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L’Histoire du Japon, au fil du katana

Publié le 19/11/2008 par Afloplouf dans Culture - 8 commentaires

Les chambaras (時代劇, jidaigeki), ces séries et films portés sur l’histoire du Japon mettent en avant les célèbres samouraïs (侍). Ces guerriers à l’honneur inébranlable font partie de ces icônes du Japon, au même titre que les geishas ou la cérémonie du thé. Leur impact historique est considérable. Pour autant, l’occidental n’a qu’une version parfois sommaire de ces guerriers.

Ainsi, si le terme existe depuis longtemps, il n’a véritablement été usité que tardivement. Aussi appelle-t-on souvent improprement samouraïs ceux qu’il convient d’appeler bushis (武士) – littéralement guerrier d’art martial – au sens large.

Il me semble utile d’avoir quelques repères afin de lire avec plus d’acuité ces Vagabond et autres Shigurui ; mais aussi afin de comprendre la « voie » du samouraï qui a imprégné la société japonaise et qui transparaît dans bon nombre d’autres œuvres.

Samourai au galop

Période Yamato (300-710) ( 大和 ) : La fondation

Les premiers bushis (ou du moins leurs ancêtres) apparaissent donc à cette époque. Ce qui ne s’appelle pas encore le Japon est un petit regroupement de quelques clans familiaux (les « Uji »,氏) qui détiennent un pouvoir religieux qui leur confère un pouvoir terrestre certain comme toujours.

Les clans se battent entre eux mais ils doivent aussi se défendre de l’extérieur. Les barbares du Nord notamment occupent l’île d’Hokkaido et font parfois des raids chez leurs plus riches voisins du Sud. Pour se défendre, les clans se dotent d’un embryon d’armée. Ces premiers bushis sont essentiellement des cavaliers protégés d’une cuirasse légère et d’un casque et armés d’arcs courts, de lances ou d’épées alors à double tranchant.

Avec la formation de la prédominance d’un clan sur l’autre et la naissance de l’Empire à venir, ces armées « privées » sont regroupées et le pouvoir de chaque clan est en partie bridé afin d’éviter toute velléité de rébellion.
En 366, le jeune Japon envahit l’actuelle Corée et fonde un royaume soumis appelé le Minama. Ce royaume perdurera environ 3 siècles, jusqu’en 663.
Au 7è siècle, Shôtoku Taishi, alors régent de l’Empire, institue la conscription des paysans encadrés par les bushis des grandes familles afin de grossir les armées de ces fantassins.

Pour la petite histoire, sachez également que c’est à cette époque qu’apparaît le titre de Shogun, titre honorifique hypothétique attribué au général qui réussirait à écraser ces barbares du Nord. Le terme a pris une autre connotation par la suite.

 

Ère Nara (710-794) (奈良 時代) : La consolidation

Si cette période est courte, il n’en est pas autant de l’impact sur le paysage politique japonais. Nous retiendrons que Fujiwara Nakamaro, l’un des membres éminents de la cour impériale, abroge en 721 la conscription paysanne, jugée coûteuse et inefficace, et lui substitue une armée plus professionnelle.
L’image même du bushi de cette époque est un cavalier-archer au service des grandes familles.

 

Ère Heian (794-1185) (平安 時代) : La révolution

Minamoto no Yoshitsune et Benkei La capitale est déplacée à Heiankyō (litt. capitale de la paix et de la tranquillité), l’actuelle Kyoto.
Vers le Xè siècle, les temples bouddhistes, aux domaines vastes doivent faire face aux brigands et aux barbares. Pour s’en défendre, se constituent les soheis (僧兵) ou moines-guerriers. Ces derniers portent une armure rudimentaire, bien souvent pas de casque, et leur arme préférée est la naginata (薙刀), une arme à la croisée de la faux et de la lance. De part leurs fonctions religieuses, ces soheis sont craints par tous et nul ne s’aviserait de mécontenter les dieux en attaquant les processions religieuses. On prête même à ces moines-soldats des pouvoirs magiques. Ils vont régner sans partage sur les campagnes japonaises pendant près de 4 siècles.

L’ère Heian est une période charnière de l’histoire du Japon, cette période va voir la montée en puissance des bushis et leur prise du pouvoir. Ces bushis ont été organisés sous l’ère Nara et leur montée en puissance se heurte à l’aristocratie impériale (les « Kuge »,公家). Cette dernière, très riche et raffinée, regarde d’un mauvais œil ces guerriers frustres. Les bushis, eux, voient dans ces aristocrates une forme de corruption à la cour et un éloignement de la réalité.

