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Nausicaä de la Vallée du Vent

Publié le 17/01/2008 par Starrynight dans Dossiers - un commentaire

Introduction

Pour créer le personnage de Nausicaä, Hayao Miyazaki s’est inspiré de deux personnages légendaires.
Nausicaä apparaît à l’origine dans l’Odyssée d’Homère. Princesse des Phéaciens sur l’île de Corcyre (aujourd’hui, île de Corfou), elle recueille et soigne Ulysse échoué sur la plage. Elle se distingue par sa compassion, sa gentillesse, sa grande force morale et sa détermination.
Un conte japonais ayant pour titre « la Princesse qui chérit les insectes » (Mushi mezuru Himegimi) raconte l’histoire suivante : au Vème siècle, une princesse de grande beauté détestait se maquiller et se coiffer, comme il convenait alors aux jeunes filles de bonne famille. Au lieu de cela, elle se passionnait pour les insectes et passait ses journées à les admirer et à les étudier. De plus, elle savait faire preuve de sagesse, d’impartialité dans son jugement ainsi que d’ouvlerture d’esprit, bien plus en fait que ceux qui jugeaient déplorable son attitude. De même, Nausicaä est attirée par les insectes, créatures avec lesquelles la cohabitation est considérée comme impossible par les gens de son peuple. De plus, la jeune fille partage beaucoup des traits de caractères avec la princesse du conte : désintérêt pour le carcan des convenances et ouverture d’esprit.

L’histoire

Dans un très lointain futur, à la fin de l’ère de céramique, les hommes se sont affrontés en utilisant des robots géants appelés « dieux-guerriers ». Ceux-ci ont ravagé la terre et détruit toute civilisation pendant les « 7 jours de feu ». Puis une forêt étrange a commencé à se développer sur les terres ravagées, réduisant peu à peu en s’étendant la surface habitable par les survivants. Cette forêt, nommée « Fukai », est peuplée d’insectes géants et relâche dans l’air quantité de spores mortels pour l’homme.
Un millénaire plus tard, les hommes se sont organisés en petites communautés qui tentent tant bien de mal de subsister dans ce nouvel écosystème, tout en cédant à l’avancée inexorable du Fukai. Nausicaä est la princesse de la Vallée du Vent où vit l’une de ces communautés. La vallée est protégée du poison par un vent bénéfique qui souffle sans interruption de la mer et les gens y mènent une existence paisible en autarcie.
Cependant, cette tranquilité est troublée avec l’apparition d’un dieu-guerrier enveloppé dans son cocon. Nausicaä, à la tête de la Vallée du Vent, se retrouve bientôt impliquée dans la lutte pour la possession de cette arme maudite, considérée par certains comme l’ultime recours de l’humanité contre le Fukai et les insectes.

Le manga et le film

Le manga

Ecrit et dessiné par Hayao Miyazaki, le manga fut publié dans le magazine japonais Animage entre février 1982 et mars 1994, avant d’être édité en sept tomes grand format. Cette lenteur inhabituelle dans la publication japonaise implique plusieurs choses :
Miyazaki aurait déclaré ne pas avoir fait de canevas préalable à l’écriture du manga. Il écrivait donc chaque partie sans vraiment savoir ce qui allait se passer par la suite. Les personnages ainsi que la trame des événements ont en quelque sorte mûri lentement au fur et à mesure des années et de la propre évolution des idées de l’auteur. Cependant, celui-ci a su maintenir une narration cohérente et une intensité dramatique sans relâchement.
L’auteur a ainsi eu la possibilité d’aborder de manière approfondie différents thèmes, comme l’écologie, la science, la guerre, le pouvoir ou la religion, ce qui fait de Nausicaä un manga particulièrement fouillé suscitant de nombreuses réflexions et interrogations.
Quant au dessin lui-même, le trait est très travaillé ; chaque élément du décor, chaque personnage est minutieusement représenté et fourmille de détails.

