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Mangaka et responsable éditorial : le parfait couple SM?

Publié le 09/02/2010 par AngelMJ dans Chroniques - 12 commentaires

Afternoon de janvierMakoto YUKIMURA, mangaka des séries Planetes et Vinland Saga, était l’invité d’honneur du Manga Building d’Angoulême 2010. Entre interviews et autres performances graphiques, le jeune dessinateur s’est vite fait remarquer pour sa bonne humeur et son caractère jovial. Mais l’homme n’était pas venu seul. Nous avons en effet découvert lors de la conférence « Dans les coulisses du magazine Afternoon » que ce dernier était accompagné de son responsable éditorial, M. Mikito TAKASE. Travaillant aux éditions Kôdansha, ce Japonais au look de salaryman décontracté s’est fait un plaisir de nous faire découvrir la fameuse revue de prépublication, et en a profité également pour nous parler un peu de son rôle et de ses relations avec les mangakas qu’il supervise. Et le tout avec un humour assez maîtrisé.

Tu fais quoi cet Afternoon ?

Mais avant tout, parlons de l’essentiel. Pour ceux qui ne connaissent pas le magazine Afternoon, il s’agit d’un magazine de prépublication dans lequel paraissent pas moins de 40 séries de mangas par mois, à l’instar de l’incontournable Weekly Jump (vous savez, le magazine qui prépublie Naruto et tous ses potes castagneurs…) qui, lui, est hebdomadaire. A la base simple supplément du magazine Weekly Morning (Morning, Afternoon… vous voyez le truc ?), le magazine s’est vite fait remarquer en publiant des séries bien connues chez nous comme Ah ! My Goddess, Mushishi, ou encore L’habitant de l’Infini ou plus récemment le fameux Vinland Saga.

Afternoon, c'est un annuaire tous les mois A noter que la traduction était excellente

M. Mikito TAKASE nous explique alors qu’Afternoon suit une ligne éditorial très « expérimentale » par rapport à son confrère Jump. En effet, les mangakas sont libres d’écrire leur histoire comme ils le souhaitent, sans se soumettre ni à la volonté du responsable éditorial, ni à la volonté des lecteurs (ce qui est vraisemblablement le cas dans Jump). Au contraire, le responsable éditorial encourage l’auteur à tester différents styles, d’oser exprimer ses idées. Afternoon se veut ainsi presque plus tourné vers les auteurs que vers les lecteurs, et du moment que ça marche (la popularité d’une série est vérifiée chaque mois par le biais de sondages). M. TAKASE prend pour exemple la série Ah ! My Goddess, qui a déjà au compteur plus de 40 volumes au Japon. Si le propos semble banal (une simple série harem), la série se maintient dans le haut du panier car l’auteur fait exactement ce qui lui plait. C’est alors mathématique pour M. TAKASE : si le mangaka se sent à l’aise dans son travail, cela se ressent dans son manga et le public suit obligatoirement.

Vas-y ! Engueule-moi ! J’aime ça !

Par la suite, M. TAKASE explique de manière plus approfondie son rôle dans la réalisation du manga. Comme dit un peu avant, le rôle du responsable éditorial est d’aider le mangaka à exprimer le mieux possible ses idées. Ainsi, pour citer M. TAKASE, « le responsable éditorial crée une passerelle entre la réalité et les idées du mangaka ».

Avant de démarrer un projet, le mangaka rencontre son responsable éditorial (qui le suivra tout au long de l’aventure de son manga, sauf cas de force majeur…) pour définir la ligne éditoriale du manga en devenir (scénario, personnages, etc.). S’il s’agit bien d’un travail d’équipe, M. TAKASE ne cache pas qu’il s’agit plus souvent de véritable confrontation entre deux hommes. Le mangaka a ses idées, mais le responsable éditorial est là pour dire, souvent de manière clair et précise, si ces dernières sont bonnes… ou tout le contraire. A l’entendre, et malgré sa gentille frimousse et son humour taquin, M. TAKASE se veut direct dans ses propos, quitte à dire : « un bon responsable éditorial, c’est engueuler le mangaka avec le sourire ! ». Mais c’est pour lui la base de la relation qu’il entretient avec les mangakas qu’il supervise (entre 2 et 3 en moyenne). Tout se dire, ne rien se cacher… cela crée inéluctablement un lien de confiance.

Le name : les prémices du duel M. TAKASE est du genre tatillon

Une fois la décision prise concernant le fond, il est temps de s’atteler à la réalisation du manga. Et c’est parti pour de joyeux moments douloureux, à travers la rédaction du name (storyboard), voire même de plusieurs, des recherches pour les lieux et autres, le bras de fer avec le rédacteur en chef pour faire paraître la série dans le magazine… La vie d’un responsable éditorial n’est pas de tout repos vu qu’il sert de lien entre les hautes sphères et le mangaka. Cela implique des moments gratifiants (le responsable et le mangaka travaillent ensemble pour aboutir à un travail concret), mais aussi douloureux parfois (c’est le responsable éditorial qui annonce au mangaka lorsque sa série va s’arrêter).