Privés de pouvoir et de reconnaissance, certains commencent à fomenter la rébellion dans les provinces plus ou moins reculées. Ces premières tentatives sont foulées au pas, promptement d’abord, puis avec de plus en plus de difficultés.
Les Taira sont un des clans dominants de la capitale et avec « leur » premier ministre Taira no Kiyomori, ils sont, dans l’ombre de l’Empereur, la véritable force politique décisive du pays. En 1180, avec l’abdication de l’empereur et en l’absence d’une ligne d’héritage claire, le premier ministre tente un coup d’État en plaçant son propre petit fils, âgé alors de 2 ans, sur le trône. Mais un des héritiers naturels au trône, mécontent de cette décision, apporte son soutien à l’autre clan majeur du pays, les Minamoto, afin de renverser ce pouvoir autoproclamé.

Ce sera le début de la guerre dite du Gempei qui durera 6 ans. Cette guerre civile, la première d’une telle ampleur, verra sa conclusion dans la bataille navale de Dan na Ura qui consacre la victoire des Minamoto. Ces derniers profitent de leur position pour s’emparer du pouvoir et reléguer à l’Empereur une charge symbolique.

 

Ère Kamakura (1185-1333) (鎌倉 時代) : La militarisation

Minamoto no Yoritomo devient, à la suite de la guerre du Gempei, le premier véritable Shogun de l’histoire et s’installe dans la ville de Kamakura (un peu au sud de l’actuelle Tokyo). Sous cette ère, le pouvoir va revenir aux guerriers. Yoritomo instaure un gouvernement militaire (幕府, bakufu) et une noblesse guerrière (武家, buke). Cette dernière va se voir attribuée des pouvoirs d’ordre militaires dans un premier temps puis rapidement civils.

Le code de Joei en 1232 établit par la loi un lien de vassalité entre chaque bushi et son seigneur. L’organisation des maisons des grandes familles connaît ainsi un changement majeur.
De même, l’organisation politique et économique du Japon va connaître un bouleversement majeur. La création des gouverneurs militaires des provinces (守護, shugo) et des officiers-percepteurs (jîto) va retirer tout le pouvoir et la richesse des aristocrates pour les confier à des vassaux du Shogun.

La vague d'Hokusai

C’est durant cette période que le Japon devra faire face à la plus grande menace d’invasion de Son histoire. Kubilai Khan, le chef des troupes mongols, décide de s’étendre à l’Est de conquérir le Japon. La première tentative d’invasion en 1274 va balayer la marine japonaise, inexpérimentée face aux mongols. Cependant, malgré un armement supérieur (poudre à canon chinoise), des tactiques mieux rodées et un avantage numérique important, échoue à cause de dissension internes dans les troupes multiculturelles (mongols, coréens, chinois) envoyées par le Khan.
En 1284, Kubilai Khan retente de conquérir le Japon avec une flotte imposante (près de 100 000 soldats, sans compter les marins) mais un caprice de la nature va une nouvelle fois déjouer ses ambitions. Un typhon, que les Japonais appelleront Vent Divin (神風 , kamikaze), va sauver le Japon.

Sauver vraiment ? De nombreux historiens estiment que cette défaite pour les guerriers (la victoire n’est pas de leur fait) va entacher leur estime et briser le patriotisme nippon. Les bushis n’auraient dès lors combattu que pour l’argent et non pour leur fierté ou celle de leur seigneur. Inutile de préciser je pense que c’est un point très controversé…

 

Ère Muromachi (1333-1573) (室町 時代) : La confusion

C’est une période assez trouble de l’histoire du Japon. L’Empereur n’est plus qu’un titre et la succession chaotique des nouveaux Shogun, les Ashikaga, laissent le pays sans maître dès le milieu du 15ème siècle. Ce manque de cohérence au plus haut sommet de l’État attise toutes les convoitises. Le brigandage augmente dans les campagnes et même dans les villes. Et les anciens shugo gagnent une puissance croissante et prennent le titre de de daimyō (大名).

Ces nouveaux daimyôs cherchent à accroître leur puissance militaire et commence à recruter des leurs armés des paysans : les ashigarus (足軽) Cette nouvelle infanterie, bien que sous-entraînée, va, de par son nombre, révolutionner l’art de la guerre japonais.

Au sud de l’archipel, les portugais débarquent sur l’île de Tanegashima en 1543. Ils importent le christianisme et surtout les arquebuses que les japonais nommeront teppō ( 鉄砲).

 

Ère Azuchi Momoyama (1573-1600) (安土桃山 時代) : L’unification

Ashigaru (Vagabond)Une date clé de l’Histoire du Japon : le 29 juillet 1575, au château d’Azuchi, à Nagashino, 3000 ashigarus sous-entraînés vont défaire une cavalerie aguerrie de 40 000 cavaliers. Cette bataille va une nouvelle fois révolutionner l’art de la guerre japonaise. Les bushis ne décident plus de la victoire ; le nombre des ashigarus armés de fusils ou plus souvent de simples lances est désormais déterminant.

