Anime-Kun - Webzine anime, manga et base de données

L’animation à la recherche de nouveaux modèles

Publié le 25/10/2012 par dans Chroniques - 5 commentaires

Modèles économiques j’entends. Je m’excuse d’avance auprès de nos lecteurs les plus romantiques mais  aujourd’hui je vais parler de chiffres et de gros sous. Parce que même si les salaires de misère des animateurs ne le soulignent pas, les artistes non plus ne vivent pas d’amour et d’eau fraîche et aimeraient bien vivre de leur métier.

A partir de l’année 2006 qui a connu une certaine saturation du marché, les ventes de DVD de séries d’animation se sont écroulées. Ces pertes n’ont pas dans le même temps été compensées par l’arrivée du BRD. Il y a quelques années, le PDG de Production I.G affirmait qu’alors que le studio pouvait compter sur des ventes solides pendant 2 ans avant 2006, elles s’affaissent au bout d’un an aujourd’hui. Or, la vente des disques a longtemps été la clé de voûte du financement de l’animation japonaise, une situation qui a depuis vécu. La crise de 2007 a fini d’achever la bête, à l’export mais y compris sur le marché domestique,  le Japon ne s’étant jamais remis de la crise immobilière en Asie du Sud-Est du début des années 90.

Plusieurs nouvelles approches ont depuis été tentées avec des fortunes diverses.

Le cross-media

Le schéma qui semble le plus avoir la cote aujourd’hui est celui du cross-media. Il consiste à décliner un produit sous toutes ses formes : série d’animation, figurines, jeux, films, séries en prises de vues réelles. Cette stratégie est loin d’être récente et elle a déjà fait ses preuves d’où son succès d’adoption.

Elle présente cependant plusieurs inconvénients dont le souci de l’export est le moindre. L’approche cross-media fonctionne à plein quand il y a bombardement simultané de tous les dérivés. Outre la lassitude que cela peut engendrer, il y a rapidement saturation quand plusieurs studios adoptent la même approche en même temps. De plus, cette stratégie, valable pour les adaptations, de mangas, de jeux ou de light novels, peut plus difficilement, ou en tout cas plus dangereusement, s’appliquer sur les séries originales.

La dématérialisation

C’est l’évolution la plus large et la plus commune. Pour autant, la révolution numérique de l’animation japonaise n’est pas encore terminée.

Petit rappel des faits : pour lutter contre la contrefaçon à l’international, plusieurs studios mettent à disposition en ligne leurs nouvelles séries, très peu de temps après la diffusion sur l’archipel. Ainsi, scénario impensable il y a encore quelques années, Full Metal Alchemist : Brotherhood arrive légalement, en VOSTFR, une semaine à peine après sa diffusion au Japon. Le délai a même depuis été parfois raccourci à quelques heures !

Les producteurs japonais ont compris que pour pouvoir lutter contre le fansub, il fallait proposer une offre équivalente. L’avancée est notable mais le modèle économique n’est pas encore figé. Certains optent pour la mise à disposition gratuite sur des plateformes connues et éprouvées comme Youtube et Dailymotion. La plupart préfèrent des plateformes dédiées, propriétaires, et payantes, avec des formules d’abonnements mensuels ou d’achat d’épisodes à l’unité. La location est l’offre la plus répandue mais certains se lancent dans la vente. Tout n’a pas été encore essayé : achat/location d’une série complète, voire de toutes les productions d’un studio.

Cette mode contamine même le marché domestique japonais avec l’arrivée de mangas sur téléphone portable. A quand la même opération sur smartphones chez nous ?

Si les producteurs japonais continuent bien souvent de travailler avec les intermédiaires locaux qui ont l’avantage de l’expérience, certains s’en affranchissent et d’autres s’en rapprochent très fortement avec le rachat de Kazé par Shueisha et Shogakukan à l’été 2009. Un nœud gordien reste cependant à trancher.

Les chaînes de télévision nippones financent et diffusent les séries d’animation : il y a confusion entre éditeur et distributeur dans la japanimation. Aussi ces chaînes de télévision ne veulent certainement pas se concurrencer elles-mêmes ! J’y vois la raison du choix d’exclusivité pour la dématérialisation et le cloisonnement du marché. Si vous voulez voir Magi cette saison en France, seul KZPlay la propose, la série n’est pas disponible sur Wakanim. Cette segmentation n’est jamais que le prolongement des différentes chaînes de télévision nippones souvent sur le Câble et donc payantes. Néanmoins, cette remarque frappée au coin du bon sens ne prend pas sur la fameuse génération Y. De la même façon qu’une grille horaire leur est archaïque, cette fragmentation n’a aucun sens pour eux sur le marché sans frontière de l’Internet. Je ne plaide pas pour un monopole mais bien pour une mise en concurrence.

Le crowd-funding

Derrière ce mot barbare se cache le financement par tout un chacun, directement, d’un projet : on parle de production participative ou communautaire. C’est la nouvelle marotte une nouvelle fois grandement facilitée par Internet et l’arrivée de Kickstarter.

Kickstarter est un site web américain et plate-forme de crowd-funding. Il met simplement en relation les créateurs et les investisseurs potentiels : tous les internautes. Il offre le double avantage de la visibilité dans l’océan du Web et de la sécurisation des transferts d’argent en s’appuyant sur Amazon Payment à la fiabilité reconnue. On regrettera cependant l’absence d’une solution de paiement via PayPal qui permet de se passer des frais de bancaires de conversion. En effet, le paiement sur Kickstarter se fait uniquement en dollars américains. L’investissement n’est pas complètement désintéressé puisque si vous investissez un montant minimum vous pouvez avoir des cadeaux : remerciements dans les crédits, copie dématérialisée, etc.

