d’interlocuteurs, ce qui rend souvent caduque la négociation. Pour elle, l’adaptation donne un sentiment de trahir l’œuvre mais elle permet de l’ouvrir à un public plus large.

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Vincent PETIT avoue avoir lui aussi les mêmes problématiques. La France reste un petit pays lointain pour les grands mangakas. Néanmoins, TANIGUCHI ayant un plus grand succès en France qu’au Japon, c’est une aubaine pour nous. Son éditeur a ainsi compris son intérêt et permet un meilleur échange entre les différents interlocuteurs. La France est le deuxième pays où l’on vend le plus de mangas. Mais on peut encore se demander comment toucher de plus en plus de personnes. C’est ainsi que Casterman a agrandi le format des livres dédiés à TANIGUCHI et en inversant le sens de lecture, pour permettre de les glisser dans les rayons de littérature généraliste. Les histoires racontées étant universelles, il n’y a aucune raison qu’elles se cantonnent uniquement aux lecteurs habituels de mangas. Les lecteurs généralistes, grâce au grand format, bénéficient de moins de préjugés envers ce type de livre, même si le manga subit toujours les anciennes critiques négatives qui ont la vie dure.

Vincent LEFRANÇOIS vient alors orienter différemment la discussion en leur demandant si les auteurs européens sont eux aussi publiés au Japon. Pour Vincent PETIT, cela fonctionne bien moins dans ce sens là. A titre d’exemple, les auteurs européens doivent directement dessiner dans le sens de lecture japonais, ce qui en rebute déjà beaucoup. Les éditions se faisant dans les magasines, le grand public n’est ici pas véritablement visé. La comparaison Japon / Europe et Europe / Japon n’a pour ainsi dire pas lieu d’être.

Nous en sommes venus à nous demander si la différence de format de publication ainsi que le sens de lecture sont de réels éléments de distinction et de ventes ou non. Vincent PETIT admet que cela dépend évidemment des œuvres. Pour celles de TANIGUCHI, cela est flagrant. 8 000 à 12 000 personnes sont touchées à la base par ses œuvres en France. Avec un format occidental et un sens de lecture en lien, entre 20 et 25 000 personnes ont été attirées par la publication. Les données utilisées ici sont à relativiser puisque le Sommet des Dieux a quant à lui atteint une publication à 300 000 exemplaires, étant pourtant édité en sens de lecture japonais. Quelque soit le format ou le sens de lecture, c’est la qualité de l’œuvre qui fera la différence.

Planche_Naruto

Il est donc temps de se demander quelles sont finalement les limites imposées à l’adaptation graphique, aussi bien nécessaire que délicate. Christel HOOLANS nous avoue que chez Kana, ils n’ont pas l’autorisation de modifier le décor et tout ce qui appartient à la planche originale. Tout ce qui est calligraphié faisant partie du dessin, ils ne peuvent eux pas modifier les onomatopées mais simplement le texte apparaissant dans les bulles. Chez Casterman, nous confesse François PETIT, leur marge de manœuvre plus grande leur permet en effet plus de libertés. Ils veillent toutefois à garder le décor intact le plus possible, en gardant par exemple dans leur langue originale les noms de enseignes tokyoïtes. Concernant les onomatopées qui décrivent l’action, si cette dernière est assez clair, elles sont effacées purement et simplement (un bruit de tasse qu’on repose sur une assiette par exemple). Cela évite de surcharger l’image car le lecteur comprendra sans le bruitage dédié. Dès que l’on traduit, on perd quelque chose, Kana se permet donc de petits raccourcis afin de permettre à tout le monde d’accéder à l’œuvre.

Et l’avis du public dans tout ça ? Pour Christel HOOLANS, les mangas ont le formidable avantage de bénéficier d’une communauté de lecteurs très active… et réactive. Généralement, ils n’apprécient pas que l’on touche à l’œuvre originale, sinon Kana fait face à des réactions assez fortes. Mais le but est de préserver le public déjà présent, tout en élargissant la place du manga dans la littérature française. Chez Casterman, le public n’est pas orienté manga à la base. Beaucoup de libertés ont donc été prises sur les couvertures des éditions spéciales de TANIGUCHI. Le public n’est pas aussi sensible à ce niveau là que celui de Kana, heureusement pour l’éditeur.