Malgré vents et tempêtes, notre duo masochiste continue son travail de longue haleine (le chemin parcouru jusqu’à la publication dure à peu près deux semaines et demi), le tout saupoudré de perfectionnisme (« ce personnage… tu devrais le faire se pencher un peu plus… ») et d’un soupçon de mauvaise foi (« Mais ! Vous m’aviez dit que c’était bon la dernière fois ! » ;  « Ah bon ? J’ai dit ça moi ? »). Encrage et vérifications pointilleuses se chamboulent jusqu’à l’arrivée rarement sereine chez l’imprimeur pour la publication (et encore, quand l’imprimeur ne ramène pas sa fraise aussi !).

Le responsable éditorial choisit même les polices! Le jeu en vaut la chandelle!

Après l’effort… il en faut encore !

A ce stade, le plus gros est fait. Si la série a du succès, elle gagne le droit de finir en volume relié. M. TAKASE explique que dans le cas de Vinland Saga (comme beaucoup d’autres visiblement), M. YUKIMURA publie 30 pages par mois et qu’un volume contient généralement 7 chapitres (soit donc en gros 2 tomes reliés par an). Le responsable éditorial passe alors commande pour le graphisme du titre (et oui, ce n’est pas le mangaka qui s’y colle). Et c’est reparti pour un tour avec la création des dessins pour les couvertures qui donne souvent lieu a un duel sanglant entre le choix de l’auteur et celui de son responsable. Mais, nous souffle TAKASE, « c’est souvent le responsable éditorial qui l’emporte, le mangaka se contentant d’accepter le choix en boudant ». Le tout est alors remis à un designer, sous contrôle du responsable éditorial, qui va réaliser l’ensemble de la jaquette du futur manga. Et voilà ! Le manga est en vente, plus qu’à croiser les doigts pour que les lecteurs aiment et que la série continue à être publiée.

Conclusion

Grâce à son aisance et son humour soutenu, M. TAKASE a réussi à nous captiver du début à la fin de la conférence. L’arrivée en cours de route de Makoto YUKIMURA a rajouté une couche de bonne humeur dans l’auditoire, les deux hommes semblant très bien se connaître à force de travailler ensemble. Les petites vannes volaient de temps en temps, pour notre plus grand plaisir.

Les questions qui ont suivi ont donné lieu à un échange agréable avec le responsable éditorial et le mangaka. On a ainsi appris que 99% des responsables éditoriales sortent d’un cursus littéraire, qu’il peuvent suivre maximum 6 séries dans le magazine et qu’ils peuvent se montrer très persuasifs (dans le genre, s’asseoir à côté d’un mangaka à la bourre et lui souffler gentiment toutes les 5 minutes : « c’est fini… ? »). M. TAKASE a également insisté sur le fait que M. YUKIMURA n’a pas trop à se plaindre de lui car il lui laisse une grande marge de liberté et surtout, tolère sa lenteur légendaire.

Pour conclure, M. TAKASE a demandé à l’ensemble de l’auditorium de poser avec le magazine Afternoon, histoire de montrer sur leur blog que même les Européens kiffent son magazine (d’ailleurs, il faudra que je retrouve cette photo sur ledit blog, mais j’avoue que je me suis perdu dessus). Et c’est ainsi que se termine la conférence. Une conférence à mon goût très intéressante (même si les lecteurs de Bakuman n’y auraient rien appris de particulier) et très agréable (les Japonais ne sont pas si coincés qu’on le dit). C’est à se demander pourquoi cette conférence a-t-elle été autant boudée par le public. Car si la petite salle Méliès du manga Building était pleine pour la conférence One Piece, il y avait largement de la place dans notre cas. De plus, exit les gremlins, que des têtes plus ou moins grises (pardon à elles si elles me lisent) dans les rangées, le boulot de responsable éditorial ne semblant pas faire un buzz auprès de notre ingrate jeunesse.
Qu’importe. Ce petit comité n’a fait qu’amplifier le sentiment de convivialité et de proximité avec les deux Japonais, faisant de cette conférence la plus sympathique et la plus riche que j’ai pu faire dans ce cher Manga Building. M. TAKASE, M. YUKIMURA, merci à vous !

Le mangaka et son responsable éditorial

12 commentaires

Hahahaha ! :)
Ca m'avait l'air bien fendard visiblement ! :)
Pas mal du tout ! Me faudrait mes mangakas féminins qui créent mes mangas ecchis. ^^
2 AngelMJ le 09/02/2010
Pas de méprise Shiroi. Le responsable éditorial n'est pas le scénariste, il fait surtout en sorte que les idées du mangaka soit bien exploité et bien présenté. Il n'a qu'une influence minime sur le déroulement de l'histoire (cette question a été soulevé d'ailleurs...).
3 jadraja le 09/02/2010
@Citation
[...]le boulot de responsable éditorial ne semblant pas faire un buzz auprès de notre ingrate jeunesse


Ça m'évitera la concurrence au cas ou j'y débouche après mes études :p

Plus sérieusement: la jeunesse qu'on peut constater aujourd'hui, en dehors du Japon, ne s'intéresse qu'aux séries fleuves (pour la très grosse majorité je suppose...) avec favorisation de la quantité sur la qualité telles que Naruto, One Piece, Bleach... Il n'y a plus de recherche de leur part concernant le boulot qu'il y a derrière, les autres artistes et œuvres qui peuvent exister et qui sont presque toujours bien plus méritants.