Ce site a connu un succès certain dans le domaine des jeux vidéo avec de nombreux projets old-school et le retour de vieilles gloires : Double Fine Adventure, Project Eternity, etc. Surfant sur la vague, le studio Production I.G. tente l’aventure avec le projet d’un court-métrage réalisé par Masaaki YUASA (Kaiba, The Tatami Galaxy), Kick-Heart. A une semaine de la date limite, la somme requise de 150 000 $ est presque réunie, signe d’une première tentative réussie, mais a minima.

Est-ce que ce projet peut faire des petits ? Rien n’est moins sûr mais certains éléments sont déjà révélateurs et parfois prometteurs.

Le nom I.G. porte à l’occident. Nombre de backers (i.e. les internautes investisseurs) soutiennent le projet sur ce seul argument. De même, si YUASA ne touche qu’une niche parmi un public déjà restreint, c’est peut-être un public bien peuplé de fanboys prêts à soutenir initiative.

Difficile devant ce seul galop d’essai d’en tirer des conclusions, mais on peut commencer à se projeter. Prenons ceux qui disent avoir vu Kemonozume sur MyAnimeList, la moins connue des séries de YUASA mais aussi la plus proche graphiquement de Kick-Heart : 12 000 téléspectateurs pour au final 2400 backers à l’échéance. On va donc dire grosso modo 20%. Ensuite prenons une série originale (si une adaptation doit attendre après Kick-starter, c’est à déprimer) plus populaire toujours sur MAL : les 150 000 de Tengen Toppa Gurren Lagann. Si on garde la même proportion, on pourrait avoir 30000 backers potentiels. Le montant moyen sur Kick-heart, hormis le dingue qui a misé 10 000 $, est de 60$. Ça me semble un maximum mais c’est aussi le premier palier pour avoir le BRD donc il faut peut-être creuser là. Mais même avec cette moyenne de 60$, ça ferait jusqu’à 1.8 millions de dollars soit, à 150 000 $ les 20 minutes d’animation, de quoi provisionner la production d’une série de 12 épisodes.

Tout n’est pas rose ceci dit. Tetho rêve en couleur quand il pense que ça financera des Hoshi no Koe. Une bleusaille va se retrouver marron sur Kickstarter. Il faut soit s’inscrire dans un genre aguicheur et/ou avoir déjà une certaine notoriété. Ça permettra peut-être de financer des projets qui ne trouvaient plus preneur comme finir Yume Miru Kikai de Satosho KON, ce qui sera déjà pas mal, mais ce n’est pas de là que l’innovation viendra ou surtout que de nouveaux talents seront dénichés.

5 commentaires

1 le-crepusculaire le 25/10/2012
Merci pour toutes ces infos... Je connais un certain vocabulaire qui pourrait mettre utile grâce à toi, bon article!
Merci Afloplouf de m'avoir appris tant de choses en un seul article !
3 DregastabyloBoss le 26/10/2012
Aahh c'est un article très intéressant là aussi... Ouais... Effectivement et même si il n'est pas teinté de romantisme, je le reconnais! xD
4 LordFay le 27/10/2012
C'est très intéressant, merci beaucoup ! Par contre, j'ai des doutes par rapport à la comparaison que tu fais avec les spectateurs de TTGL. Ceux qui regardent Kemonozume c'est pas par hasard, c'est vraiment des gens qui viennent voir du Yuasa pour une bonne part. Des types qui s'intéressent à l'animation.

Sur TTGL, ils doivent être nombreux à l'avoir vu sans être spécialement trop là-dedans : "y'a Machin, le pote de Truc, qui regarde des dessins animés japonais et qui a trouvé un truc rigolo à nous faire voir là, avec des robots géants qui font n'importe quoi". Une certaine proportion de kévins et autres pseudo-otaku qui n'ont jamais payé pour leurs animes. Je ne pense pas qu'on descendrait sensiblement plus bas que Kickheart pour ce qui est de la somme moyenne investie (surtout avec autant de cadeaux) mais je pense que la proportion serait franchement plus faible. Du coup, la série de 12 financée sur ce modèle, j'y crois pas trop.
5 Afloplouf le 27/10/2012
Je reconnais la faiblesse de l'argument, il y a des chances qu'il y ait proportionnellement moins d'investisseurs mais ça pourrait être compensé par un montant plus élevé. Ce petit calcul n'a de toute façon aucune valeur statistique, c'était plus une petite expérience de l'esprit pour trouver le maximum atteignable. ^^'

Laisser un commentaire

Pour relier le webzine à votre compte AK, cliquez ici.

Contrairement au reste du site, le webzine a été développé sous Wordpress. Vous pouvez toutefois utiliser vos identifiant et mot de passe Anime-Kun habituels pour vous connecter. Cette opération est facultative mais vous permettra, lors de la première connexion, de relier votre compte AK à celui du Webzine et ainsi laisser des commentaires avec votre pseudonyme AK.

Pour des raisons de compatibilité, les membres dont l'identifiant comportent des caractères spéciaux ou accentués doivent utiliser l'adresse mail avec laquelle ils se sont inscrits sur Anime-Kun.

Connexion