Miyazaki brode un vaste récit de luttes entre les différentes communautés pour s’assurer la suprématie du territoire et à terme détruire cette forêt qui les tue à petit feu. L’auteur a étoffé l’intrigue en ajoutant quantité de personnages secondaires qui ont tous un rôle à jouer (le moine, Chikuku, la famille royale tolmèque, le saint empereur Dork, …) tout en approfondissant leurs psychologies et en nous éclairant sur leurs passés.
Ce conte est très sombre et dur : on y voit de nombreuses destructions, des guerres, des famines, des civils qui périssent, des haines entre races et religions, des despotes qui tentent de s’arroger davantage de pouvoirs. Mais il contient également un message de paix et d’espoir : des hommes parviennent à surmonter leurs préjugés pour s’allier dans l’adversité, il sera un jour possible à l’homme de vivre en harmonie avec la forêt, même si le processus est lent, sinueux et difficile. Surtout, Nausicaä redonne à chacun son humanité et, au-delà du choix de détruire la forêt ou mourir empoisonné, leur montre une troisième option : la coexistence, car le Fukai est utile et doit être préservé.

Au-delà d’un récit d’aventures, Nausicaä de la Vallée du Vent est aussi un voyage initiatique, et ce, à plusieurs niveaux : d’abord pour l’héroïne qui change beaucoup au cours de l’histoire au travers de ses rencontres, des épreuves et de ses propres questionnements, ensuite de nombreux personnages secondaires évoluent eux aussi – souvent sous l’influence de Nausicaä, tels Yupa (l’ancien mentor de la jeune fille) ou Kushana ou encore certains prêtres Dork qui ont pourtant déjà une longue expérience et leur propre vision du monde.

Le film

Le film n’aurait en fait jamais dû voir le jour. C’est du moins ce que pensait Miyazaki lorsqu’il accepte d’écrire une histoire pour Animage et fixe alors comme condition que l’histoire qu’il écrirait – quelle qu’elle soit – ne servirait pas de base à un dessin animé. Cependant, le manga connait rapidement un grand succès auprès du lectorat japonais, tant est si bien que la pression pour faire malgré tout un anime commence à se faire sentir. Miyazaki refuse d’abord catégoriquement puis accepte à condition que son ami Isao Takahata en devienne le producteur exécutif, ce qui lui est accordé. Le format du dessin animé évolue rapidement : d’un court métrage de 15 minutes proposé par Animage, il devient un OAV d’une heure et enfin un long métrage avec l’accord de Tokuma Shoten. Sans studio à leur disposition, Miyazaki fait appel au studio Topcraft, dont le directeur de l’époque entrera par la suite au studio Ghibli.

Un jeune compositeur alors peu connu, nommé Joe Hisaishi, s’attelle ensuite à la musique du film et entame par la même occasion une longue collaboration avec Hayao Miyazaki.

L’histoire racontée par le film diffère beaucoup de celle du manga (à part la trame générale reprise des deux tomes) et ce pour plusieurs raisons : lorsque Miyazaki réalise le film en 1984, il est en train d’écrire le tome 3 du manga en parallèle, de plus l’histoire doit être condensée pour pouvoir tenir en un film en se suffisant à elle-même. Enfin, si le début est assez proche du manga, il s’en écarte nettement plus dans la dernière partie, si bien que le film propose une vraie fin avec des péripéties inédites qui ne figurent pas dans le manga. Il faut dire aussi que lorsque le film est sorti en salles, Hayao Miyazaki ne savait pas encore précisément comment il comptait finir le manga.

Commencé fin mai 1983, le film sort en salle en mars 1984. Le succès est au rendez-vous avec près d’un million de spectateurs et reçoit de nombreux prix internationaux (dont le Mainichi Film Awards). Ce succès permet à Hayao Miyazaki et à Isao Takahata de fonder le Studio Ghibli.

