La Princesse Vagabonde – l’Irréductible Chinoise

La Princesse vagabonde (ChoukaKou) est un manhua de Xia DA. Il s’agit de la deuxième série de cette jeune auteure chinoise, qui a beaucoup fait parler d’elle. Elle a en effet reçu pour son premier manhua (Little Yu) le premier prix aux prestigieux Golden Dragon Awards (la principale cérémonie de remises de prix concernant l’animation et la bande dessinée en langue chinoise). Elle est par ailleurs souvent présentée comme la première chinoise à avoir pu percer sur le marché nippon de la bande dessinée. Dans un tel contexte, commencer une nouvelle série est apparu comme une prise de risque, d’autant que l’auteure a choisi une thématique très éloignée de son premier succès.

Bien loin des balades oniriques de la petite Yu, La Princesse vagabonde se passe au VIIème siècle. En 626 précisément, Li Shimin, le second fils de l’Empereur Tang Gaozu assassine tous les membres de sa famille pour s’emparer du trône (qui appartenait donc à son frère aîné). Tous ? Non ! Une irréductible chinoise, la princesse Yongnin, fille de l’empereur assassiné, est parvenue à s’enfuir. Ce léger détail est pourtant omis au nouvel empereur et la princesse est déclarée morte.

Yongnin n’est pas une princesse tout à fait comme les autres. Intelligente et curieuse, elle s’est très vite intéressée aux arts de la guerre et aux techniques de combat, traditionnellement réservés aux hommes. Profitant d’un environnement privilégié à la cour et grâce à la bienveillance de son père, elle a pu recevoir une formation de qualité dans ces domaines où elle a montré de très impressionnantes dispositions. Utile quand il s’agit de vivre, du jour au lendemain, en dehors du palais, dans une société parfois violente et hostile. Déguisée en garçon, la jeune fille va donc entamer un périple à travers la Chine avec comme seul objectif : trouver un moyen de se venger de son oncle.

Xia DA nous plonge ainsi dans l’histoire de la dynastie des Tang. A la fin de certains tomes, une postface prend d’ailleurs le temps de présenter certaines figures historiques abordées dans le récit. Parmi ces personnages ayant existé, certains sont des figures connues de l’histoire chinoise, d’autres sont simplement évoqués au détour d’une phrase sans que l’on n’en sache plus. C’est à partir de ces inconnus que Xia DA développe une histoire dans l’Histoire, mêlant fiction et réalité.

Ainsi, même si l’intrigue politique de départ demeure classique (l’enfant survivant d’une famille royale décimée qui veut se venger contre l’assassin spoliateur), le tout s’inscrit dans une démarche assez ambitieuse. Le récit nous permet ainsi de pénétrer dans la Chine du VIIème siècle, dominée par des grandes familles et sous la menace incessante des invasions turques. On découvre également les modes de vie de l’époque et c’est passionnant.

Cette dimension historique est particulièrement mise en valeur par le dessin de Xia DA, qui se distingue par sa très grande précision. Les arrières plans sont ainsi particulièrement minutieux, ce qui donne par exemple, des planches de ville particulièrement réussies qui facilitent l’immersion du lecteur et donnent à voir une certaine réalité. Les détails des intérieurs et des vêtements sont également très soignés. Esthétiquement, de manière générale, je trouve l’ensemble très prenant et très beau. C’est ce qui m’a frappée en premier. Par ailleurs, cette précision dans le dessin ne donne pas un rendu froid et impersonnel, l’auteure sait jouer sur le registre de la poésie et de l’émotion, registre qu’elle avait déjà exploré dans Little Yu.

En fait, pour moi, la réussite de La Princesse vagabonde tient en ce que Xia DA a réussi à mettre au service d’un type de manhua très différent les qualités qu’elle a pu développer dans ses autres ouvrages.  Forte de son expérience avec Little Yu, l’auteure nous présente dans La Princesse vagabonde, des personnages qui sont la plupart du temps très bien construits. Et surtout, qui se complexifient. Pour ce qui est du rythme, Xia DA ne se facilite pas les choses en développant un ensemble de plus en plus important d’intrigues parallèles. C’est en général bien fait et cela permet d’apporter des éclairages différents à une même situation.

Alors bien sûr, tout n’est pas parfait. Certaines sous-intrigues apparaissent peu crédibles et il y a bien quelquefois des manques de rythme. Par ailleurs, j’ai trouvé le chara design assez inégal : certains personnages sont éblouissants de beauté, d’autres se ressemblent trop.

Mais au-delà de ces bémols, je vous recommande chaudement La Princesse vagabonde. Dans sa nouvelle série, Xia DA mêle avec talent le développement d’une intrigue politique intéressante tout en nous faisant découvrir l’histoire et le mode de vie dans la Chine du VIIème. L’ensemble est porté par un dessin que personnellement je trouve très beau, à la fois précis et sensible, et une évolution intéressante des personnages, avec au premier chef, Yongnin, la princesse vagabonde. Je trouve le personnage de plus en plus intéressant, piochant dans différents registres. Enfin, l’édition française est très agréable et soignée. Les éditions Urban China ont opté pour une publication en grand format, choix judicieux qui permet de profiter pleinement de la finesse du dessin, d’autant que les couvertures des tomes sont toujours splendides.

La Princesse vagabonde est éditée en France par Urban China. Le tome 5 est disponible depuis février 2016.

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