Jirô TANIGUCHI : « A la beauté nous devons rendre hommage »

DSC02137Comme nous l’avons précédemment dit, chaque année, le festival d’Angoulême rend hommage à de grands noms de l’univers de la BD. Après TARDI et la représentation de la Grande Guerre, coup d’envoi des commémorations du centenaire de la première guerre mondiale, c’est au tour de Jirô TANIGUCHI d’être à l’honneur au sein du vaisseau Moebius. TANIGUCHI, que nous avions vu juste avant lors d’une séance de dédicaces.

Déjà, il faut savoir que l’un des grands défauts de ce genre d’exposition, c’est le lieu qui encadre celui-ci. En effet, alors que la quasi majorité de l’exposition se déroule dans l’artère principale piétonne de la ville, il faut traverser quasiment toute la ville pour atteindre le vaisseau Moebius ! Bien évidemment, des bus tournent régulièrement pour permettre de s’éviter quarante-cinq minutes de marche… Sauf quand ces derniers sont pleins jusqu’au cou. C’est donc avec une Sacrilège au fond du trou, que votre quatuor préféré a bravé le froid, la frustration, les conducteurs de bus fous – nous avons sérieusement failli perdre AngelMJ – et une pente à 90° pour atteindre le magnifique bâtiment, si on oublie bien évidemment l’escalier moche qui traverse le vide entre deux tours sans raison apparente…

Bref, l’exposition se déroule sur deux étages où, à la manière de la narration de l’artiste, nous déambulons entre divers univers. Premier point à signaler, le commissaire d’exposition a eu l’extrême intelligence de traduire chaque panneau informatif en français (normal, me direz-vous), mais aussi en anglais et en japonais ; de façon à ce que la plus importante exposition européenne consacré à cet auteur soit accessible au plus grand nombre, et ce jusqu’au mois de mars. Au gré des couloirs, on y découvre donc des originaux, ou reproductions, de planches de TANIGUCHI allant d’Icare au Gourmet Solitaire, en passant par l’inévitable Quartier Lointain, premier succès européen de l’auteur. Entre initiation et approfondissement, l’exposition se veut didactique mais réussit à approfondir certains thèmes profonds, comme la nature, les origines ou la contemplation via les panneaux, mais aussi les planches, judicieusement positionnées tout au long de l’exposition.

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Aussi, au détour du circuit, il existe des alcôves, approfondissant deux œuvres particulièrement symboliques de l’esprit TANIGUCHI : Icare et le Gourmet Solitaire. Dans ces espaces, sorte de pause dans le temps, est décrit l’histoire de l’œuvre mais aussi la genèse, ainsi que quelques « bonus », comme la diffusion de l’adaptation live ou un extrait du manga, librement consultable. La déambulation continue, les planches aussi et les œuvres changent jusqu’à ce grand espace où un pseudo jardin zen trône, sans raison apparente, au centre de la salle. Peut être une future animation ou une invitation à mettre en pratique l’esprit de TANIGUCHI sur ce jardin, chose simple mais aussi complexe à la fois ? Finalement un espace de lecture cosy attend les plus curieux, les néophytes et ceux qui veulent se replonger dans leur histoire favorite, à la faveur de fauteuils confortables, comme pour marquer une nouvelle pause, avant d’attaquer la seconde partie de l’exposition.

L’étage du bâtiment accueille la partie de l’exposition où le maître exprime le mieux son talent, dans les paysages. Cette dernière partie nous fait découvrir des esquisses, croquis et autres planches des plus beaux paysages de sa carrière, comme si nous étions le Promeneur, le héros – s’il faut le nommer ainsi – qui prend son plaisir dans la contemplation de la nature, des animaux sauvages ou dans l’architecture.

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Globalement, l’exposition TANIGUCHI rend un hommage à la mesure du talent de ce maître du manga qui a su transmettre des valeurs et des passions aux travers d’œuvres ayant toujours la même idée, la même envie : celle de nous inviter, le temps d’un instant, à une contemplation lente et à découvrir des plaisirs simples de la vie, alors que notre monde va de plus en plus vite.

Mais Jirô TANIGUCHI n’était pas l’unique mangaka présent ! En effet, nous avons eu l’honneur de rencontrer Junji ITÔ, l’illustre maître de l’horreur. Très sympathique, nous avons constaté avec stupeur que peu de fans s’étaient déplacés pour sa dédicace. En revanche, sa séance de dessin live était complète…

Tintin – La fièvre du samedi soir

Pour finir en beauté le samedi, qui s’est révélée être une journée réussie, l’équipe AK avait dégoté dans le programme une superbe madeleine de Proust : la projection de l’intégrale de Tintin à l’espace Franquin à partir de 20h00. Nous, en tant que grand naïfs, nous nous voyions déjà écouter le magnifique générique du célèbre dessin-animé les Aventures de Tintin. On a même sacrifié notre amour pour la gastronomie dans la première brasserie pourrie venue pour être pile à l’heure.