Peuples et personnages

Nausicaä

Héroïne éponyme du manga et de l’anime, Nausicaä en est réellement le personnage central. Princesse de la Vallée du Vent, c’est elle qui doit en assurer la sécurité à la place de son père affaibli par le poison de la forêt. Jeune fille très charismatique, elle est adorée par le peuple de la Vallée et sera même considérée par eux comme l’« Être vêtu de bleu », le messie qui permettra aux hommes de renouer le lien perdu avec la terre. Dôtée d’une grande sensibilité et d’un amour profond pour tous les êtres, elle a un don inné d’empathie avec tous les animaux, même les insectes de la forêt (en particulier les Ômus), voire même de télépathie avec les hommes (certains personnages lui parlent en pensée avant de la rencontrer en chair et en os). Cette affection ainsi que toute une série d’événements extérieurs la pousse à entreprendre une quête pour comprendre la raison de l’existence de la forêt. Tout au long de ce parcours, ses convictions sont remises en cause, elle perd des êtres chers, est d’innombrables fois confrontée à la mort, aux ravages et à la souillure. Néanmoins, par la force de son mental, elle ne perd jamais sa détermination et continue d’aller de l’avant. Un des tours de force de Miyazaki est d’avoir fait de Nausicaä, malgré ses multiples qualités, quelqu’un de faillible et tiraillé entre ses doutes et d’espoirs, ce qui la rend d’autant plus humaine et attachante.
La jeune fille est un être à la fois béni et maudit, car imprégné des souillures que sont le sang (celui du jeune Ômu teindra même irrémédiablement sa robe), la mort, la maladie, les radiations (émises par le dieu-guerrier dans le manga). Nausicaä est même porteuse de mort : dans le manga, des hommes meurent pour la protéger, tandis qu’elle se montre tout à fait capable de tuer des gens lorsqu’elle se laisse submergée par la colère, si bien qu’elle se fait peur à elle-même.
Pour l’anecdote, Nausicaä a été élue meilleur personnage de fiction pendant près de quinze ans d’affilée par un magazine japonais.

Les grands empires

L’Empire Tolmèque est une des deux grandes nations du monde de Nausicaä. La guerre que mène cet empire contre le Royaume Dork est la toile de fond de tout le récit. Visuellement et politiquement, les tolmèques font penser aux grands empires européens – armures de métal moyenâgeuses, le personnage du bouffon, etc. – et symboliseraient ainsi l’Occident. On y retrouve manigances et complots pour la succession au trône, stratégie militaire et alliances avec les petits royaumes périphériques qui seront alors forcés de prendre part eux aussi au conflit. Ce dernier point fait inévitablement penser aux prémices de la Première Guerre Mondiale lorsque, par le jeu des alliances, les grandes puissances européennes se sont déclarées la guerre et se sont l’une après l’autre rangées dans un des deux camps.
Parallèlement, le nom de Tolmèque fait lui penser à l’Amérique précolombienne où vivaient entres autres les Toltèques et les Olmèques (deux peuples prédécesseurs des Aztèques).

L’autre grande puissance de ce monde est l’Empire Dork qui, lui, est presque une théocratie : ce sont les prêtres qui dirigent le peuple et mènent le combat sous les ordres du saint empereur. Ces prêtres font, quant à eux, beaucoup penser à des bonzes. De son côté, la Cité Sainte tient à la fois de la Mecque (le Tombeau ressemble à la Kaaba, la Pierre Noire située à La Mecque et dont la vénération fait partie des cinq piliers de l’islam) et du Potala de Lhassa. Il est donc possible que l’Empire Dork représente, lui, l’Orient. La langue Dork ressemble d’ailleurs beaucoup à des idéogrammes et passe pour un charabia incompréhensible (peut-être une fantaisie de l’auteur qui pastiche le point de vue occidental sur les idéogrammes et la langue chinoise).

La trame générale de Nausicaä de la Vallée du Vent, en plus d’une guerre entre les hommes et les insectes, serait donc une sorte d’un conflit civilisationnel entre Occident et Orient. Miyazaki montre en tout cas ici que, quelle que soit l’approche (politique chez l’un, religieux chez l’autre), leur côté foncièrement guerrier fait que leur lutte sera aussi destructrice que vaine et l’issue du conflit est presque une annihilation réciproque des deux civilisations.
Pourtant dans chacun des deux camps, quelques personnages clés – Kushana, princesse et commandant tolmèque, malgré sa colère et son ambition dévorante, et certains prêtres dork, malgré leurs convictions et leurs préjugés – vont venir en aide à Nausicaä, en comprenant instinctivement qu’elle est totalement étrangère à ce conflit et qu’à travers elle s’ébauche une issue autre qu’une guerre sans fin. L’image de Nausicaä qui recueille les deux enfants dork orphelins et se conduit avec eux comme une mère symbolise cette réunion possible entre les deux puissances que tout oppose.

Remarque : l’Empire Dork figure dans le manga mais pas dans le film, tandis que l’Empire Tolmèque est présent dans les deux.

Les royaumes périphériques

Ces petits royaumes sont nombreux et clairsemés et l’on en rencontre plusieurs au cours de l’histoire. Néanmoins les deux plus importants sont la Vallée du Vent et Pejite.