Paradoxalement, les bushis n’ont jamais été aussi puissants : ils dirigent des armées immenses (plusieurs milliers d’hommes) En effet, trois généraux – Nobunaga Oda, Toyotomi Hideyoshi et Ieyasu Tokugawa –  vont lancer un vaste mouvement d’unification en vue de récupérer le pouvoir. Les guerres civiles sont incessantes et vident les campagnes des paysans enrôlés comme ashigarus.

Ces guerres vont atteindre leur sommet le 21 octobre 1600 à Sekigahara. Près 170 000 soldats vont s’affronter sous la pluie et les boulets de cannons pendant près de 24 heures ! On estime que 40 000 hommes perdront la vie dans cette bataille. Cette victoire voit Ieyasu Tokugawa victorieux : il s’empare du pouvoir et fonde un shogunat qui durera près de 300 ans. Il fait du village où il avait établi son campement, Edo (江戸), la capitale.

Pour l’anecdote, le samouraï célèbre au style des deux sabres, Miyamoto Musashi, a participé à la bataille de Sekigahara du côté des vaincus en tant que simple ashigaru.

 

Ère Edo (1600-1868) (江戸時代) : La disparition

Samurai 7Le shogunat des Tegukawa assoit définitivement leur pouvoir le 4 octobre 1615, lors de la bataille du château d’Osaka. Ces ruines voient également la disparition des bushis au profit des samouraïs. Ils abandonnent l’armure et bien souvent l’usage de l’arc au profit d’un simple kimono et du seul sabre. Les trop nombreux dojos ont perdu de leur utilité avec la paix. Les samouraïs restés fidèles à un seigneur ne sont plus récompensés avec des terres mais payés. Ils prennent plus la forme de fonctionnaires armés chargés de maintenir la paix dans les provinces.

L’ennui et la nostalgie poussent les samouraïs à développer la mythologie de leur caste. Ils commencent à coucher par le papier le Bushidô, la voie du samouraï. L’exemple le plus célèbre est le Hakagure (litt. À l’ombre des feuilles) écrit au milieu du 18è siècle mais publiée tardivement à la fin du 19è siècle qui propagera la légende du samouraï dans le pays et à l’étranger.

L’arrivée des « Bateaux noirs » en 1853 va changer la donne et sonner le glas des samouraïs. Les USA, représentés par le Commodore Mattew Perry force l’ouverture du Japon, isolé de l’Occident à quelques rares exceptions depuis près de deux siècles. Rapidement, les modernistes (partisans de l’Empereur) qui vont guider la révolution Meiji s’opposent aux conservateurs (partisans du Shogunat). En 1876, l’Empereur interdit le port du sabre, symbole du pouvoir de la caste des samouraïs. Leurs privilèges sont abolis deux ans plus tard. Les samouraïs disparaissent officiellement à cette date même s’ils gardent une bonne partie du pouvoir économique et politique.

8 commentaires

1 The_Fan le 19/11/2008
Merci pour cet article intéressant Aflo =] .
effectivement, c'est une bonne base que la plupart des noobs pourront lire sans s'évanouir
3 emilie le 19/11/2008
Article très bien écrit et vraiment lisible. Merci pour tout ça, même si je ne connait vraiment que les ères Azuchi Momoyama et Edo et encore ma connaissance est assez fine.
Au moins grâce à ça, j'arrive à visualiser la chronologie de certaines oeuvres.
4 PanzerFaust le 19/11/2008
Oui, un très bon article, très simple et facile de lecture.

Pour l'anecdote (je vous la met, vous la prenez, vous la prenez pas^^), ma prof de civi japonaise nous avait dévoilé un proverbe concernant les 3 généraux et leurs personnalités :

Un oiseau, posé sur une branche, ne chantait pas :
- Hideyoshi dit "si l'oiseau ne chante pas, j'attendrai qu'il chante"
- Tokugawa dit "si l'oiseau ne chante pas, je le ferais chanter"
- Nobunaga dit "si l'oiseau ne chante pas, je tuerais l'oiseau"

Bon, je suis plus du tout sur de l'ordre des généraux, j'ai pas réussi retrouver ce proverbe sur internet...-_-
Merci Faustt de ce grand moment de culture =)
6 Starrynight le 19/11/2008
Dans l'ordre, c'est plutôt Nobunaga, Hideyoshi et Tokugawa, à mon avis. :)
7 El Nounourso le 19/11/2008
Je rejoins les autres : ce très bon article permet d'acquérir quelques bases solides en histoire japonaise.
Bravo aussi pour ton choix d'images Afloplouf :)

Super article :) merci

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