Une fois bien installés dans nos confortables fauteuils, le Monsieur Loyal de la soirée s’avance vers nous accompagné d’un homme qui s’avère être Alexis LAVILLAT, responsable du studio d’animation Normaal et producteur. Vous connaissez sans doute le studio pour être responsable des adaptations de Gaston Lagaffe, de Peanuts ou encore de la bande dessinée Mandarine and Cow. Et c’est pour nous annoncer un gros projet que le producteur est là ce soir : le studio angoumoisin Normaal, en partenariat avec la société Moulinsart, gestionnaire des droits de l’œuvre d’Hergé, va créer une nouvelle série basée sur ses histoires, dont Tintin. Le format est déjà décidé : il s’agira de trois épisodes de 52 minutes qui seront diffusés, et c’est là que c’est fort, en prime-time sur une grande chaîne française. Pas d’indice sur le nom de la chaîne, mais on ne va pas se mentir, on voit mal TF1 financer de l’animation pour un début de soirée.

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Après France 4 et sa case REanimation, on peut se demander si France Télévisions n’est pas derrière ce projet, avec une diffusion possible sur France 3 ou, soyons fous, France 2. Si le succès est à la clef on pourrait espérer que l’expérience se réitère et pourquoi pas que l’animation soit mieux reconnue ? Car si on oublie bien évidemment les films d’animation à succès (américains et estampillés Pixar ou Dreamworks bien souvent) et les dessins animés pour enfant, les grandes chaînes diffusent rarement de l’animation, encore moins des séries. Canal + avait ouvert une brèche avec de nombreux animes et ses propres productions (anciennement Moot-Moot, prochainement le Donjon de Naheulbeuk), France 2 avait un peu suivi en diffusant des séries telles que Love Hina ou Skyland pour jeunes adultes, mais jamais à heure de grande écoute. Et depuis, force est de constater que c’est le calme plat. Alors du prime time pour de l’animation, voilà qui laisse rêveur sur les débouchés que cela pourrait engendrer. Si déjà on arrive à sortir du cliché « les dessins animés c’est pour les gosses » qui a toujours cours, on pourrait envisager que les chaînes se montrent moins frileuses et commencent à diffuser, voire même à produire des séries d’animations pour adultes. France 4 semble bien parti, espérons que les grosses majors de l’audio-visuel suivent.

Mais revenons donc à notre Espace Franquin et son Monsieur Loyal qui se charge de la présentation du programme. Nous allons en effet avoir droit à une intégrale, mais pas des Aventures de Tintin. Non. Ce sera plus varié que cela. Sont prévus le vieux film la Toison d’Or (qui date tout de même de 1961), des reportages, un court-métrage qualifié d’au mieux « d’étrange », d’au pire « de dérangeant » et juste deux épisodes de la fameuse série. Bon, eh bien soit. Ce n’est pas comme s’il y avait autre chose de prévu ce soir. On a donc commencé la séance. Mais on ne vous dira pas comment ça s’est terminé. Pour la simple et bonne raison que nous sommes partis au bout d’une heure et demie. Car je suis désolée, mais balancer TROIS documentaires d’Arte à la SUITE, on n’est plus dans une erreur de programmation, mais dans une volonté notable de faire fuir les gens. Loin de moi l’idée de dénigrer le travail de cette chaîne, mais on ne m’enlèvera pas de la tête que commencer une soirée sensée être un minimum festive avec des documentaires ennuyeux, on a connu mieux.