Ce duo est montré comme complémentaire et en bons termes l’un avec l’autre à plus d’un titre :
Primo, la Vallée du Vent est l’archétype de la terre pacifique et pastorale où chacun mange le produit d’une nature généreuse (du moins suffisante pour sustenter la population), car cultivée avec soin et amour et où les rares technologiques employées – les moulins principalement – utilisent les forces de la nature (le vent) mais sans l’exploiter au détriment de celle-ci. De même, Nausicaä se fait la remarque que son moeve plane sur le vent, tandis que les autres appareils volants fendent le vent : on retrouve cette image d’utiliser les forces de la nature mais de manière à ce que celles-ci demeurent inchangée après leur utilisation. Seul le gunship fait exception, mais il sert davantage pour l’extérieur de la vallée et est aussi un des principaux piliers de l’autonomie de la vallée. De son côté, Pejite est une cité résolument tournée vers la technique, puisqu’elle exploite des mines et récupère et revend les technologies anciennes. Asbel est d’ailleurs un mécano chevronné.
Secundo, Nausicaä (princesse de la Vallée du Vent) et Asbel (prince de Pejite) forment le duo de héros de cette histoire (le rôle d’Asbel est par ailleurs plus important dans l’anime que dans le manga), leur amitié et leur collaboration symbolisent l’alliance des petites pussances pour trouver une voie différente pour sortir du conflit.

La forêt et les hommes

La forêt est appelée ici « Fukai » soit littéralement « Mer de la décomposition » : c’est donc avant tout un lieu de dégénérescence et de mort, en particulier pour les hommes. Mais la forêt est également lieu de vie, car elle grouille d’insectes de tout genre et de toute taille. Chacun a donc son monde (les insectes dans la forêt, les hommes sur les terres non empoisonnées) et chacun intervient peu sur le territoire de l’autre.
Si la forêt est un no man’s land, et donc une quasi terra incognita pour l’homme, celui-ci y trouve malgré tout son intérêt, par exemple en utilisant les carapaces vides des ômus qui ont mué pour en faire des armures et transformer leurs yeux globuleux en verrières. La forêt représente également une beauté sauvage, une beauté dans la mort : ainsi Nausicaä admire la carapace d’un ômu, insecte monstrueux dont la rage destructrice peut être terrifiante. De même, elle compare les spores qui tombent à de la neige, tout en sachant que ces spores sont mortels à quiconque les respire.

Pour Miyazaki, si les hommes sont désespérés et si enclins à la folie destructrice, c’est parce que la technologie très évoluée de leurs ancêtres les a peu à peu éloignés du contact avec la terre (le sol nourricier) et de la nature perçue comme hostile à l’homme. Pour celui-ci, la voie du développement semble passer nécessairement par la domination de tout ce qui peut les mettre en danger (catastrophes naturelles, animaux sauvages, …) et la terraformation de l’environnement pour l’adapter à ses besoins. Une telle façon de penser causera sa perte un jour dans le futur. Dans Nausicaä de la Vallée du Vent, les hommes, un millénaire après l’échec de leurs ancêtres, n’ont pas appris de leurs erreurs et s’apprêtent à recommencer. Voir notamment, dans le manga, les savants Dorks qui créent de nouvelles espèces de spores sans en mesurer tous les dangers, jusqu’à ce que leurs créations se retournent contre eux. Ces mêmes Dorks utilisent les insectes comme arme sans comprendre qu’elle est à double tranchant.

Le Fukai est également le lieu d’habitation d’êtes mystérieux appelés simplement « ceux de la forêt » et que peu ont vus. Ces hommes ont choisi un mode de vie en symbiose totale avec les insectes, soit l’antipode de la vision de l’homme à la forêt des empires Tolmèques et Dork. Le peuple de la forêt a renoncé à toute forme de technologie mais a développé en contrepartie quelques pouvoirs extra-sensoriels, comme une forme de télépathie. Ils sont à la fois les gardiens de la forêt et les garants du biosystème dont le Fukai est un élément clé.
Ceux de la forêt sont vénérés par les Maîtres-vers qui utilisent et vivent de leurs insectes, mais en vivant hors de la forêt et en s’attirant le mépris de tous les autres peuples.

Cette télépathie que ne partagent que Nausicaä, ceux de la forêt et quelques autres rares personnages (chez les Dorks) permet à ceux-ci un voyage et des échanges invisibles et inaccessibles aux autres et apporte une dimension supplémentaire à l’histoire.

