Critique de l'anime Colorful (Film)

» par Deluxe Fan le
15 Février 2012
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Colorful : Seconde chance

Keiichi Hara n’est pas un inconnu. Après avoir fait sa carrière dans l’animation populaire pour la jeunesse (en réalisant des animes de Doraemon et Crayon Shin Chan notamment), il acquiert sa célébrité à l’international avec Un Eté avec Coo, un film grand public étonnant par son réalisme et la justesse de son propos. Désormais faisant partie du cercle très select des réalisateurs japonais attendus jusqu’en France, il nous revient avec Colorful…. Qui reprend la même recette mais avec un goût sensiblement différent.

Parmi les âmes trépassées qui attendent de repartir dans le cycle des réincarnations, certaines sont exclues car elles ont commis de graves fautes. Mais tu as été choisi. Tu auras le droit de revenir temporairement sur Terre et de participer à une épreuve organisée par le Très-Haut.

Ce jeune collégien, Makoto Kaboyashi, a tenté de mettre fin à ses jours. Il est sensé être mort mais tu vas prendre sa place. Ton objectif : trouver la faute que tu as commise. Si tu réussis, ton âme sera sauvée. Sinon, Makoto et toi êtes bons pour un aller simple vers les Limbes.

Il est donc temps pour toi de devenir Makoto, de découvrir sa famille, son environnement, de partager ses joies, ses peines. Et de répondre à la question : peut-on repartir après être passé à l’acte ? Un suicidaire reste-t-il un suicidaire ? Tout est-il à ce point inéluctable ?

Comme dit plus haut le film est assez similaire à Un Eté avec Coo. Le plus important pour moi est la manière dont le film est tourné ; on a un univers hyperréaliste (j’y reviendrai) dans lequel intervient un seul et unique élément fantastique, mais superbement bien traité. Tout comme le kappa qui s’immisce dans une famille ordinaire japonaise, on a là un esprit errant qui s’immisce dans une famille moins parfaite qu’il n’y paraît. Cette astuce de mise en scène, brillante, permet une identification rapide et une narration efficace. L’Esprit découvre la vie de Makoto en même temps que nous, et on s’interroge ensemble sur ce garçon, en apparence ordinaire, mais qui vit en réalité un véritable cauchemar quotidien.

Un Eté avec Coo était une formidable histoire d’amitié, voire de fraternité, alors que Colorful est un film intensément cruel. La solitude, le chagrin amoureux, le mépris de sa famille… Makoto est en pleine adolescence et découvre à ses dépens que le monde autour de lui est imparfait, gris, voire sale. Pourtant, la mise en scène réaliste du film nous fait comprendre que finalement, tout cela n’est que banalité, trivialité. Des histoires comme celles que vivent Makoto, on en voit tous les jours. J’en entends moi-même tous les jours. Il n’y a rien d’extraordinaire. Et c’est là le génie : parvenir à faire deux heures de film passionnantes sur de sujets de société communs.

Car le réalisateur a choisi le parti du réalisme à outrance, à tel point que quasiment tous les décors du film sont soit des photos redessinées, soit carrément des photos incrustées. Même si la technique m’est connue, je n’avais jamais vu de film d’animation pousser aussi loin le procédé. On est parfois interpellé de voir des personnages de dessin animé courir dans des photos de Tokyô, mais on s’y habitue vite. La mise en scène est retenue, voire même froide, et accentue le malaise de Makoto et de sa famille. La musique est peu présente mais sait se faire remarquer pour souligner les passages forts. Le doublage japonais n’a pas de défauts, mais il faut s’habituer à passer deux heures en compagnie d’un casting majoritairement adolescent, ce qui implique de voix… aigües, dirons-nous.

Le casting justement, est la principale force de Colorful. Même si encore une fois leurs histoires n’ont rien de spécialement incroyable, leur traitement fait ressortir leur complexité. C’est sûrement la chose que je retiendrais de Colorful ; vers la fin du film, Makoto explique que les êtres humains ne sont pas fait d’une couleur, mais d’une palette de couleurs, mélangées et indistinctes. On ne peut pas réduire quelqu’un à un stéréotype ou un cliché : l’homme est un être substantiellement irrationnel et d’une profondeur infinie. L’homme, et plus particulièrement l’adolescent(e), n’est jamais complètement perdu, et a toujours la possibilité de se remettre en question. Il suffit d’en parler avec ceux qui comptent.

Colorful est donc une leçon de vie, une leçon d’espoir. Les deux heures de film sont très bien remplies, chaque scène est à sa place et rien n’est de trop. Le film évite le piège en abordant le thème de la prostitution adolescente de manière très pudique, mais sans équivoque pour autant. Les camarades de classe de Makoto, Sano et Saotome, sont certes drôles mais ne sont pas des bouffons de service loin de là. L’aspect drama est bien là, mais les larmes sont toujours justifiées. Bref, tout comme dans Un Eté avec Coo, on a tout du long une impression de maîtrise, d’un réalisateur qui sait de quoi il veut parler et qui ne s’écarte pas de son but.

A une certaine époque, on écrivait des pièces de théâtre qui n’étaient pas destinées à être jouées mais plutôt à être lues. De la même manière, Colorful n’est pas un divertissement pop-corn mais plutôt une œuvre à comprendre et à analyser à tête reposée. Profond et réfléchi, Colorful tape dans le mille et ne laisse pas indifférent. Pari réussi pour Keiichi Hara. 7,5/10

Les plus

- Des choix artistiques tranchés

- Mise en scène bien pensée

- Personnages complexes, fouillés

- Un propos simple et intéressant

Les moins

- On sent les deux heures de film

Verdict :8/10
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A propos de l'auteur

Deluxe Fan, inscrit depuis le 20/08/2010.
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