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Pourquoi ne pas avoir alterné avec des films et des épisodes ? Que l’on commence avec un documentaire dédié à HERGÉ, qui était globalement intéressant et qui ne durait que trente minutes, très bien, pas de problème. Mais que l’on enchaîne avec un deuxième de cinquante minutes, qui retrace toute l’histoire du Lotus Bleu avec le cameraman qui filme d’un point de vue subjectif en se prenant pour Tintin, puis avec un troisième dans le même style qui retranscrit cette fois-ci Tintin au Tibet, je dis non. Alors certes, l’apport culturel sur les pays et les événements historiques qui sont représentés dans les albums sont intéressants, mais c’est bien trop long. Les gens n’étaient pas venus pour ça. D’ailleurs la grande majorité de la salle s’est vidée à l’annonce du troisième documentaire, preuve de l’ennui qui régnait. Pour notre part, nous avons jeté le professionnalisme aux orties et nous les avons suivis. De toute façons c’était soit ça soit on allait nous jeter de la salle pendant le troisième documentaire pour tapage tellement nous étions écroulés de rire devant la mise en scène des documentaires. On a donc préféré partir dans la dignité. Mais ce n’est pas pour autant qu’on a loupé notre soirée. Une fois rentrés, il nous suffisait de nous installer devant le Secret de la Licorne de SPIELBERG pour passer un bon moment. Et de décider que la prochaine fois, on se fera l’intégrale des Aventures de Tintin avec l’objectif de découvrir tous les sous-entendus homosexuels qui parsèment la relation entre Tintin et Haddock. Amen.

Calvin et Hobbes – Ode à l’enfance

Vous savez forcément que le Grand Prix 2015 d’Angoulême a été décerné au papa d’Akira, Katsuhiro OTOMO. Eh bien remontons en arrière d’une année. En 2014 c’est Bill WATERSON qui fut décoré, l’autre papa de Calvin (car le sale gosse a déjà un père dans la bande-dessinée) de la série éponyme. Homme d’une seule œuvre, son Calvin & Hobbes a fait le tour du monde en étant publiée dans 2400 journaux. Succès retentissant, Calvin & Hobbes, pour ceux qui ne connaissent pas (honte sur eux) nous conte sous forme de strips les aventures de Calvin, gamin de cinq ou six ans à l’imagination débordante, et de son tigre en peluche Hobbes, qui ne prend vie que quand il est seul avec Calvin. Bill WATERSON aura tenu le rythme soutenu d’un strip quotidien pendant dix ans avant de déposer les crayons, considérant qu’il avait fait le tour de la question.

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L’auteur a toujours refusé toute utilisation mercantile de son œuvre, réussissant même l’exploit d’acquérir les droits d’exploitation des personnages de son éditeur pour éviter toute dérive. Depuis, il est retourné dans l’anonymat et ne donne que rarement signe de vie. Il semblerait que le fait qu’il ait accepté de dessiner l’affiche pour le festival en tant que lauréat du Grand Prix, comme le veut la tradition, soit un évènement rarissime. Tout cela pour dire qu’il était normal qu’une exposition soit consacrée à son travail le plus fameux. Faisons donc le tour. L’exposition commençait par présenter les influences de l’auteur, à savoir les Peanuts (dont le fameux Snoopy) de Charles SHULZ, Pogo de Walt KERRY… Ils étaient nombreux, tout comme les visiteurs, ce qui empêchait d’y jeter un coup d’œil prolongé. Qu’importe, on poursuivait ensuite avec les fameuses planches de Calvin & Hobbes, imprimées sur des supports épais de plastique et encadrés au mur. Toutes étaient en anglais, chose logique quand on sait que l’exposition vient directement des États-Unis. Mais ils n’ont pas pour autant oublié les anglophobes et ont ajouté des petits carnets avec les strips en français pour chaque catégories. Ces dernières étaient bien organisées. La première s’intéressaient aux saisons, l’un des éléments les plus importants dans l’œuvre originale. En effet, elles marquent le temps qui passe malgré le fait que Calvin ne grandisse pas. Avec les planches étaient associés des textes qui proposaient une rapide analyse. Une autre partie était consacrée aux personnages, aussi bien principaux que secondaires. Y étaient évoqués leur origine, leur rôle dans l’histoire et leur relation avec le héros. Les textes étaient clairs, mais assez courts à mon goût, surtout quand on compare avec ceux pour l’exposition TANIGUCHI.

