Critique de l'anime Amer Béton

» par Starrynight le
09 Mai 2007
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Amer Béton est une sorte d’extra-terrestre indéfinissable et inclassable qui vient d’envahir nos salles obscures.

Première originalité : le réalisateur est un américain vivant au Japon. Il y a donc en filigrane une interprétation occidentale du manga original japonais.

Pour le cadre du récit, le film frappe fort. La ville trésor est un amalgame des métropoles mondiales et tient à la fois du bazar de Calcutta, des rues commerciales d’une cité asiatique et du quartier populaire d’une métropole occidentale. Une statue géante de Ganesha y côtoie joyeusement une reproduction de Sainte-Sophie, le tout embourbé dans un dédale de béton, de poutres de métal et de fils électriques, à l’image de toute ville japonaise qui se respecte. Une atmosphère de féerie et de fête foraine se dégage de cette alchimie aberrante, impression renforcée par l’utilisation d’une large palette de couleurs vives qui font ressembler le quartier à l’étalage d’un confiseur. Mais cet aspect ne doit pas occulter le caractère amer et triste de cette ville finalement assez inhumaine.

Le design des personnages est également des plus originaux. Il choque le regard dès les premiers plans en présentant des gens difformes avec une moitié supérieure du corps disproportionnée par rapport à la moitié inférieure. Mis à part les quelques protagonistes principaux, le graphisme du quidam est simplissime et tranche résolument avec le souci du détail porté aux décors exubérants de la ville. Au bout de quelques minutes, on s’habitue au chara-design et l’on peut se concentrer sur le comportement des héros et sur le scénario. Là également, tout est fait pour donner un être hybride et indescriptible qui dérange, car il semble être tout à la fois une chose et son contraire :

En premier lieu, à côté d’une partie de patronymes japonais les plus communs (M. Kimura et compagnie), certains personnages sont affublés de noms particuliers. Tout d’abord les héros, Kuro (noir) et Shiro (blanc), feraient penser au manichéisme le plus pur s’ils n’étaient dans le même camp (et d’une certaine manière en lutte contre la grisaille qui envahit la ville), les membres d’un autre duo s’appellent Asa (matin) et Yoru (soir, nuit), comme si chaque couple devait fonctionner par antinomie. On croisera aussi Hebi (serpent), yakuza aussi perfide et rusé que l’animal dont il porte le nom. Je citerai enfin les membres d’un des groupes qui tente de contrôler le quartier et dont les membres se prénomment Chocolat, Vanilla et consoeurs comme s’ils étaient les boules de glace d’un même cornet.

Leurs comportement et agissement mélangent aussi tous les genres : Shiro qui renifle de manière démesurée (comme le veut l’étiquette japonaise qui interdit de se moucher ou d’éternuer en public) avant de vider son nez dans un rouleau de papier toilette de la manière la moins ragoûtante possible. On nage en plein délire lorsque Shiro, encore lui, devient agent de la Terre et téléphone régulièrement pour faire un compte-rendu des derniers événements. Les personnages deviennent tout à coups des surhommes en faisant des bonds gigantesques et en s’envolant presque, dans l’incohérence la plus complète. Les deux héros combattent des géants patibulaires, archétypes de la brute épaisse dont le jeune héros saura se débarrasser d’une pichenette dans tout mauvais shônen, mais qui, ici, même déguisés en bouffons de carnaval, conservent un air lugubre et inexpressif qui ne laisse aucune prise au ridicule. Dans certaines séquences, on passe brusquement à des dessins flous, dignes d’un livre d’images pour enfants et qui tournoient et bougent sans cesse comme si le spectateur souffrait d’hallucination et venait brusquement de perdre pied. Voir également la rencontre entre Kuro et Minotaure où les mélanges de gris et noir représentant leurs âmes torturées rappellent le cauchemar de Reki dans Haibane Renmei et les tableaux que peignait Rothko à la fin de sa vie. Amer Béton mélange allégrement les clichés (et notamment les profils types rencontrés dans d’autres oeuvres de japanimation) en les transformant, déformant et caricaturant pour donner une vision décalée de la ville et de ses habitants.

Un film résolument à part, un élément de plus pour la diversité de la production animée japonais, une oeuvre à découvrir. Personnellement, je n’ai pas adhéré à 100% à certains choix qui ont été faits pour ce film, ce qui se ressent dans la note finale (pour laquelle j’ai d’ailleurs eu beaucoup de mal à me décider).

Verdict :7/10
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A propos de l'auteur

Starrynight, inscrit depuis le 18/06/2006.
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