Les principaux thèmes

L’environnement et son rapport à la technologie

Le rapport entre l’homme et son environnement tient souvent une place importante dans les oeuvres de Hayao Miyazaki et c’est peut-être dans Nausicaä que cette considération est la plus fortement ancrée. Toutefois, le réalisateur ne tient pas pour autant un discours d’écologiste militant, il tente plutôt de mettre en lumière une réflexion sur la relation ambiguë que l’homme entretient avec la nature et la faune qui la peuple.

Dans Nausicaä, on rencontre ainsi plusieurs comportements :
Des hommes vivent en harmonie avec leur écosystème qu’ils utilisent à bon escient pour leurs besoins : les habitants de la Vallée du Vent pratiquent ainsi l’agriculture et utilisent la force du vent pour produire l’énergie qui leur est nécessaire. D’ailleurs, le simple fait que la patrie de Nausicaä et de ses habitants pacifiques s’appelle « vallée du vent » montre la place qu’ils donnent aux éléments naturels dont ils savent tirer parti.
Dans ce lointain futur, après des millénaires de transformation de la nature par l’homme au moyen de technologies sans cesse plus puissantes, la nature s’est révoltée et a reconquis les terres habitées par l’homme au prix d’une pollution de ces terres ainsi que, encore plus grave, de l’air, provoquant une diminution drastique de la population humaine. La forêt, détestable à cause de son inaccessiblité et de sa victoire sur les humains et leur technologie, devient un territoire habité par des insectes monstrueux et où les hommes n’ont pas leur place. Cette forêt est aussi synonyme de mort et de toxicité.
Face à cette vision du Fukai, deux comportements s’opposent : certains vont simplement se tenir éloignés de la forêt et des miasmes empoisonnés qu’elle dégage, tandis que d’autres cherchent à la détruire. En effet, la forêt est en croissance constante et grignote peu à peu les terres habitables par l’homme. Pour survivre, celui-ci doit stopper son avancée et pour cela tous les moyens sont bons, même rechercher les anciennes armes terrifiantes que l’homme a un jour construites.
A l’opposé de cette mentalité, des groupes ont choisi de vivre en symbiose avec la forêt en rejetant toute forme de technologie ou de domestication,. Par exemple, ils se nourrissent exclusivement d’oeufs d’insectes. Ce peuple, appelé « ceux de la forêt » par les maîtres-vers qui les vénèrent, n’apparaît que dans le manga.
En fait, quel que soit le parti adopté, on peut avoir l’impression que harmonie avec la nature et utilisation de technologies sont incompatibles et que d’une certaine manière chaque groupe a défini l’un en s’appuyant sur l’autre. Certains privilégient la technologie quitte à polluer davantage, d’autres veulent détruire la forêt grâce aux techniques d’autrefois, d’autres enfin ont rejeté toutes technique et utilisation d’artefacts pour se vouer uniquement à la nature. Seul le peuple de la Vallée du Vent réussit pour ainsi dire à tirer bénéfice des deux sans abuser de l’un ni de l’autre. C’est ainsi que Nausicaä élevée dans ces pratiques va pouvoir proposer aux hommes une autre vision du rapport homme/nature. Elle seule comprendra la place de chacun dans un écosystème global où chaque élément est nécessaire.

La guerre

Nausicaä de la Vallée du Vent est également une épopée d’une guerre planétaire entre les grandes factions en présence, avec toutes les horreurs que cela implique. Cet aspect est exacerbé dans le manga, plus sombre et plus dur, où les cadavres s’entassent et où les différents protagonistes côtoient régulièrement la mort.
La guerre, c’est une énorme machine que l’on peut aisément mettre en route, mais qui échappe rapidement à tout contrôle en se propageant comme un feu de brousse et en réapparaissant toujours là où l’on croyait lui échapper. Voilà ce que semble vouloir dire Miyazaki qui en décrit précisément les rouages, sur fond de décisions politiques, de trahisons au sein d’un même clan, de stratégies et de serments d’allégeance qui font que même les nations neutres au conflit sont obligées d’y prendre part. Chaque faction, pour des questions d’honneur ou de fierté, verse dans la surenchère au point de tenter de ressusciter un Dieu-Guerrier, arme à la puissance fabuleuse. Les hommes se retrouvent ainsi à refaire les mêmes folles erreurs que leurs ancêtres, erreurs qui avaient abouti aux « 7 jours de feu », cataclysme planétaire signant quasiment la fin de la civilisation humaine.
Dans cette fresque de l’affrontement entre des civilisations, l’auteur met en relief les effets secondaires de ces combats incessants sur la mentalité de personnages : désespoir, incapacité de certains soldats à arrêter de tuer même lorsqu’ils sont loin du coeur du conflit, dommages collatéraux chez les civils, etc. Miyazaki ne verse cependant pas dans le pessimisme ou le fatalisme pur, au contraire, il met en avant comment, au milieu du désespoir ambiant, on peut apprécier la joie d’une rencontre ou de la proximité avec un être cher, un moment de douceur ou d’espérance.