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Quand on connait bien le personnage de Calvin, on a du mal croire que dix lignes soient suffisantes pour le résumer… Puis on terminait par aborder l’évolution du travail l’auteur à travers les années, ainsi que de son style selon le type de strip qu’il dessinait. En effet, les journaux du dimanche donnaient carte blanche à Bill WATERSON pour ce jour ci, lui accordant le droit de ne pas s’enfermer dans le carcan d’un strip horizontal. Ces fameux dimanches lui permettaient alors de s’étendre sur une page entière, et il ne se privait pas pour l’occuper le plus possible, avec parfois un seul dessin. En annexe nous avions un historique sur les dessins publiés dans la presse (vu l’actualité du moment avec Charlie Hebdo, on peut dire qu’ils ont eu (ironiquement) du flair) ainsi qu’un film documentaire consacré à nos héros. Globalement l’exposition était intéressante, mais surtout pour des novices. Les connaisseurs sont par contre sans doute restés sur leur faim. On pouvait en effet apprendre quelques éléments (les influences de l’auteur, l’origine de certains personnages…) mais cela manquait néanmoins d’approfondissement en certains endroits. Les thèmes forts de l’œuvre (l’imagination, l’enfance, les réflexions limite philosophiques de Calvin…) étaient évoqués mais pas assez approfondis à mon goût. On retiendra par contre la bonne organisation de l’ensemble, même si imposer un sens de visite n’était pas particulièrement utile. Au contraire, il suffisait qu’une personne s’arrête un peu trop longtemps pour bloquer tout le monde. Alors certes, le sens permettait de découvrir l’œuvre dans « l’ordre » avec d’abord les influences, puis la présentation de l’univers, celle des personnages etc, mais cela pouvait aussi bien se faire comme on le souhaitait. Bref, un bon moment que cette balade dans l’espace dédié au chef d’œuvre de Bill WATERSON. De toute façon, quand on rigole dans une exposition grâce aux strips exposés, on ne peut pas dire qu’on passe un mauvais moment.

Conférence Les Maîtres du Manga « Rumiko Takahashi, de Lamu à Ranma » – Exposition de catalogues

Le programme prêtait quelque peu à confusion avec son titre. On pouvait croire que plusieurs auteurs allaient être traités, mais il s’agissait bel et bien d’une conférence sur Rumiko TAKAHASHI seulement, l’une des mangaka les plus connues et qui a rencontré un énorme succès. La conférence était assurée par Hervé BRIENT, à qui nous devons entre autre la revue Manga 10 000 images. C’est un peu un habitué du festival, puisqu’il était déjà intervenu au moins en 2009 pour une autre conférence. Qu’est-ce que cela a donné au final ?

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Pour les personnes qui ne connaissent pas Rumiko TAKAHASHI, la conférence devait être intéressante. Hervé BRIENT a commencé par sa biographie, assez complète. Ainsi, vous apprendrez que l’auteur de Ranma ½, Lamu, ou encore Inu Yasha a commencé à travailler dans le manga pendant ses années universitaires, en suivant ses cours d’Histoire et en allant dans une école le soir pour apprendre à dessiner. École tenue par le scénariste Kazuo KOIKE, connu pour Crying Freeman, Lady Snowblood, ou encore Lone Wolf and Club… La grande classe quoi. Bref, c’est grâce à lui qu’elle comprit l’importance des personnages dans une œuvre. Elle soigne donc particulièrement ses protagonistes, chose qui l’a conduite au succès. Elle a fait ses débuts dans une revue de la Shôgakukan, le Shônen Sunday. Elle ne dessine par ailleurs que du shônen, ayant été influencée par des œuvres de cette catégorie toute sa jeunesse. Elle a bien tenté le shôjo, malheureusement l’essai se révéla loin d’être concluant et elle abandonna très vite l’idée.

Elle rencontra un très gros succès grâce à ses shônens fleuves s’étendant sur des dizaines de volumes, surtout avec Lamu et Ranma ½. Ce dernier sera extrêmement connu en occident grâce à la diffusion de l’anime un peu partout dans le monde, et il reste encore aujourd’hui la plus grande réussite de TAKAHASHI à l’échelle internationale. Grâce à ses séries longues qui se vendent comme des petits pains (on compte au moins 100 millions de volumes vendus, toute œuvre confondue), un énorme merchandising a été mis en place, permettant à l’auteur de devenir millionnaire et l’une des femmes les plus riches du Japon. Bref, voilà pour les grandes lignes de la biographie de l’auteur. Il n’y a pas grand-chose à redire dessus, c’est complet et relativement bien présenté. On regrettera par contre que les influences n’aient été qu’évoquées. Ce sont pourtant des éléments importants pour comprendre le style d’un auteur. On retiendra la mythologie japonaise avec l’emploi de pas mal de légendes et autres démons dans ses œuvres, qu’elle utilise souvent car il s’agit d’un univers familier à ses lecteurs et qui lui permet de lancer l’histoire sans expliquer le contexte. Nommons aussi l’écrivain Yasutaka TSUTSUI (l’auteur du roman La Traversée du Temps) pour lequel j’aurais aimé plus de détails car je cherche encore en quoi il a pu l’influencer, le maître exploitant le plus souvent un univers de science-fiction rarement vu dans les travaux de TAKAHASHI.