Je sais pas si c'est vraiment le cas chez vous en Europe mais ici, dans les pays africains ou je suis passé, c'était flagrant.
Tout cela me rappelle la conférence de Takeshi Obata à la Japan Expo, qui m'avait laissé une drôle d'impression ; c'était censé être une conférence de l'auteur, et c'est finalement son responsable éditorial qui prit les choses en main et a répondu à la plupart des questions. Cela faisait bizarre, comme si Obata n'avait pas le droit à la parole, par peur qu'il dise une bêtise ou je ne sais quoi. Après avoir vu ça, je pense comprendre ce que celui-ci implique lorsqu'il explique que ses techniques de travail ne sont pas celles du Jump : dans ce magazine, les auteurs semblent n'avoir qu'une marge de manœuvre très réduite.
5 le gritche le 09/02/2010
Merci beaucoup ! Je me demande également dans quelle mesure les mangakas savent déjà formater leurs oeuvres pour convenir à leur magazine. Bakuman et sa mise en abime du shonen est intéressant à plus d'un niveau pour voir comment la création d'un manga peut être appréhendée et cuisinée.

" la jeunesse qu'on peut constater aujourd'hui, en dehors du Japon, ne s'intéresse qu'aux séries fleuves (pour la très grosse majorité je suppose...) avec favorisation de la quantité sur la qualité telles que Naruto, One Piece, Bleach "

C'est pas comme si les séries courtes ou one-shot faisaient nécessairement mieux que Naruto ou One Piece: l'équation plus c'est court mieux c'est fonctionne vraiment mal avec le manga à mon avis.
6 AngelMJ le 09/02/2010
Ce n'est pas entièrement vrai dans notre cas Gemini, mais TAKASE le dit lui même au début de la conférence : les mangakas sont plus "libres" de faire ce qu'ils veulent dans Afternoon, alors que JUMP semble suivre une ligne éditoriale très sévère. D'ailleurs, il a été soulevé que certains mangakas de Jump ont "migré" chez Afternoon à cause de ça (par contre, on ne nous a pas dit qui).
7 Afloplouf le 10/02/2010
Tu parles de métiers de rêve. :p Et si on connaît un peu le poids négatif de l'éditeur que peut avoir sur une trame scénaristique (deuxième partie de Death Note, la construction bancale de l'arc HM en cours sur Bleach...), leurs bonnes suggestions doivent rester secrètes. Métier sadique et ingrat en plus.

Le fait que la salle de conférence ait été vide ne m'étonne pas tant que ça. Beaucoup ont du penser que ce serait un exercice formaté et à la langue de bois. Sans compter les "gremlins" qui se moquent de ce qui se trament en coulisse. ^^'
8 PanzerFaust le 11/02/2010
Article super intéressant. Je me demande : si ce sont les responsables éditoriaux qui demandent aux auteurs de finir leur manga, est ce ça ne serait pas aussi eux qui leur demandent de faire trainer en longueur les séries à succès ? Ça expliquerait le nombre hallucinant de manga dont l'intérêt s'étiole avec le nombre de tome...
9 AngelMJ le 11/02/2010
@Citation
si ce sont les responsables éditoriaux qui demandent aux auteurs de finir leur manga, est ce ça ne serait pas aussi eux qui leur demandent de faire trainer en longueur les séries à succès ?


C'est évidemment aussi le cas bien sûr, mais je rappelle que le responsable éditorial ne fait, à ce niveau, que dire au mangaka ce que lui a dit le rédacteur en chef.

Et encore, dans le cas d'Afternoon, c'est un peu différent. Si un mangaka a prévu de faire sa série durant X tomes (Vinland Saga est prévu en 22-23 tomes si tout va bien d'après YUKIMURA...), le responsable éditorial lui laisse le choix de le faire, même si la série est un succès (ça fera de la place pour un autre manga...).

Je le répète parce que c'est important : Afternoon n'a pas du tout la même ligne éditorial que le Jump.
Et moi je répète que Bakuman en révèle beaucoup sur les pratiques du Jump, de manière assez objective d'ailleurs (ce qui est étonnant vu que ça paraît dans le Jump...) Et ça n'a pas grand chose à voir avec Afternoon.
Que de différences entre la manière de faire au Japon et en France dans le milieu de la bande dessinée.
Avec un peu de retard, j'ai bien aimé cet article. ^^

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