Les croyances et les mythes

Dans Nausicaä, nombreux sont ceux qui se raccrochent à des croyances ou qui font référence à des légendes dans les temps troublés qu’ils traversent.
Tout d’abord, il y a le mythe de « l’Être vêtu de bleu » auquel va bientôt être associé le nom de Nausicaä dont les vêtements seront teintés du sang des ômus. La jeune fille devient une sorte de messie pour son peuple qui ne l’adorera que davantage. Nausicaä dansant en riant sur le « champ d’or » créé par les protubérances des gigantesques ômus frappe les esprits et symbolise le lien retrouvé entre les hommes et les insectes. De même, dans le manga, lorsque la jeune fille vole dans les cieux avec son moeve, certains la prennent pour un ange venu les guider.
La religion est présente sous de nombreuses formes dans l’oeuvre et en particulier dans le manga, avec la civilisation théocratique des Dork, chez lesquels les moines sont aussi stratèges militaires et où l’autorité suprême de l’empereur écrase toute pensée divergente. Chez ce peuple, le sacré étant associé à l’autorité, le savoir est à son tour sacralisé et transformé en instrument de pouvoir, voir ainsi notamment le culte de la technologie renfermée dans le tombeau de la cité sainte des Dork.
L’ancienne technologie est en fait quasi intouchable : d’une part elle est maudite, car c’est à cause d’elle que la terre a été presque entièrement détruite mais, d’autre part, elle est vénérée par l’incapacité qu’ont les gens de l’appréhender tant elle est avancée. Témoin, par exemple, l’appellation de « Dieu Guerrier » pour décrire ces gigantesques robots semi-vivants et en partie conscients, à la puissance destructrice incommensurable. Leur existence fait également objet d’un mythe jusqu’à la découverte d’une exemplaire encore en état de marche dans les profondeurs des mines de la cité de Pejite. Ce mythe est en quelque sorte décrit par la tapisserie qui défile dans le générique de début du film. Cette fresque n’est pas sans rappeler les bas-reliefs précolombiens et la tapisserie de Bayeux.

Ces dieux guerriers sont également un des éléments clés d’une sorte de déluge. Premier temps, ces êtres annihilent la quasi totalité de la civilisation humaine lors des « 7 jours de feu » (sorte de « purification par le feu »), ce qui pourrait se rapprocher de l’anéantissement des villes pécheresses de Sodome et Gomorrhe par le feu divin, tel que raconté dans la Bible. Deuxième temps, les insectes et la forêt, tels une gigantesque marée, recouvrent ces terres dévastées, les absorbent peu à peu et menacent à leur tour l’existence des survivants du premier déluge. On peut alors rapprocher cette marée naturelle des nombreux mythes du déluge existant dans les religions de par le monde.

Enfin, avec un point de vue plus japonais, sous-tendu par la religion shintoïste propre à ce peuple, le thème de la souillure revient à plusieurs reprises et est lui aussi lié aux croyances et à la religion. Nausicaä est ainsi tachée (et donc souillée) à plusieurs reprises par le sang des victimes des combats, mais également par le sang bleu des ômus. Or, la souillure est un péché extrêmement grave dans la religion shintoïste (voir notamment le statut d’intouchable, pour ainsi dire, de ceux qui pratiquaient des métiers impurs (bouchers, tanneurs, …) dans le Japon traditionnel, les Burakumin) et provoque une déchéance quasi irrémédiable. En voulant sauver les hommes et la forêt, Nausicaä s’est ainsi volontairement perdue. C’est ce sacrifice (plus important que celui de la vie, celui de la pureté) qui lui donne cet aura auprès de ceux qu’elle croise et qui la considèrent comme une sorte de messie et de martyr.

Un commentaire

1 Olivier le 25/05/2010
très bonne analyse, merci beaucoup

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