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Terminons avec le manga Spiderman (1970) de Ryoichi IKEGAMI. Pour celui-ci, c’est apparemment « la façon dont a été racontée l’histoire » qui lui a plu et qu’elle a reprise à son compte, mais je ne pense pas être la seule personne à considérer que c’est extrêmement vague comme affirmation. Parle-t-on ici de rythme ? De storyboard ? Difficile à dire. Il aurait été intéressant d’approfondir cette partie, au détriment de sa biographie. On notera un effort pour l’analyse du style de l’auteur, aussi bien graphique que dans sa façon de raconter une histoire. Le dessin s’est affiné avec les années pour correspondre un peu plus aux canons du genre actuel (sauf pour les poitrines des protagonistes féminins qui s’aplatissent de plus en plus), avec des mentons plus pointus et des sourcils moins fournis. Pour la narration, elle reste assez attachée aux chapitres avec des histoires auto-conclusives. De l’aveu de l’auteur, elle est beaucoup dans l’improvisation et fait souvent intervenir de nouveaux personnages pour renouveler l’histoire. A noter bien évidemment l’omniprésence de l’humour, avec de l’absurde à toutes les pages et l’emploi du slapstick, que l’on pourrait résumer en une exagération de la violence à un point tel qu’elle en devient comique. Le reste de la conférence ressemble plus à un catalogue des séries de Rumiko TAKAHASHI qu’à une étude de son œuvre.

Alors que le titre laissait entendre qu’on allait approfondir ses deux mangas les plus populaires, Ranma et Lamu, et qui ont rencontré le plus de succès en France, nous avons eu droit à la totale : Rinne, Maison Ikkoku, Memaid Forest, Inu Yasha, Rumic World… Mais du coup, évidemment, adieu les analyses ou autres études des thèmes exploités par l’auteur. Il y avait pourtant de quoi dire, et ce rien qu’avec Ranma ½ : les personnages féminins forts, l’opposition entre la jeunesse et les adultes, le travestissement, la nudité (qui fut abordée légèrement plus en profondeur grâce à l’intervention d’un des membres du public, merci à lui)… C’est dommage. A noter que les passages consacrés à la présentation des personnages étaient trop longs. Certes, ils sont primordiaux pour expliquer le succès de l’auteur, mais il aurait sans doute été préférable de ne se consacrer qu’aux plus importants au lieu de s’éparpiller. Cela aurait aussi permis d’éviter quelques approximations, chose que l’on peut pardonner vu la densité de l’œuvre de l’auteur. Bon, j’ai pu apprendre que Lamu avait été inspirée par Agnes Lum, une top model qui portait très bien le bikini et qui a rencontré un très gros succès au Japon. Mais à part ça, en tant que connaisseur de Rumiko TAKAHASHI, je n’ai pas appris grand-chose de nouveau. Qu’en retenir donc ? Pas grand-chose si vous connaissez déjà bien l’auteur et son travail. Si vous êtes un novice, la conférence aurait pu vous intéresser. Mais l’aspect catalogue un peu trop marqué est un défaut malheureusement notable. Il aurait été préférable de ne pas consacrer autant de temps à la bibliographie complète de l’auteur, particulièrement dense. Se focaliser sur deux ou trois titres pour expliquer le succès de l’auteur et énoncer rapidement ses autres œuvres aurait été plus approprié pour que le visiteur lambda puisse bien comprendre tout le charme que renferment les mangas de Rumiko TAKAHASHI.

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Nous pouvons donc conclure en affirmant que le programme de cette année était bien plus dédié aux mangas que les précédentes éditions. Les conférences étaient nombreuses, les expositions fournies et les invités intéressants. En revanche, sans nul doute suite aux événements ayant eu lieu en janvier, nous avons bien ressenti une baisse flagrante de la fréquentation. Les stands et chapiteaux n’étaient pas vides, loin de là, mais nous avons vraiment eu l’impression d’un fort vide, d’une absence. Après le bon cru de cette année 2015, il ne nous reste plus qu’un an avant de faire à nouveau nos pronostics !

Ont participé à la rédaction de ce dossier : AngelMJ, Rydiss, Sacrilège et Spinster

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[…] PS : Si vous voulez un article encore plus complet sur le festival, mes confrères du site Anime-Kun, avec qui j’ai fait le festival, ont rédigé un papier très complet que vous pouvez lire ici. […]

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